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des affaires étrangères ; l'Europe est rassurée. La France ne doit pas l'être. Est-ce clair ?>

26 Janvier. La discussion générale étant épuisée, M. Thiers prit la parole pour la résumer et s'attacha à rétablir, en leur donnant de nouveaux développements, les considérations exposées d'une manière si lucide dans son rapport, mais si vivement, si éloquemment combattues par quelques-uns des adversaires du projet. Les deux grandes autorités de Vauban et de Napoléon furent religieusement défendues par le rapporteur, et leurs opinions, dont on avait contesté ou la valeur ou l'authenticité, semblèrent en définitive appuyées sur des documents irrécusables. (M. de Lamartine, du reste, présenta d'autres documents qui les contredisent avec une apparence de vérité tout aussi grande.) Après avoir insisté longuement sur ce point, sans toutefois renoncer à y revenir, l'orateur examinait le système qui aurait consisté à faire une capitale militaire hors de Paris. Cette pensée ne pouvait être celle d'hommes politiques. Comment en effet concevoir que dans une invasion le gouvernement laissât à l'ennemi Paris avec ses immenses ressources, ses moyens de contributions, son empire moral, pour se placer, par exemple, à Orléans ou à Tours. Est-ce qu'on peut ainsi diviser la France, laisser la force politique dans Paris, la force morale, la force des richesses, la force de population, de contributions, pour aller placer une malheureuse garnison à Orléans? Cela n'est pas admissible un instant. Quand il faut porter la force à l'intérieur, il est évident qu'il n'y a pas à hésiter; c'est dans la véritable capitale politique, la capitale morale, la capitale des richesses et de la population, qu'il faut placer la résistance, car c'est tout cela qu'on veut enlever à l'ennemi. Il est vrai, de tous les pays, que lorsqu'on a frappé leur capitale, on les a frappés au cœur ; et si l'Autriche, la Prusse, l'Espagne, même après l'occupation de leur capitale, ont présenté encore quelque résistance, c'est qu'elles avaient derrière elles la

Russie et l'Angleterre pour les soutenir: telle n'est pas notre situation, puisque les fortifications sont construites dans l'hypothèse de l'isolement de la France.

On avait dit : Les fortifications affaibliront le cœur des Parisiens; M. Thiers répondait : Les fortifications ôteront tout prétexte à ceux qui voudraient rendre Paris à l'étranger.

On avait écrit: Le commerce fuira Paris fortifié, et cette ville cessera d'être la capitale de la civilisation. Et pourquoi donc, répliquait le rapporteur, les pays où l'art des fortifications a fait le plus de progrès, la Hollande et la Belgique, sont-ils cependant les pays les plus commerçants? Est-ce que les fortifications élevées autour de Venise, de Gênes, de Hambourg, d'Anvers, de Lille ont fait fuir le commerce de ces villes?

Mais, objecte-t-on encore, que fera le gouvernement dans Paris assiégé? Il restera, continue M. Thiers, au plus fort du danger. L'histoire atteste que là où le gouvernement est tout entier avec une attitude ferme et convenable, il décuple la force au lieu de l'affaiblir; ainsi le sénat romain reste dans Rome après Capoue; ainsi les cortès de Cadix délibèrent au bruit du canon français.

Enfin, est-il vrai que les fortifications projetées mettent la liberté en péril? L'orateur avait déja répondu à cette question dans le rapport: Un gouvernement qui irait se servir des fortifications contre une émeute, avait-il dit, serait un gouvernement absurde et abandonnerait le champ de bataille. D'ailleurs, sous le nouveau gouvernement, de nouvelles ordonnances de juillet n'étaient point probables; mais, fussent-elles possibles, un principe ne triomphe que quand il est appuyé sur le droit ; quand il constitue un crime, comme les ordonnances, il ne peut être victorieux.

Restait la question de système; elle portait avec elle tout le sort de la loi, car on était généralement d'accord qu'il faut fortifier Paris; on différait sur les moyens. Vouloir défendre une capitale, et une capitale aussi importante que

Paris, avec de simples ouvrages de campagne, ce serait s'exposer à des dangers qu'il ne serait pas sage de braver quand on peut les prévenir. Il faut une défense active; mais, pour qu'elle soit possible, il faut une enceinte qui rassure la garnison et qui permette à la population d'aider les troupes actives, de se prêter à la défense, et de leur permettre de sè porterau dehors. A cette occasion, M. Thiers rappelait de nouveau le siége de Gênes et l'héroïque et heureuse défense de la garnison française. Au contraire, Oporto, Varsovie, défendues par de simples ouvrages de campagne, n'avaient pu résister à l'attaque. Sans doute les lignes de Torrès-Vedras n'ont point été emportées : mais cette position est une Péninsule bordée sur trois côtés par le Tage et la mer. Les flottes anglaises étaient là, et la ligne de montagnes qui coupe la Péninsule était elle-même protégée par 300 pièces de canon en batterie, et par 70,000 hommes à peu près. Que pouvait, à l'extrémité de la Péninsule, Masséna sans vivres et avec 42,000 hommes seulement ?

