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CHAPITRE IV.

Suite des matières purement législatives.-Lois spéciales.-Ventes à l'encan. - Responsabilité des propriétaires de navires. - Propriété littéraire.

Chambre des députés, 24 février. -La Chambre des députés avait consacré de nombreuses séances à des lois relatives aux biens immeubles, soit qu'il s'agît de leur aliénation dans un intérêt privé, soit qu'elle fût réclamée dans l'intérêt public. Ses délibérations portaient aujourd'hui sur une question uniquement mobilière, la détermination des limites dans lesquelles pourraient avoir lieu désormais les ventes de marchandises neuves. C'était un projet tout spécial, détaché de celui qui avait pour objet de réglementer les prisées et les ventes publiques de biens-immeubles en général, que le gouvernement retirait maintenant. Il courait au plus pressé, ainsi que l'annonçait le ministre de la justice (M. Martin du Nord), et les ventes de marchandises neuves étaient en effet ce qui demandait la plus prompte solution. Le projet que présentait M. Martin scindait en conséquence le projet primitif; il déclareit en principe que les ventes en détail aux enchères ne seraient point un moyen régulier de faire le commerce; quelques exceptions, loin de déroger à la règle générale, la confirmeraient par cela même. Les ventes en gros étaient réservécs aux courtiers selon des distinctions que nous ferons connaître à la discussion des articles. On ne définissait point le sens des mots marchandises neuves: seulement il allait de soi que l'on ne pourrait comprendre dans les prohibitions de la loi, des marchandises qui, bien que neuves, auraient cessé d'être dans le commerce et se trouveraient dans les mains d'un consommateur.

Un article était relatif à la pénalité: le projet actuel s'écarlait ici de l'ancien : il ne précisait plus que les condamnations seraient prononcées sur la poursuite du ministère public, ou de toute partie intéressée, comme le demandait la commission; il se contentait de laisser aux principes généraux du droit criminel leur autorité et leur confiait le règlement de l'exercice de l'action civile et de l'action publique.

M. Quesnault, choisi pour rapporteur par la commission chargée d'examiner le projet de loi, avait devant lui quatre rapports d'autant de commissions précédentes qui s'étaient occupées de cette importante matière. On se rappelle en effet que dès 1838 (proposition de MM. Muret de Bord et Lebeuf), la législature avait porté son attention sur les ventes à l'encan, sollicitée qu'elle y avait été par les réclamations du commerce sédentaire et par l'incertitude et la divergence des diverses jurisprudences. Maintenant, l'interdiction absolue consacrée par le projet du gouvernement n'était-elle point une atteinte à la liberté du commerce? Au nom de la commission, M. Quesnault répondait par la négative. « Les ventes aux enchères sont, disait le rapporteur, des actes d'une nature spéciale qui exigent l'intervention de la puissance publique ou de ses délégués. Il appartient à la loi civile d'en prescrire, et, s'il y a lieu, d'en restreindre l'usage. Déjà le législateur est entré dans cette voie lorsqu'il a soumis les ventes aux enchères de marchandises en gros à des restrictions établies dans l'intérêt du commerce en détail. Cette législation conduit nécessairementaux prohibitions que le projet actuel prononce : on a même été autorisé à croire qu'elles s'y trouvent implicitement contenues.» (oy. arrêts de la Cour de Cassation, 20 juillet 1829 et 12 juillet 1836.)

... « Les ventes aux enchères et en détail de marchandises neuves, objet d'un négoce, sont, continuait M. Quesnault, une cause de perturbation pour le commerce en même temps qu'une source d'abus, de déceptions et de fraudes. Pour les marchands honnêtes qui ne veulent point sortir des

voies régulières, il n'est point de concurrence possible avec ces encans désastreux, qui, en un seul jour, inondent une place de marchandises vendues àvil prix, parce qu'elles ont des vices cachés ou une origine frauduleuse... »

Suivait l'énumération des individus qui se livrent à ces sortes de spéculations : les colporteurs, souvent même les marchands près de faillir, les ouvriers sans patente, etc.

Comme le gouvernement, la commission, après avoir admis le principe, donnait cependant accès à des exceptions, par exemple, en faveur de ce que l'on appelle les menues merceries, ou encore pour tous les cas où le recours à la voie des enchères est forcé: celles qui ont lieu après décès, après faillite, celles des objets déposés en nantissement au Mont-de-Piété. La commission s'arrêtait à cette limite, dans fa crainte de faciliter les prétextes à l'aide desquels on se pourrait jouer de la prohibition de la loi; elle se refusait à étendre le cercle des exceptions, notamment au cas particulier où un négociant, sur le point de faillir, essaierait d'écouler ses marchandises. C'était là une question de fait dont il appartiendrait au tribunal d'apprécier les éléments de solution. Sur tout le reste, le projet de la commission marchait d'accord avec celui du gouvernement.

