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tat, sans que le ministère consentît en aucune façon, malgré la pressante argumentation de M. Jaubert, à prendre des engagements pour l'année prochaine.

Nous devons cependant nous arrêter sur deux discours, celui de M. Billault et celui de M. Thiers, qui répondaient aux considérations de M. Humann sur la situation financière léguée à l'administration du 29 octobre par celle du

1er mars.

Cette situation avait été l'objet de graves insinuations, dit M. Billault; il semblait que la situation, telle quelle était faite, que les emprunts, tels qu'ils avaient été proposés, avaient été la conséquence inévitable des actes du 1er mars.

<< Ceia est certain,» interrompit le ministre des finances. M. Billault objecta que le ministère actuel avait lui-même proposé pour 214 millions de travaux nouveaux qui n'étaient pas plus indispensables après le ministère du 1′′ mars qu'auparavant, et qui n'étaient en rien la conséquence de sa politique. On en avait depuis longtemps senti la nécessité. Les fortifications de la frontière et de l'intérieur, le casernement, l'artillerie et les poudres, le port de Cherbourg, réclamaient depuis longtemps de nouvelles dépenses. Du reste, le cabinet du 29 octobre était parfaitement libre d'ajourner les travaux de casernement (75 millions); il était parfaitement libre, dans ses vues pacifiques, d'ajourner le complément des places fortes (75 millions); il était libre d'ajourner l'emploi des 10 millions pour l'artillerie et des 54 millions pour les ports. Les seules dépenses inévitables, c'étaient celles que nécessitaient les fortifications de Paris, et l'augmentation des crédits militaires; mais le 29 octobre avait accepté les premières; les autres lui avaient été imposées par la Chambre, jalouse de la dignité nationale.

M. Humann déclara qu'en arrivant aux affaires, les ministres actuels avaient trouvé les dispositions prises par l'ancien cabinet il affirmait, et promettait de prouver au besoin. que, si toutes ces dispositions avaient reçu leur pleine exé

cution, il n'y aurait pas eu 675 millions, mais près de 900 millions de découvert. Le ministère avait donc arrêté l'accroissement des dépenses, en laissant subsister ce qui était; il s'était résigné à la situation qu'on lui avait faite, et dont il ne pouvait se dégager du jour au lendemain. Dans les indications données par le ministre des finances, il n'avait pas été question des 75 millions pour le casernement, ni des 75 millions pour les fortifications de la frontière et de l'intérieur. Il n'avait tenu compte que des découverts réels, et dans ces découverts, il n'y avait de compris, en fait de travaux publics, que les 140 millions pour les fortifications de Paris. Les autres dépenses dont avait parlé le préopinant étaient complètement en dehors.

Ces débats devaient se reproduire dans la discussion des crédits de 1841, M. Thiers le fit observer à la Chambre, et promit de traiter à cette époque d'une manière approfondie la question des finances. Dès à présent, il repoussait, comme une calomnie, les insinuations qui faisaient peser sur son ministère une dépense de 800 à 900 millions. « Et comme ce n'est pas un chiffre assez rond, ajoutait-il, on dit et on écrit tous les jours que le ministère du 1er mars a dépensé un milliard.» Or, comment avait-on créé ce milliard? En réunissant les déficits de 1840, 1841, 1842, en supposant que tous les travaux civils seraient achevés, que l'armée serait de 490,000 hommes pendant ces trois années, en supposant que Paris serait fortifié, que les autres places du royaume seraient réparées ou construites, que le matériel d'artillerie serait tout entier achevé. C'était en cumulant tout cela qu'on avait construit le fameux milliard imputé au 1er mars.

Cesomissions remontaient à quarante ans. Était-ce le 1ermars qui depuis quarante ans avait négligé le casernement, qui avait négligé de fortifier Chaumont et les places de Vouziers et de Langres, de faire le port de Cherbourg, de complèter le nombre des fusils, qui, au lieu de se monter à 9 millions, comme il était nécessaire, n'était que de 1,700,000? Était-ce

Ann. hist. pour 1841.

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le ministère du 1er mars qui avait pensé qu'il fallait faire à la fois le canal latéral à la Garonne, et le canal de la Marne au Rhin?« Lorsque ces travaux sont projetés, disait M. Thiers, vous les présentez comme un bienfait pour le pays; puis, quand il s'agit de payer, vous en faites le milliard que vous imputez au 1er mars. Je ne prétends pas avoir dépensé un milliard, ni avoir fait de și grandes choses. »

Après s'être arrêtée un instant sur les avances à faire pour le paiement des semestres échus de la rente grecque, la Chambre vota la loi à 176 voix de majorité contre 58. (Voir le texte aux Documents historiques.)

19 Mai. Il parut d'abord que la Chambre des pairs se montrerait favorable au projet du moins le rapport de M. d'Argout sur cette matière justifiait pleinement cette opinion. Mais la Chambre ne suivit pas dans cette voie le rapporteur.

