Immagini della pagina
PDF
ePub

instant du spectacle des maux qui pendant tant d'années ont affligé notre âge. Tout le temps du moins que notre ancienne histoire absorbera mon attention, je n'éprouverai point de ces craintes, qui, si elles n'ont pas le pouvoir d'écarter un historien de la vérité, ne laissent pas toutefois d'alarmer sa tranquillité. Les faits qui ont précédé et ceux qui accompagnent la fondation de Rome, ont l'éclat des fictions de la poésie, plus que l'authenticité des monuments historiques je ne veux pas plus les contredire que les affirmer. On pardonne à l'antiquité cette intervention des dieux dans les choses humaines, qui donne à la naissance des cités un caractère plus solennel; et s'il est quelque nation en qui l'on doive excuser ce désir de consacrer son origine en la rapportant à des dieux, il me semble qu'avec sa gloire militaire, Rome avait quelque droit de prendre pour son auteur le dieu Mars et d'en faire le père de son fondateur; et il faut bien que les autres peuples se soumettent à cette préten

tion, comme ils se soumettent à son empire.

<< Au reste, qu'on dédaigne ces traditions, ou qu'on y attache du prix, l'importance n'est pas grande. Ce qui intéresse, ce qui commande surtout l'attention de chacun, c'est d'observer les habitudes, les mœurs des premiers Romains; de connaître les hommes, les systèmes de guerre et de politique qui ont établi notre puissance et qui l'ont accrue; c'est de suivre les progrès insensibles de la décadence de la discipline, et ce premier affaissement dans les mœurs, qui, se relâchant de plus en plus et se précipitant brusquement vers une dissolution totale, ont amené enfin ces crises où le remède est devenu aussi intolérable que le mal. Le principal et le plus utile avantage de l'histoire, c'est d'y trouver des exemples de tout genre, d'y prendre ce qu'il y a de bon pour soi et pour sa patrie, afin de l'imiter; d'y voir ce qui est vicieux dans le projet, vicieux dans l'exécution, afin de l'éviter... >>

Quant à Tacite, écrivant l'histoire d'une suite de tyrans, parmi lesquels brillent par exception quelques bons princes, il s'occupe aussi fort peu de politique actuelle; il ne l'aurait pas osé. Il fouille dans les profondeurs de la corruption romaine; il la poursuit de toute l'indignation et de toute l'honnêteté de son âme, comme s'il avait pour mission de faire voir jusqu'où, sous cette civilisation païenne tant vantée, l'homme pouvait descendre dans la science du mal! Toutefois il renferme au fond de son cœur une partie de sa colère et de ses regrets, et il en laisse entendre beaucoup plus qu'il n'en dit. Quoique l'on jouît sous quelques empereurs, entre autres sous Trajan, comme le dit Tacite lui-même, d'une assez grande liberté de penser et d'écrire, cette liberté ne s'exerçait que sur le passé, et ne s'immisçait point dans les affaires du gouvernement 1.

1 << Dum stetit respublica, res populi romani memora

Il serait difficile de mieux expliquer la différence de couleur que la différence des époques et des sujets a dû imprimer aux narrations de Tite-Live et de Tacite, que ne l'a fait ce dernier dans le 4 livre de ses Annales, quoique cet admirable écrivain parle ici de son œuvre avec beaucoup trop de modestie. « Je ne me dissimule pas, dit-il, que la plupart des faits que j'ai rapportés et que je rapporterai encore paraîtront peu importants peut-être et peu dignes de mémoire. Mais on ne doit point comparer mës annales avec les anciennes histoires du peuple ro

» bantur pari eloquentia ac libertate. Postquam bellatum >> apud Actium, atque omnem potestatem ad unum con» ferri, pacis interfuit, magna illa ingenia cessere. Simul » veritas, pluribus modis infracta : prímum inscitià rei» publicæ ut alienæ, etc. HISTor., I, 1. »

Il faut, remercier le ciel, dit-il, quand il envoie de bons princes; mais on doit les supporter quels qu'ils soient. « Sé » meminisse temporum quibus natus sit; quam civitatis for>> mam patres avique instituerint; ulteriora mirari, præ» sentia sequi, bonos imperatores voto expetere, qualescun» que tolerare., HISTOR., IV, 8. »

main. Celles-ci avaient à raconter des guerres mémorables, des villes prises, des rois vaincus ou faits prisonniers; et au dedans, les querelles des consuls et des tribuns, les lois agraires ou sur les vivres, les combats du peuple et des nobles : le génie pouvait librement embrasser ces grands objets.

» Mon travail au contraire est resserré dans des limites étroites et sans gloire. Une paix constante ou rarement troublée; l'aspect de Rome triste, et des princes peu jaloux de reculer les bornes de leurs États. Cependant il ne sera point inutile d'arrêter ses regards sur ces faits peu importants en apparence, d'où l'on peut tirer souvent de grandes leçons.

>> Chez toutes les nations, c'est le peuple, ou les grands, ou un seul qui gouverne; car une forme de gouvernement qui se composerait à la fois des trois autres, est plus facile à souhaiter qu'à réaliser, et même réalisée, elle ne pourrait durer longtemps 1. Or

1 Cette opinion paraît avoir reçu de nos jours un dé

« IndietroContinua »