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extraordinaire : elle était sœur de Térentia, femme de Cicéron. Ainsi Catilina, l'assassin de Marius Gratidianus, oncle de Cicéron, avait encore déshonoré sa belle-sœur. Il ne faut point s'étonner de la haine violente que s'étaient vouée ces deux hommes. Salluste accuse Catilina de s'être défait de son propre fils pour épouser Orestille; d'autres disent qu'il fit périr à la fois la mère et l'enfant. Cela paraît à peine croyable; mais il ne faut pas oublier que Catilina avait débuté par être le bourreau de son beau-frère et de son frère.

La république, dit Salluste, était tourmentée par deux maux extrêmes et opposés, le luxe et l'avarice...

La plupart des économistes et des politiques modernes appréciant le luxe sous le rapport purement matériel, le regardent comme une cause de prospérité pour les États. Les Romains n'hésitaient pas à le considérer, au contraire, comme une cause de ruine publique et particulière. Il est vrai qu'il ne pouvait être pour eux ce qu'il est pour nous, une échange de travaux et de salaires entre la classe ouvrière et la classe opulente. Chez eux, le commerce et l'industrie étaient envisagés comme des occupations indignes d'hommes libres. Leurs monstrueuses richesses, fruits de la violence et de la spoliation des peuples vaincus, avaient amené un luxe non moins monstrueux, et par suite la perte de leurs mœurs et de leur vieille constitution républicaine. Aujourd'hui que la guerre coûte beaucoup et n'enrichit plus; que les États ne se soutiennent que par le commerce et l'industrie, les gouvernements favorisent de tous leurs moyens la production et la circulation des richesses. Toutefois, l'espèce d'anathème lancé contre le luxe, par les phi

losophes et les théologiens, n'en repose pas moins sur un fonds de vérité qu'il est impossible de méconnaître. La nature a assigné aux besoins de l'homme des bornes assez étroites: tout ce qui outrepasse ces bornes, tout ce qui tend à compromettre les mœurs ou la fortune des familles ou de l'État, tout ce qui est donné purement à l'orgueil, à l'ostentation, à la sensualité, est un luxe condamnable. Salluste a bien raison d'ailleurs d'opposer l'avarice, ou plutôt l'avidité des richesses, au luxe : ce sont deux passions qui marchent presque toujours de pair et qui s'engendrent l'une l'autre.

CHAP. VI. Rome, si l'on en croit la tradition, fut fondée et habitée d'abord par des Troyens fugitifs... Ils combattaient pour leurs familles, leur patrie, leur liberté... Ils se ménageaient des amis et des alliés plutôt pour leur rendre des services que pour en recevoir, etc.

C'était là le langage de la politique officielle, comme on peut s'en convaincre, entre autres, par les harangues de Cicéron. L'orgueil romain n'entendait pas raillerie sur ce chapitre; il voulait que tout fût grand dans la grande nation. A cet égard rien n'est encore changé de notre temps: témoin les discours d'apparat qui se prononcent chaque jour dans les parlements de France et d'Angleterre. Mais que fait ailleurs l'habile historien? Pour rétablir les droits de la vérité, sans blesser aucune convenance, il charge un roi barbare, l'un des plus redoutables ennemis des Romains, de réfuter ces mensonges historiques. « Ignores-tu, dit Mithridate à Arsace 1, que les Romains, ne pouvant

1 Voyez les Fragments de Salluste.

>> plus étendre leurs conquêtes à l'Occident, se sont rejetés vers nos contrées? Ignores-tu quel est ce peuple qui, dès son origine, n'a dû qu'au brigandage ses mai» sons, ses champs, ses femmes mêmes; formé d'un vil >> ramas d'aventuriers, sans familles et sans patrie; né » pour être le fléau du monde; ne respectant ni hommes >> ni dieux?... Toi qui possèdes dans Séleucie la plus belle » des villes, et dans la Perse un royaume renommé pour » son opulence, qu'attends-tu des Romains? D'abord des » ménagements astucieux, puis de perfides traités recé»lant le germe de nouvelles guerres... Les Romains sont >> armés contre tous les peuples; ils le sont surtout contre >> ceux dont la défaite leur promet de riches dépouilles...