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Les membres de l'administration du 1er mars, MM. Cubières, Cousin, Pelet (de la Lozère) et Roussin eurent à soutenir pendant quatre séances le poids de l'autorité financière de M. d'Audiffret, des véhémentes accusations de M. Mérilhou et des sorties de M. Viennet..

M. Mérilhou déclara qu'au lieu d'avoir été dictées par un sentiment exagéré des dangers du pays, les dépenses n'avaient eu pour cause que le dessein prémédité du ministère d'alors, d'entraîner la France malgré elle dans le système de la guerre à tout prix, il refusait de s'associer au vote qui consacrait des actes aussi ruineux pour l'État: Jamais, ajoutait l'orateur, on n'a fait un plus étrange abus des pouvoirs que la constitution donne au ministère dans un gouvernement constitutionnel. Et plus loin, M. Mérilhou devait comparer ce cabinet au Directoire, le placer au-dessous du Directoire lui-même. « Car alors on ne feignait pas de redouter des dangers chimériques, on ne violentait pas les lois qui n'existaient pas encore, et malgré les dilapidations qui ont été signalées à cette époque, les hommes qui maniaient alors

le pouvoir, sans être responsables, en sortaient souvent pauvres! >>

M. Viennet, après avoir énuméré tous ses griefs contre le 1er mars, terminait par ces paroles : « Voilà les résultats de vos actes! Et maintenant, chantez victoire, montez au Capitole; mais s'il y avait une justice au monde, les licteurs vous arrêteraient au passage, et sur la roche où finirait votre destinée, l'histoire écrirait: Légèreté, imprévoyance, ignorance complète des intérêts du pays. » La question du rappel de la flotte à Toulon avait été également soulevée par l'honorable membre, et l'amiral Roussin répondit que ce fait prouvait la sagesse même du ministère dont il avait fait partie. Une conflagration générale pouvait avoir lieu si la flotte n'avait été rappelée. D'ailleurs, elle était mieux placée pour agir à Toulon même, que sur les côtes de l'Égypte.

Après cette polémique ardente, ces débats violents, la loi fut adoptée; mais 43 boules noires sur 125 votants témoignèrent de l'opposition qu'elle avait rencontrée.

Chambre des députés. La législature donnait de cette manière son adhésion aux mesures prises par ordonnances royales, pour mettre le pays en état de faire face au fantôme de la guerre qui s'élevait de l'Orient. Bien que la politique du ministère fût pour la paix, et que tous ses efforts tendissent à l'assurer, il convenait encore, il était nécessaire encore que la France conservât l'attitude armée qu'elle avait prise depuis son exclusion du concert européen, et persistât à maintenir l'effectif de son armée de terre et de mer. Ainsi l'avait exigé la prévoyance et le patriotisme des Chambres (discussion de l'adresse), ainsi le demandaient même aujourd'hui la sûreté, la dignité du pays: et la commission des crédits supplémenFaires et extraordinaires pour 1841 fit de ce principe la base des arguments par lesquels elle appuya le projet du gouvernement, qui, du moins quant à présent (19 mars), persistait dans cette voie.

Cependant au chapitre de la guerre, le rapporteur, M. Bi

gnon, ne laissa point passer sans la critiquer la création des douze régiments d'infanterie et des quatre régiments de cavalerie. Il déclara que cette disposition n'avait paru à la commission ni heureuse ni commandée par les circonstances, quelque graves qu'elles apparussent; que les cadres tels qu'ils étaient auparavant constitués, auraient grandement suffi à l'incorporation du nouvel effectif, en recourant aux moyens employés en 1382: l'augmentation de la force des compagnies, de leur nombre, la formation d'un quatrième bataillon, d'un sixième escadron. L'expé rience des guerres de l'empire ne devait pas être perdue. Du reste, sans contester la légalité des ordonnances royales rendues à ce sujet, la commission pensait que l'épreuve préalable d'une discussion n'eût pas été inutile, d'autant que la création des régiments n'avait guère précédé que d'un mois la réunion des Chambres. La dépense des cadres de nouvelle formation, ajoutait M. Bignon, sera longtemps un lourd fardeau pour l'État. En effet, on ne pouvait immédiatement revenir à une organisation plus économique; il eût fallu détruire des existences et des positions que l'on venait de créer et mettre 1,232 officiers à la suite. Toutefois et fort heureusement, bien que le ministre de la guerre reconnût qu'il n'eût pas créé les nouveaux cadres s'ils ne l'avaient pas été avant son entrée aux affaires, il déclarait que, grâce à son système de réserve, il utiliserait tous les cadres de nouvelle formation. La commission applaudissait, au contraire, à l'accroissement de notre marine. Cette partie des forces de la France lui paraissait appelée à jouer un beau rôle dans le règlement des intérêts politiques de l'Europe; elle était dans l'état actuel l'élément le plus vital de notre puissance. Avant 1839, avant la bataille de Nezib et la mort de Mahmoud, la France, sous ce rapport, était restée dans une grande infériorité relativement aux autres puissances. C'est alors qu'avait été votée la loi des 10 millions, et l'on avait ajouté 13 millions aux dépenses ordinaires

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