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la position et l'action d'un protecteur qui la présente à l'Agriculture. Mercure tient son caducée de la main gauche; il a aux deux côtés de sa tête deux ailes éployées, d'assez mauvais goût. L'Abondance, sa corne sous son bras gauche, s'avance vers l'Agriculture. Il tombe de cette corne tous les signes de la richesse. A gauche du tableau, l'Agriculture, la tête couronnée d'épis, offre ses bras ouverts à Mercure et à sa compagne. Derrière l'Agriculture, c'est un enfant vu par le dos, et chargé d'une gerbe qu'il emporte. Traduisons cette composition. Voilà le Commerce qui présente l'Abondance à l'Agriculture. Quel galimatias! Ce même galimatias pourroit tout aussi bien être rendu par l'Abondance qui présenteroit le Commerce à l'Agriculture, ou par l'Agriculture qui présenteroit le Commerce à l'Abondance; en un mot, en autant de façons qu'il y a de manières de combiner trois figures. Quelle pauvreté ! quelle misère ! Attendez-vous, mon ami, à la répétition fréquente de cette exclamation: Du reste, tableau peint à merveille. L'Agriculture est une figure charmante, mais tout-à-fait charmante, et par la grace de son contour, et par l'effet de la demi-teinte. Tout le monde accourt: on admire; mais personne ne se demande qu'est

çe que cela signifie ? Ces quatre morceaux sont d'un pinceau moëlleux. Celui de la Religion et de la Vérité est seulement, je ne puis pas dire sale, mais bien un peu gris.

LE CHASTE JOSEPH,

Petit tableau.

On voit à gauche la femme adultère, toute nue, assise sur le bord de sa couche; elle est belle, très-belle de visage et de toute sa personne; belles formes, belle peau, belles cuis ses, belle gorge, belles chairs, beaux bras, beaux pieds, belles mains, de la jeunesse, de la fraîcheur, de la noblesse. Je ne sais, pour moi, ce qu'il falloit au fils de Jacob; je n'en aurois pas demandé davantage, et je me suis quelquefois contenté de moins. Il est vrai que je n'ai pas l'honneur d'être fils d'un patriarche. Joseph se sauve; il détourne ses regards des charmes qu'on lui offre : non, c'est l'expression qu'il devroit avoir, et qu'il n'a point, Il a horreur du crime qu'on lui propose: non, on ne sait ce qu'il sent; il ne sent rien. La femme le retient par le haut de son vêtement. L'effort a déshabillé ce côté de la poitrine, et le dos de la main de la femme touche à son sein. Cela est bien cela; c'est une idée volup

tueuse. M. de La-Grenée, qui vous l'a suggérée? Rien à dire, ni pour la couleur, ni pour le dessin, ni pour le faire. Seulement la tête de cette femme est un peu découpée, l'œil droit va tomber de son orbite; la partie qui attache en devant son bras gauche au tronc ou la distance de la clavicule au-dessous de l'aisselle, prend trop d'espace; le bras ne se sépare pas assez là. Malgré ces petits défauts, cela est beau, très-beau. Mais le Joseph est un sot; mais la femme est froide, sans passion, sans chaleur d'ame, sans feu dans ses regards, sans desir sur ses lèvres, c'est un guet-à-pens qu'elle va commettre. Mon ami, tu es plein de graces, tu peins, tu dessines à merveille; mais tu n'as ni imagination ni esprit ; tu sais étudier la nature, mais tu ignores le cœur humain. Sans l'excellence de ton faire, tu serois au dernier rang. Encore y auroit-il bien à dire sur ce faire. Il est gras, empâté, séduisant; mais en sortira-t-il jamais une vérité forte? un effet qui réponde à celui du pinceau de Rubens, de Vandick? Fait-on de la chair vivante, animée sans glacis et sans transparens ? je l'ignore, et je le demande.

LA CHASTE SUSANNE.

Petit tableau, pendant du précédent.

Je ne sais, mon ami, si je ne vais pas me répéter, et si ce qui suit ne se trouve pas déjà' dans un de mes Salons précédens.

Un peintre italien avoit imaginé ce sujet d'une manière très-ingénieuse ; il avoit placé. les deux vieillards à droite sur le fond. La Susanne étoit debout sur le devant; pour se dérober aux regards des vieillards, elle avoit porté toute sa draperie de leur côté, et restoit exposée toute nue aux yeux du spectateur du tableau. Cette action de la Susanne étoit si naturelle qu'on ne s'appercevoit que de réflexion, de l'intention du peintre et de l'indécence de la figure, si toutefois il y avoit indécence. Une scène représentée sur la toile, ou sur les planches, ne suppose point de témoins. Une femme nue n'est point indécente, c'est une femme troussée qui l'est. Supposez devant vous la Vénus de Médicis, et dites-moi si sa nudité vous offensera. Mais chaussez les pieds de cette Vénus de deux petites mules. brodées; attachez sur son genou, avec des jarretières couleur de rose, un bas blanc bien

tiré; ajustez sur sa tête un bout de cornette et vous sentirez fortement la différence du décent et de l'indécent; c'est la différence d'une femme qu'on voit et d'une femme qui se montre. Je crois vous avoir déjà dit tout cela, mais n'importe.

Dans la composition de La-Grenée, les vieillards sont à gauche debout, bien beaux, bien coloriés, bien drapés, bien froids.

Tout le monde connoît ici cette belle comtesse de Sabran, qui a captivé si long-temps Philippe d'Orléans, régent. Elle avoit dissipé une fortune immense, et il y eut un temps où elle n'avoit plus rien et devoit à toute la terre, à son boucher, à son boulanger, à ses femmes, à ses valets, à sa couturière, à son cordonnier. Celui-ci vint un jour essayer d'en tirer quelque chose. Mon enfant, lui dit la comtesse, il y a long-temps que je te dois, je le sais. Mais, comment veux-tu que je fasse. Je suis sans le sou je suis toute nue, et si pauvre qu'on me voit le cu; et tout en parlant ainsi, elle troussoit ses cotillons, et montroit son derrière à son cordonnier, qui, touché, attendri, disoit en s'en allant : Ma foi, cela est vrai. Le cordonnier pleuroit d'un côté ; les femmes de la comtesse rioient de l'autre ; c'est que la comtesse indécente pour ses femmes,

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