3 Avril. La distraction de ce qui avait trait à la vente des meubles en général rendait à peu près inutile toute discussion autre que celle des articles. Cette raison répondait encore au vœu manifesté par M. Kerbertin, de voir inséré dans le projet le tarif des frais alloués aux commissairespriseurs; c'est ce que firent remarquer le garde-des-sceaux et le rapporteur de la commission.

Sur l'art. 1o, prononçant l'interdiction absolue « des ventes en détail de marchandises neuves aux enchères et à cri public, M. Portalis proposa un amendement qui rendait relative l'interdiction, de telle sorte que la vente n'eût pu avoir lieu que par des officiers ministériels compétents, et dans les lieux ordinaires des ventes à l'encan. Un second pa

ragraphe définissait marchandises neuves celles qui seraient confectionnées dans l'année de la vente; et un dernier paragraphe établissait le point de départ, le taux de la vente en détail. Cet amendement ne fut pas appuyé.

M. Ganneron en proposait un plus sage, et qui paraissait devoir laisser subsister le principe tout en adoptant les mesures propres à en prévenir les abus; aussi le débat fut-il long et sérieux. L'amendement posait en principe, dans un premier paragraphe, l'interdiction de la vente en détail à cri public établie par le projet; mais il était dit ensuite que les ventes en détail de marchandises neuves aux enchères, ne seraient faites que par les officiers publics désignés par la loi, et en vertu d'une autorisation du Tribunal de commercedonnée par requête. La requête ne pourrait être présentée que par des marchands sédentaires, ayant depuis un an au moins leur domicile réel dans le lieu où la vente serait opérée; et, pour dernière précaution, elle ferait connaître l'origine des marchandises et les motifs qui en font proposer la vente aux enchères. » Voici maintenant comment était développée la proposition : « La vente avec le concours d'un officier public est couverte par la responsabilité de cet officier. Il doit toujours compte à sa compagnie et au ministère public de la loyauté de ses actes, il est intéressé à connaitre l'origine de la marchandise; il en paie des droits à l'État. Quant aux exceptions, le système de l'amendement les laisse indéfinies, et, par cela même, les étend plus que ne le fait la commission.» M. Ganneron démontra ensuite qu'il se pourrait rencontrer des circonstances nombreuses où le commerçant se trouverait dans l'impérieuse nécessité de vendre son fonds de marchandises, par exemple, s'il était exproprié pour cause d'utilité publique; si, au terme d'un bail, il ne pouvait remplacer par un local propre à son commerce celui qu'il occupait actuellement; s'il était momentanément gêné, et beaucoup d'autres semblables. Pourquoi refuserait-on à tous ceux qu'ils concernent le droit de

faire vendre par un officier public? Que l'on ne craigne pas que ces ventes se multiplient; l'obligation de solliciter une autorisation préviendra cet inconvénient. « C'est quelque chose, ajoutait l'orateur, qui faisait ainsi lui-même peut-être la critique de cette partie de l'amendement, c'est quelque chose pour le commerçant d'être obligé de révéler le secret de ses affaires et d'exposer à des juges, commerçants comme lui, les motifs qui le forcent à employer une voie insolite pour vendre ses marchandises... Le magistrat n'accordera d'ailleurs l'autorisation que dans le cas d'une nécessité dé montrée. »

Ce qui paraissait mieux atteindre le but était la disposi tion qui n'accordait cette autorisation qu'aux marchands sédentaires, ayant leur domicile réel depuis un an au moins dans le lieu de la vente; ainsi disparaissaient ces concur rences imprévues que faisaient aux marchands des petites villes les enchères de colporteurs venant tout-à-coup. encombrer la localité de leurs marchandises.

M. Gaulthier de Rumilly n'attribuait pas cette efficacité à l'amendement. On avait de même essayé, en 1829 (M. Por- · talis, alors garde-des-sceaux), de confier aux magistrats le soin de surveiller les abus, et néanmoins ils se sont renouvelés. On craint pour la liberté du commerce? La liberté du commerce, c'est la libre concurrence. Le commerce de dé→ tail, le commerce intermédiaire qui supporte les impôts, les patentes, l'octroi, qui est utile à la cité par cela seul qu'il est sédentaire, doit aussi, dans l'intérêt du consommateur, être préservé de ces bourrasques de ventes subites qui inondent mainte et mainte ville, pour tenter par l'appât du bon marché les dupes, et enrichir les industriels qui savent les exploiter.

Les commerçants qui élèvent les plus vives plaintes peuvent précisément, répondait M. Portalis, se trouver euxmêmes dans la nécessité prévue par l'amendement ; d'ailleurs, empêcher les officiers ministériels de procéder à ces

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