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ments du cœur humain. C'est ainsi qu'il nous dépeint les sentiments contraires qui bouleversent l'âme de Catilina, retiré chez lui, après l'apostrophe foudroyante de Cicéron au sénat; ou bien les vives anxiétés du vieux roi Micipsa, tremblant pour ses jeunes enfants, et délibérant avec luimême s'il se défera de Jugurtha et par quels moyens; ou bien encore les perplexités du roi Bocchus, beau-père de Jugurtha, hésitant entre ses affections et ses intérêts, ne sachant s'il doit trahir son gendre pour Sylla, ou Sylla pour son gendre, etc. Ces traits distinguent l'historien du chroniqueur, qui ne s'inquiète point des causes cachées des actions des hommes et se horne à rapporter nûment ce qu'il a ouï dire comme tout le monde.

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CHAP. XXXII. On trouvera singulier qu'au lieu de faire arrêter Catilina, on l'ait laissé rejoindre son armée. Mais à Rome, on n'avait pas le droit de priver un citoyen de sa liberté sur de simples indices, par mesure préventive. En arrêtant Catilina, sans avoir en mains les preuves matérielles de son crime, on fournissait un prétexte d'éclater à tous les séditieux. Combien de passions et d'intérêts contraires Cicéron n'avait-il pas à combattre? La république était divisée en deux partis. Les uns voulaient maintenir l'ordre existant dont ils profitaient; les autres, qui se disaient opprimés, voulaient à tout prix une révolution. Au fond, presque personne ne s'inquiétait plus ni de la liberté ni de la patrie. Cicéron s'applaudit de la fuite de Catilina comme d'une victoire. Toutefois, après son départ, il ne se trouva guère moins embarrassé qu'auparavant. Déjà on l'accusait d'avoir persécuté et proscrit Catilina, lors

qu'on apprit enfin qu'il venait de lever l'étendard de la révolte.

CHAP. XLVII. Publius Cornelius, surnommé Lentulus Sura, était un homme de beaucoup d'esprit et l'un des plus célèbres orateurs de son temps, mais fort paresseux, adonné à ses plaisirs, de mœurs très-déréglées, et grand dissipateur. Les censeurs l'ayant exclu du sénat, il sollicita la préture pour y rentrer; il l'exerçait lorsque Catilina forma le projet de sa deuxième conjuration et l'y associa. Une prétendue prophétie des sybilles portait que C. C. C. devaient régner à Rome. Des devins, probablement payés par Lentulus lui-même, interprétèrent ainsi le sens de ces lettres trois Cornéliens régneront à Rome. Or Sylla et Cinna ayant déjà régné, c'était le tour de Lentulus, qui était le troisième.

Salluste nomme encore parmi les conjurés, Septimius; Julius; Céparius; Umbrénus; Sittius; Pison; Fulvius; Volturcius; Tarquitius; Manlius; Flaminius; Sempronie, et Fulvie qui découvrit la conjuration. Cicéron y joint Quintus Magius Chilo, originaire de la Campanie; Tongillus ; Publicius; Cincius; Munatius et Furius. On disait aussi que Clodius, dès lors ennemi de Cicéron, et le jeune Cælius, son élève et son ami, avaient trempé dans le complot. Parmi ceux qui furent fortement soupçonnés, mais à l'égard desquels on craignit d'approfondir la vérité, il faut compter Jules César, qui n'était encore que grand pontife; Crassus, le plus opulent des Romains et le plus puissant après Pompée, et le consul Antoine.

CHAP. LI.-Les discours de César et de Caton ne sont pas,

comme la plupart de ceux que Salluste a répandus dans ses ouvrages, de son invention. On ne peut douter que ce ne soit ici du moins la substance des opinions émises par ces deux orateurs dans le sénat: la mémoire en était encore toute récente, et Salluste avait pu facilement s'en procurer des copies. On sait que Cicéron avait soin d'aposter dans les assemblées du sénat et du peuple des copistes qui tenaient note exacte de tout ce qui s'y disait. C'étaient, selon Plutarque, des gens qui se servaient en écrivant de certains signes qui leur permettaient d'aller aussi vite que la parole : c'étaient les sténographes de ce temps-là.

