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vent signalée depuis un demi-siècle. Il empruntait également à l'histoire moderne l'exemple de siéges soutenus par des villes populeuses: celui de Vienne en 1683, et celui de Gênes pendant les guerres d'Italie. L'ancien ministre du 1" mars en concluait qu'il n'est pas impossible de soutenir, de diriger le moral d'une grande population assiégée, surtout quand elle contient un principe d'organisation militaire, tel que la garde nationale de Paris, autour de laquelle peut se ranger la population tout entière, Paris serait en outre le centre principal de la force militaire, le rendez-vous des dépôts de l'armée, le point de ralliement des secours venant de toutes les parties de la France; enfin Paris serait le camp sur lequel se replierait l'une au moins de nos armées. Paris aurait donc, dans tous les cas, une garnison suffisante qui donnerait à la population l'exemple du devoir et qui le recevrait sans doute souvent d'elle; Paris serait un foyer ardent de patriotisme et d'esprit militaire, au lieu d'être un théâtre de découragement et de défection.

Restait une difficulté, celle des approvisionnements: à cet égard le rapporteur démontrait, du moins à son point de vue, que les assiégeants ne pouvaient pas tenir plus de trente jours devant Paris, et qu'il était possible de nourrir 1,300,000 hommes dans la capitale pendant soixante jours.

Enfin, Paris peut être entouré de murailles sans une dépense disproportionnée, avec l'objet qu'on se propose : cette dépense, en effet, suivant les prévisions de la commission, s'élèverait à environ 133,000,000 fr.

Mais la grande objection, celle qui avait fait échouer la loi en 1831, 1832 et 1833, était encore à résoudre. Les fortifications de Paris ne seront-elles point un danger pour la liberté? M. Thiers répondait d'abord que l'ancien projet des forts détachés n'existait plus.

Imaginer que des ouvrages de fortification quelconque, ajoutait-il, peųvent nuire à la liberté ou à l'ordre, c'est se placer hors de toute réalité, D'abord, c'est calomnler un gouvernement, quel qu'il soit, de supposer qu'lj

puisse un jour chercher à se maintenir en bombardant sa capitale. (Sensations diverses, mouvement d'assentiment.) Quoi! après avoir percé de ses bombes la voûte des Invalides ou du Panthéon, après avoir inondé de ses feux la demeure de vos familles, il se présenterait à vous pour vous demander la confirmation de son existence! Mais il serait cent fois plus impossible après la victoire qu'auparavant.

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D'ailleurs, plaçons-nous dans la réalité. Nous avons de tristes souvenirs de guerre civile, nous pouvons nous les rappeler. Le gouvernement a eu des désordres à comprimer, est-il allé placer des batteries incendiaires dans l'une des positions dominantes de Paris pour tirer à toute volée sur les quartiers occupés par la rébellion? Non; il est allé droit au désordre; il l'a combattu corps à corps, et lui a enlevé une à une les barricades qu'il avait construites. S'il en avait agi autrement, les factieux, enhardis, seraient devenus maître de Paris.

» Mais à Lyon, à Lyon où existaient des forts dominant cette ville, bien autrement que ceux qu'on pourrait élever à Paris ne pourraient jamais le faire, s'est-on servi de ces forts? Non, on les a délaissés pour aller combattre dans les rues mêmes de cette cité les ouvriers égarés qui menaçaient la société tout entière. Mais laissons les tristes souvenirs de guerre civile : élevons-nous plus haut; élevons-nous aux raisons morales qui décident du sort des révolutions!

» Leur succès est tout entier dans l'assentiment moral de l'opinion géné rale. Toute la question est là: est-ce une minorité factieuse qui vient imposer sa pensée au pays? ou bien est-ce la majorité froissée dans ses instincts généreux, outragée dans ses lois, qui s'indigne et se soulève contre un gouvernement réprouvé de tous? Dans le premier cas, le désordre peut faire couler le sang, mais il est bientôt réduit; dans le second, tout disparaît devant la force morale de l'opinion générale du pays : les armes tombent des mains des plus vaillants soldats. En un mot, pour comprimer une émeute, même sanglante, il ne faut pas de forteresses. Pour opprimer des majorités justement indignées, toutes les citadelles du monde seraient impuissantes et inutiles.»

