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de 400,000 fr. une fois accordé, il ne serait plus alloué de subsides aux réfugiés espagnols. N'eût-il pas été convenable d'attendre au moins que les sept mille individus tenus en dehors de l'amnistie y fussent enfin compris ?

Le ministre de l'intérieur justifia le projet: il fallait profiter de l'occasion que préparaient les circonstances pour ôter aux subsides accordés aux Espagnols leur caractère de permanence.

La Chambre donna raison au ministère, en adoptant la loi; 15 voix seulement se prononcèrent pour le rejet.

Au milieu des circonstances présentes, la grande question politique, dans le parlement, après celle de l'adresse, c'était la question des fortifications, résolue par le précédent ministère et sans le concours des Chambres.

Le 12 décembre 1839, le ministre de la guerre avait présenté son projet de loi sur cette matière. Il s'abstenait, disait-il dans l'exposé des motifs, d'apprécier le système qui avait été conçu par la précédente administration.

« Ce n'est pas, avait ajouté le maréchal, ce n'est pas que j'aie abandonné l'opinion que j'ai été appelé à émettre sur la même question de fortifier Paris en 1831, 1832 et 1833; mais j'ai pensé que ce n'était point le moment de la reproduire; aussi je l'ai écartée avec soin, afin que la question se présentât tout entière devant la Chambre; mais en même temps je lui dois et je me dois à moi-même de déclarer que je fais expressément la réserve de cette opinion antérieure que ni le temps, ni les circonstances n'ont affai blie. »

La commission chargée de l'examen du projet choisit pour organe l'ancien président du 1er mars; M. Thiers présenta son travail à la séance du 13 janvier le sujet fut exposé par lui avec une netteté extrême et avec tous les développements qu'il comportait.

Le rapporteur crut devoir tout d'abord appuyer le projet de fortifier Paris sur l'autorité de deux grands noms: Vauban

et Napoléon. Il fit ressortir les dangers qu'avait courus la France en 1792, les malheurs qui l'avaient frappée en 1814; dangers et malheurs que la fortification de la capitale eût sans doute conjurés; et à cette occasion, M. Thiers rappela l'ordre imprudemment donné à Dumouriez, tourné par les Prussiens, de quitter la position qu'il occupait sur la frontière du nord pour venir protéger Paris. « Le général français n'en fit rien heureusement, car il eût perdu son armée, mais si Paris eût été fortifié, cet ordre, qui aurait pu être fatal, n'eût pas été donné. » Quant à la campagne de 1814, au milieu des admirables efforts de l'empereur, on voyait sans cesse la France sauvée si Paris avait été défendu, et la France perdue parce que Paris était resté découvert. « La leçon des évènements est telle, continuait le rapporteur, que nous serions sans excuse si nous ne profitions pas de la durée de la paix, durée inconnue à tout le monde, pour nous occuper enfin d'un intérêt national signalé à notre attention par de si grands évènements et de si grands esprits. » Il est possible que la situation dans laquelle Paris peut être menacé renaisse encore. Depuis la première révolution jusqu'en 1815, elle s'est reproduite six fois; six fois l'Europe s'est réunie contre la France. Cet état d'antagonisme a cessé un instant sous la Restauration, parce que les puissances étrangères ont espéré alors que la branche aînée des Bourbons contiendrait les élans de la révolution. Depuis dix ans, le nouveau gouvernement élevé en 1830 n'a rien fait qui pût justifier les hostilités patentes ou cachées de l'Europe; il a admis tous les traités existants; il n'a favorisé nulle part les tentatives populaires; quand il a donné asile aux réfugiés des autres pays, ça été à la condition qu'ils ne troubleraient point leur propre gouvernement; au dedans, il a maintenu l'ordre et n'a donné aucun des spectacles reprochés à la révolution de 89, El cependant, en ce moment-ci, il est seul encore en Europe comme du temps des coalitions de 1792 et de 1913.

Fallait-il s'irriter d'un tel état de choses, et pour en sortir troubler spontanément le repos du monde? Le rapporteur était loin de le croire; mais il fallait voir cet isolement avec fermeté, avec sang-froid. Il fallait examiner au juste les forces de la France, les organiser, non pas extraordinairement et pour un jour, mais, sérieusement d'une manière durable et qui s'accordât avec nos ressources financières, sans intention provocatrice. C'était le seul moyen de modifier la disposition morale et politique du monde à notre égard. La situation dans laquelle il importait que Paris fût fortifié n'avait donc rien de chimérique; il n'y avait rien d'extraordinaire à la prévoir, rien même de dangereux, si on le faisait avec calme, sans menace pour personne.

Il était nécessaire de s'y prendre avec suite, avec ordre et à l'avance; d'avoir un matériel longtemps accumulé, des cadres bien organisés, une armée toujours préparée à passer du pied de paix au pied de guerre; une réserve prête à la suivre, des gardes nationales disposées à donner à l'armée l'appui de la portion jeune et valide de la population; enfin, des travaux considérables sur le sol. « Ayez tout cela, disait M. Thiers, et vous n'aurez à regretter la puissance d'aucune époque. » Mais ces moyens devaient être préparés à l'avance; quand ils ne sont pas prêts, il faut les improviser; << on le fait mal, on le fait insuffisamment, on le fait tyranniquement. Cette prévoyance est surtout nécessaire pour les ouvrages de fortification; on n'improvise point des murailles. >>

Une objection pouvait être faite; on pouvait alléguer l'exemple de Napoléon lui-même, qui n'avait jamais tenu compte des places fortes et avait toujours marché droit aux capitales. «< Mais il s'est chargé lui-même de la réponse, ajoutait M. Thiers, en soutenant que les places construites par Vauban avaient sauvé la France en 1792, qu'elles avaient ralenti l'invasion en 1814, et qu'elles avaient même influé sur les traités de 1815, et avaient contribué à les rendre moins malheureux.