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Et ailleurs « Les Romains ont avec tous les peuples, » avec toutes les nations, avec tous les rois une cause de » guerre toujours subsistante, le désir effréné des richesses >> et de la domination. C'est ce qui leur fit prendre les >> armes contre Philippe de Macédoine. Tant qu'ils furent >> aux prises avec les Carthaginois, ils feignirent d'être ses >> amis. Puis ayant attaqué Philippe, et voyant qu'An>> tiochus s'apprêtait à le secourir, ils cédèrent l'Asie à ce >> dernier pour dissoudre cette ligue; ensuite, lorsqu'ils se >> virent débarrassés de Philippe, Antiochus fut écrasé à >> son tour 1. >>

Rome, pendant huit siècles, ne cessa de conquérir; elle

1 Ces passages de Salluste, et beaucoup d'autres que je crois inutile de rappeler ici, ont servi de points d'appui à deux des écrivains modernes qui ont le mieux apprécié l'étonnante fortune des Romains, Bossuet et Montesquieu. Je m'étonne que ce dernier ait cité si rarement Salluste auquel il doit beaucoup : est vrai qu'il n'a point cité du tout Bossuet auquel il

ne laissa subsister aucun royaume, aucun peuple indépendant, et jamais l'idée ne vint à ceux-ci de s'unir pour lui résister. Aujourd'hui les grandes nations sont obligées de respecter les petites; et c'est le chef-d'œuvre de la politique moderne, de maintenir entre elles un certain équilibre général, sinon par esprit de justice, au moins dans des vues de prévoyance et d'intérêt général.

CHAP. XVIII. Catilina n'avait pu se mettre sur les rangs pour l'année 688, parce que les députés de la province d'Afrique étaient venus dénoncer ses extorsions, et qu'un accusé ne pouvait prétendre à aucune magistrature s'il ne s'était purgé de l'action intentée contre lui.

L'adversaire de Catilina fut Clodius. Mais on sent que ces deux hommes n'étaient point faits pour être ennemis. A Rome où les crimes n'étaient point poursuivis, comme chez nous, au nom de la société, par un magistrat spécial, on voyait souvent un brigand traîné par un brigand pire que lui, devant des juges dignes de tous les deux. Il en résultait des procès scandaleux, et des condamnations ou des acquittements plus scandaleux encore. C'est ce qui arriva dans l'affaire de Catilina: rançonné par ses juges, il fut absous, mais complétement ruiné. Autronius et Sylla ayant aussi sollicité le consulat pour 688, avaient eu le bonheur de se faire désigner; mais l'élection fut cassée, à la poursuite de Torquatus et de Cotta, leurs concurrents, et ceux-ci les remplacèrent.

doit ce qu'il y a plus remarquable dans son ouvrage. Sous ce rapport, il est curieux de comparer le chap. VI de l'Histoire universelle, avec les chap. I, VI et XI Des causes de la grandeur et de la décadence des Romains.

Voilà à quelle occasion fut formé le projet de la première conjuration. On assure que Catilina, Autronius, Sylla et Pison, firent entrer dans ce complot Crassus et César, alors édiles. Ils se proposaient, dit-on, de tuer tous les sénateurs qui n'étaient pas de leur parti : Crassus devait être dictateur; César général de la cavalerie; Sylla et Autronius rétablis dans le consulat.

CHAP. XXII. Le sang humain (dit Florus) fut le gage exécrable de cette conspiration. D'autres racontent le fait d'une manière plus circonstanciée. Ils assurent que les conjurés immolèrent un enfant, lui arrachèrent les entrailles et prononcèrent leur affreux serment sur cette victime. Plutarque adopte ce récit : Salluste en parle d'une manière. très-ambiguë. Mais le silence seul de Cicéron nous semble former une preuve négative bien forte contre la supposition de ce nouveau forfait. Le président de Brosses pense que les conjurés se donnèrent à boire entre eux leur propre sang. Cette espèce de pacte, familier aux peuples barbares, s'était conservé chez les Romains, et il s'est maintenu longtemps même parmi nous.

CHAP. XXIV.-Les candidats pour 690 s'étaient mis sur les rangs dès le mois de juillet 688. Cicéron fut nommé plutôt par acclamation, que par le suffrage des centuries. Dans les temps difficiles, dit Machiavel 1, on recherche les hommes de mérite, parce qu'on en a besoin. On leur accorde volontiers la préférence pour les places éminentes, parce qu'elles offrent plus de dangers que de profit. Mais lorsque

1 Décades sur Tite-Live, liv. 3, c. 6.

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