21 janvier. -M. de Golbéry prit le premier la parole, pour combattre ce projet de loi antipathique au caractère bouillant et agressif de la nation, contraire à l'intérêt du pays dont il compromet l'unité en faisant de Paris la France, contraire à l'intérêt de Paris lui-même, dont il compromet l'existence en l'exposant à toutes les horreurs d'un siège; à la royauté qu'il menace de déchéance au sein d'une ville dans l'anarchie. C'est ainsi, du moins, que l'orateur résumait

ses vues sur cette question: il pensait lui que le moyen de résistance le plus efficace serait un meilleur système de réserve, une bonne organisation militaire donnée à la population, l'augmentation de la marine et la réparation des places fortes des frontières. Et n'est-ce pas, en effet, la meilleure défense du pays qu'une population tout exercée, toute prête à devenir une armée ? ce sont d'impénétrables murailles; elles ont une autre puissance, produisent un autre effet moral sur l'étranger qui ne peut jamais mouvoir autant d'agresseurs qu'il rencontrera de défenseurs. Que risque-t-il, au contraire, en attaquant un pays qui sacrifie trop à la défense? Rien que d'être repoussé, rien que de faire une tentative inutile. Qu'il sache que c'est au bord du Rhin, aux Alpes, aux Pyrénées qu'il trouvera des murailles vivantes et non des amas de pierres, et que ces mobiles remparts, après l'avoir écrasé couvriront de ruines son propre pays. Il est également important de créer des chemins de fer de Paris aux frontières pour pouvoir, en cas de guerre, jeter rapidement nos troupes au-devant de l'ennemi et jusque sur son territoire, dans toutes les directions: cela est même tout-à-fait nécessaire pour le Nord; car il y a des chemins de fer de la Vistule au Rhin, et les armées étrangères pourraient arriver avec la rapidité de l'éclair par la Belgique, jusqu'à notre territoire, y établir la guerre, tandis que nos armées, au lieu de la porter à l'étranger, se traîneraient vers nos frontières à longues journées d'étape.

Revenant de nouveau au projet de fortification de Paris, l'orateur ajoutait :

Quand on reporte son esprit à ce qui fut l'occasion de cette entreprise inconcevable, quand on se demande contre qui elle doit nous protéger, l'étonnement redouble. Triste et vaine préoccupation, qui nous fait tourner nos efforts du côté où n'est, où ne sera pas le danger! élever une barrière du côté où la nature des choses, le cours des évènements, les tendances nationales, nous permettent des alliances faciles à conclure!

» Doutez-vous que la France, malgré son isolement et, peut-être à cause de son isolement, ne puisse choisir ses amis à la première complication

européenne? Elle en trouvera nécessairement en Allemagne, car la France et l'Allemagne sont unies dans un commun mouvement de progrès.

» Elles ne sont pas divisées par des intérêts contraires; l'oppression et la conquête d'une part, l'affranchissement de l'autre, avaient enfanté des haines qui se sont bientôt apaisées. Il y a bientôt vingt-deux ans que les deux nations s'estiment, qu'elles rivalisent d'études et de progrès. Une bienveillance mutuelle, que ne peuvent rompre des intrigues de cabinet, sera toujours la tendance de l'une et de l'autre. Si cette bienveillance s'est un instant altérée, si l'Allemagne a retrouvé de l'amertume contre la France, cette disposition passagère est le résultat d'imprudentes menaces et de cris de conquête que l'on a fait retentir de ce côté du Rhin. L'Allemagne, je le répète, nous est bienveillante; mais à condition qu'on respectera sa nationalité, qu'on ne lui criera pas sans cesse que l'on veut sortir des traités de 1815 par la violence; qu'on ne menacera pas d'une turbulente propagande la sagesse de son repos, qu'on ne lui inspirera pas une terreur qu'elle ne prétend pas nous inspirer. Toute nation tient à son existence, à l'intégrité de son territoire.