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Ce qu'ont dit les détracteurs des places fortes, continuait le rapporteur, n'a qu'une valeur, la voici c'est que les places fortes construites à la frontière d'un État ne suffisent plus, et qu'il en faut à l'intérieur pour que, si la ceinture est percée, l'intérieur puisse se défendre. » Or, les points qu'il importe surtout de fortifier à l'intérieur, ce sont les capitales; car c'est là, en effet, le but des guerres d'invasion, devenues si fréquentes depuis un demi-siècle; c'est le but du nouveau système de guerre pratiqué par Napoléon.

• Tandis que pour marcher sur Berlin, dit M. Thiers, il faut faire en partant de notre frontière cent quatre-vingt-deux lieues, passer le Rhin, le Weser, l'Elbe; franchir des places telles que Luxembourg, Mayence, Erbenbreitstein, Magdebourg; tandis qu'il faut faire, en partant de notre frontière, deux cent seize lieues pour aller à Vienne, franchir le Rhin, le Danube, le Lech, l'Inn, une foule de places, et Ulm, que la Confédération germanique va convertir en place de premier ordre; au contraire, pour venir à Paris, que faut-il? Il faut faire soixante lieues à peine, en partant de la frontière du nord; on n'a aucun grand fleuve à passer, à peine quelques cours d'eau de médiocre importance, comme la Marne ou la Seine.

» A cette circonstance géographique s'en joint une autre toute politique. La Prusse, l'Autriche, l'Espagne, l'Angleterre même ne sont pas une comme la France. Notre beau pays a un immense avantage, il est un. Jamais dans aucun temps un aussi vaste royaume n'a présenté, sous tous les rapports, une unité si compacte. Trente-quatre millions d'hommes sur un sol de moyenne étendue, y vivent d'une même vie, y sentent, y pensent, y disent la même chose presque au même instant. Grâce surtout à des institutions qui portent la parole en quelques heures d'un bout de la France à l'autre, grâce à des moyens administratifs qui portent en quelques minutes un ordre aux extrémités du sol, ce grand tout pense et se meut comme uи seul homme. Il doit à cet ensemble une force que n'ont pas des empires beaucoup plus considérables, mais qui sont privés de cette prodigieuse simultanéité d'action. Mais il n'a ces avantages qu'à la condition d'un centre unique, d'où part l'impulsion commune et qui meut tout l'ensemble: c'est Paris, qui parle par la presse et qui commande par le télégraphe. Frappez ce centre, et la France est comme un homme frappé à la tête.

▸ Mais ce Paris, cette tête de la France, qui répand sur l'Europe ce torrent de pensées nouvelles exprimées en un langage entendu de tous les peuples, ce Paris qui remue le monde, ce Paris placé tout près de la frontière, il suffit de faire quelques marches pour le frapper.

Eh bien! que devons-nous faire dans une situation semblable? Ce Paris qu'on veut frapper, il faut le couvrir. Ce but que se proposent les grandes guerres d'invasion, il faut le leur enlever en le mettant à l'abri de leurs coups. En supprimant le but, vous ferez tomber toutes les combinaisons qui tendent vers lui. En un mot, fortifiez la capitale, et vous apportez une modification immense à la guerre, à la politique, vous rendez impraticables les guerres d'invasion, c'est-à-dire les guerres de principes. Cela est de nature à frapper les esprits les plus simples, et il ne faut pas de grandes démonstrations pour le rendre plus évident. Mais si, en cette matière, on peut joindre à la raison les autorités, quelle autorité plus grande que celle de l'homme qui a été le moteur, l'inventeur pour ainsi dire de ce système de guerre, prompt, rapide, qui va droit au but, c'est-à-dire aux capitales?

» Quelle autorité plus grande pouvez-vous avoir que celle de Napoléon lui-même, vous disant du fond de sa retraite que si Vienne, si Berlin, si Madrid, avaient été fortifiés, il aurait échoué dans ses plus grandes campagnes d'Autriche, de Prusse et d'Espagne ? »

M. Thiers citait à ce sujet un passage des Mémoires de l'empereur où cette opinion est exprimée; il établissait ensuite qu'il fallait que Paris fùt couvert par des ouvrages de fortification permanente; que de simples retranchements en terre ne suffiraient pas, et que si Napoléon avait pu en 1815 en faire usage, c'est qu'il n'avait pas le temps de faire davantage en trois mois; que ses Mémoires révélaient également qu'il eût voulu pour Paris une fortification régulière; qu'enfin, des positions retranchées peuvent être plus ou moins difficiles à enlever, mais que cela se tente avec l'artillerie de campagne et des baïonnettes, et que cela réussit quand on ne craint pas les pertes d'hommes. Il faut, au contraire, que Paris soit capable de résister à une attaque en règle; alors toute invasion sera impossible; alors Paris sera à tout jamais délivré des terreurs et des dangers d'un siége.

Mais admettant ici une autre hypothèse, et supposant que, les armées européennes pussent pénétrer jusqu'à Paris et l'assiéger, M. Thiers réfutait l'opinion qui prétend que la capitale est incapable de soutenir une attaque regulière.

L'honorable rapporteur rappelait à ce sujet les actes de patriotisme par lesquels la population parisienne s'est si sou

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