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Le rapporteur concluait en démontrant que l'adoption de tout amendement qui aurait pour but de faire triompher isolément le système d'enceinte ou celui de forts détachés, serait la ruine du projet. Ce serait diviser les suffrages, et faire voter à quelques voix une loi qui devrait être votée au moins à la presque unanimité. En effet, vienne un ministère qui veuille se rendre populaire; il renonce à ce projet de quelques voix. Cela peut arriver; et la loi demeure sans exécution.

27 Janvier. La question de système avait été plus spécíalement réservée pour la discussion des articles. On savait déjà d'ailleurs que la grande majorité était favorable au projet de fortifications; seulement, parmi les membres qui formaient cette majorité elle-même, tous n'entraient pas dans les vues de la commission sur le système de fortifications qu'il convenait d'adopter.

C'est ainsi que MM. de Beaumont, Janvier, Schneider proposérent d'amender la loi.

Suivant M. de Beaumont, il suffisait, pour la défense de Paris, d'établir à Saint-Denis et à Charenton des places solidement fortifiées sur une large échelle, pouvant contenir les arsenaux, les casernes et tous les magasins nécessaires pour y rassembler un grand matériel de position et de campagne; les vivres, les fourrages, etc., etc. Cet amendement, défendu par MM. Joly et Arthur de Labourdonnaye, puis combattu par le maréchal Sébastiani et M. de ChabaudLatour, fut rejeté à une grande majorité.

De quelque côté que pût venir la tyrannie, M. Janvier ne voulait pas travailler à la rendre invincible; il ne voulait être ni son complice ni sa dupe. C'est dans cet esprit qu'il avait proposé une modification au projet de loi; mais comme l'amendement du général Schneider avait la même portée, sinon le même sens, M. Janvier n'insista point pour le maintien de celui qu'il avait rédigé.

L'amendement du général Schneider était, en réalité, un projet nouveau, et ne laissait subsister de celui de la commission rien que ces mots : « Il faut fortifier Paris. » Une ceinture d'ouvrages permanents aurait été construite aux environs et sur les abords de la capitale, à 4,000 mètres au moins de distance du mur actuel de l'octroi ; ce mur d'octroi eût été lui-même flanqué et renforcé aux endroits où cette précaution eût été nécessaire.

Mais ne pouvait-on pas, du reste, considérer ce plan comme la reproduction de celui du maréchal Soult en 1833? Dans l'opinion de M. de Rémusat et de M. Thiers, c'était la ruine même du projet en discussion, et les honorables membres n'en voulaient d'autre preuve que l'appui même que lui prêtaient les adversaires de la loi, MM. de Lamartine, de Vatry, etc. En effet, bien qu'il reproduisit jusqu'à un certain point l'ancien système des forts détachés, il était appuyé par plusieurs députés au nom de la liberté. Deux hommes qui, placés sur le même plan, occupent dans la Chambre une haute position parlementaire, voisine du

pouvoir dont ils sont séparés par les circonstances autant que par une dissidence d'opinions, MM. Dufaure et Passy, se prononcèrent aussi pour l'amendement. Du reste, ni l'un ni l'autre ne considéraient la question comme

question de ministère; et, quel que dût être le sort de la loi, ils étaient persuadés que l'existence du cabinet n'en serait pas compromise, comme on l'avait insinué; euxmêmes, en votant contre lui en cette occasion, lui promettaient leur vote pour la loi des fonds secrets. Parmi les discours les plus remarquables qui avaient encore été prononcés en faveur de l'amendement, nous devons citer ceux de MM. de Lamartine et Mauguin. MM. Odilon Barrot et Arago défendirent le projet de la commission. Enfin, après plusieurs séances de débats plus techniques que politiques, et qui d'ailleurs n'apportaient pas avec eux d'idées nouvelles, la Chambre prononça le rejet de l'amendement à la majorité de 61 voix (236 contre 175).

1er Février.-Dès lors, tous les articles du projet de loi de la commission approuvé par le gouvernement se trouvaient implicitement consacrés. L'art. 3 donna lieu à quelques explications sur la question de savoir si les travaux de l'enceinte et des ouvrages avancés seraient exécutés simultanément, de manière à ce qu'aucun des deux systèmes ne parût et ne pût obtenir la préférence. Le président du conseil affirma qu'il en serait ainsi que les travaux s'exécuteraient simultanément et de l'une à l'autre rive de la Seine successivement, ainsi que le gouvernement le jugerait opportun. Enfin, un nouvel article, sous le n° 7, fut intercalé dans la loi; il établissait que la ville de Paris ne pourrait être classée parmi les places de guerre qu'en vertu d'une loi spéciale. L'idée première de cet amendement, rédigé par le président du conseil, avait été donnée par M. Lherbette.

Restait le vote sur l'ensemble: il donna 237 boules blanches contre 162 boules noires.

La Chambre des pairs fut à son tour saisie de ce projet de

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