Eh bien! sous l'empire même de ces menaces, la nation avait-elle conçu de la haine pour la France ? Est-ce un sentiment de haine qui faisait verser chez nos agents diplomatiques de fortes sommes pour nos inondés du Midi ? Non, rien ne nous autorise à le prétendre, et personne ne dira que les gouvernements aient été animés de cette aversion pour la France ; j'en alteste encore la dernière discussion de l'adresse. Quels sont les ambassadeurs qui nous conviaient à rester dans les conférences? ce sont les ambassadeurs de la Prusse et de l'Autriche. C'est un fait acquis, (ces puissances ne voulaient pas, n'entendaient pas faire la guerre à la France; elles ont manqué y être fatalement entraînées; mais comme une coalition contre nos principes, contre notre révolution, une coalition pour nous empêcher de jouir de nos institutions, est, je le déclare, un rêve politique. »

M. Just de Chasseloup-Laubat répondit : c'est, disait-il, parce que les grands États de l'Europe n'avaient point de capitales fortifiées que Napoléon a pu négliger les places fortes de leurs frontières, porter l'invasion au cœur du pays et souvent le conquérir par une seule victoire. Il ajoutait que si Moscou eût été une place forte, l'empereur n'eût pas passé Smolensk; l'armée française y eût pris ses quartiers d'hiver, et une seconde campagne serait devenue nécessaire pour pénétrer dans le pays et avant de rien entreprendre contre Moscou. Une capitale fortifiée oblige une armée envahis

sante à plusieurs campagnes. C'est ainsi qu'en 1829, sí Constantinople avait pu résister au choc de l'armée russe, la tenir seulement quelques jours en échec, cette armée était compromise et le sultan n'eût pas été contraint de signer le désastreux traité d'Andrinople. L'honorable orateur ne pensait pas, ainsi que le préopinant, que les fortifications de Paris pussent comprimer l'élan national, et que la jeunesse de cette ville dût attendre son ennemi sous ses murs pour le combattre. C'est lorsque le territoire est menacé par l'étranger que l'amour de la patrie et de la gloire agitent avec plus de force le cœur de tous les patriotes, et loin d'être affaibli à l'aspect des remparts de Paris, cet enthousiasme s'exaltera à la vue des machines, de l'attirail de guerre qui seront exposés sur les remparts, et avec lesquels les citoyens ne tarderont pas à être familiarisés.

M. de Chasseloup ajoutait :

L'ébranlement politique qui a marqué ces dernières années a laissé en Europe des espérances, des inquiétudes, de l'irritation. Lorsque Paris sera fortifié, les espérances tomberont devant l'impossibilité, les inquiétudes devant la conscience et le sentiment de notre force; l'irritation cessera par une appréciation exacte de nos positions respectives. Dans cette situation nouvelle, nouvelle pour tous, la France, moins menacée parce qu'elle aura moins à craindre, la France respectée, mais respectant les droits de tous, la France pourra réduire son armée permanente, dont l'entretien lui coûte si cher.

⚫ C'est alors qu'elle pourra employer toutes les ressources de ses richesses et de son crédit à ses canaux, à ses routes, à ses ports, à ses chemins de fer, à tous ces éléments de la prospérité publique; c'est alors qu'elle pourra entrer franchement dans cette voie de progrès et d'améliorations où l'appellent ces esprits généreux et élevés avec lesquels j'ai le regret d'être en désaccord sur cette question. Qu'ils me permettent de le leur dire: dans leur amour de l'humanité, dans leur amour du bien public, ils voient le bonheur du peuple dans le progrès de l'intelligence et de la civilisation, mais ils oublient les moyens d'en assurer et d'en garantir la jouissance et la perpétuité à leur pays; mais ils oublient que pour être constants, ces progrès ont besoin de sécurité et d'avenir. Sécurité, avenir, c'est la condition nécessaire de toute civilisation. Les peuples auxquels manque cette condition sont impuissants à rien fonder de grand et de durable. »

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