CHAP. LI. Je pourrais vous citer beaucoup de rois et de peuples, etc.; mais j'aime mieux vous dire ce que nos pères ont fait de bon, etc.

Ces harangues politiques, si graves, si nerveuses, que nous remarquons dans Salluste, sont toujours appuyées sur des faits historiques, sur ce que nous appelons des précédents. Rien de plus fort qu'un fait, quand on cite à propos. On ne dira pas de cet historien, comme de TiteLive, qu'il s'amuse à jeter des fleurs sur des colosses: ses discours sont toujours parfaitement adaptés à la situation.

CHAP. LI. N'avons-nous pas aussi d'autres lois qui défendent d'ôter la vie à un citoyen, et qui lui permettent l'exil?

La loi des XII tables portait que la connaissance des causes capitales contre un citoyen romain, n'appartiendrait qu'aux centuries rassemblées. Valérius fut l'auteur d'une loi qui contenait deux chefs importants par le

premier, il était défendu de frapper un citoyen; par le second, il était libre à un citoyen condamné à mort d'en appeler au peuple. Il paraît que ces lois furent comme abolies par des usages contraires, car on en rendit souvent de nouvelles pour les remettre en vigueur. En 556, Porcius Loca, tribun du peuple, l'un des ancêtres de Loca le conjuré, proposa la loi dont parle César, qui défendait de mettre à mort ou de battre de verges un citoyen romain. Les seules punitions maintenues étaient l'exil et la confiscation des biens. En 630, Caïus Sempronius Gracchus fit la loi Sempronia, qui défendait d'infliger à un citoyen la peine capitale sans l'ordre du peuple. Et ce fut en vertu de cette loi qu'on poursuivit Cicéron pour avoir fait condamner les complices de Catilina par le sénat, Il semblerait, d'après les discours de Caton et de Cicéron, que l'on avait toujours appliqué la peine de mort contre les crimes d'État, appelés de rébellion ou de perduellion. Mais César prétend au contraire que c'est enfreindre les lois les plus sacrées, celles qui assurent les garanties individuelles, que d'appliquer ici la peine capitale. Cicéron pouvait, sans doute, mettre sa responsabilité à couvert en faisant confirmer la sentence du sénat par le peuple. Mais il aima mieux hâter le supplice des coupables, soit que les circonstances ne lui permissent pas de le différer et qu'il redoutât quelque tentative désespérée de la part de leurs partisans qui étaient audacieux et nombreux, soit qu'il n'eût pas calculé tous les dangers auxquels il s'exposait lui-même par une exécution précipitée. Ce qu'il y a de bien remarquable, c'est que ce même César, qui plaide si éloquemment ici contre la peine de mort, étant peu de

mois auparavant juge de Rabirius, l'avait impitoyablement condamné au dernier supplice. Et au contraire, Cicéron, qui demande au sénat l'application de cette peine, soutenait, en parlant pour Rabirius, que la loi Porcia s'opposait à ce qu'on punît de mort son client. « O douce li>>berté, s'écriait-il! ô droit précieux des citoyens romains!

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sacrée loi Porcia, ô inviolable loi Sempronia! c'est un >> attentat que de lier un citoyen romain! c'est un crime » que de le frapper de verges! c'est un parricide que de le >> mettre à mort! » Et d'un autre côté enfin, le peuple romain assemblé par centuries, et devant lequel Rabirius avait porté son appel, ce même peuple, qui depuis condamna Cicéron pour avoir fait mourir les conjurés, allait ordonner le supplice de Rabirius, si un membre du collége des augures ne se fût jeté au milieu de l'assemblée, en criant que les présages étaient funestes. On peut juger par cet échantillon, de la confusion et de l'arbitraire qui régnaient à Rome dans les lois et dans les jugements. La justice n'était qu'une arme que les partis se disputaient pour en frapper leurs ennemis.

CHAP. LI. Nos ancêtres ne dédaignèrent point d'emprunter les institutions de nos voisins lorsqu'ils les trouvèrent utiles.

L'on doit remarquer, dit Montesquieu, que ce qui a le plus contribué à rendre les Romains maîtres du monde, c'est qu'ayant successivement combattu contre tous les peuples, ils ont toujours renoncé à leurs usages sitôt qu'ils en ont trouvé de meilleurs.

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