Immagini della pagina
PDF
ePub

la

comme sous le gouvernement populaire il fallait connaître le caractère du peuple et les moyens de le conduire; comme sous l'administration patricienne les politiques et les sages étudiaient avec soin l'esprit du sénat et des grands, de même aujourd'hui que chose publique n'est autre que le gouvernement d'un seul, il est bon de rechercher les faits que je rapporte..... J'avoue du reste qu'ils offrent très-peu d'agréments. La peinture des mœurs nationales, les vicissitudes. des combats, les actions mémorables des généraux soutiennent et raniment l'attention des lecteurs. Mais moi, dans cette énumération fastidieuse d'ordres tyranniques, de délations continuelles, d'amitiés perfides, de condamnations injustes, d'événements qui tous ont une fin pareille, il me faut lutter menti formel. Il y a cependant bien des gens qui croient encore qu'un véritable équilibre est une chimère; que dans le gouvernement le plus modéré, il faut toujours un pouvoir dirigeant; qu'autrement, comme dit Tacite, il ne saurait durer longtemps.

sans cesse contre les dégoûts de l'unifor mité. D'ailleurs les anciens écrivains font

peu de mécontents, et personne ne s'inquiète que vous exaltiez les armées romaines ou les armées carthaginoises. Mais la postérité de la plupart de ceux qui subirent sous Tibère le supplice ou l'infamie, subsiste encore; et fût-elle déjà éteinte, vous en trou veriez d'autres qui, ayant des mœurs semblables, croiront qu'on les flétrit eux-mêmes lorsque l'on flétrit les crimes d'autrui..... »

Pour pouvoir comparer la politique de Salluste à celle de Tacite, comme le suppose M. de La Harpe, il faudrait que les temps qu'ils dépeignent fussent les mêmes, et ils ne se ressemblent point. Salluste écrivait lorsque la république était debout, se débattant, il est vrai, entre l'anarchie et le despotisme; mais enfin il y avait encore un peuple, un sénat et des lois 1. Tacite commence ses An

1 Salluste mourut l'an de Rome 718, quatre ans avant la bataille d'Actium qui soumit le monde romain à la do

nales par expliquer comment les plus fiers républicains ayant péri dans les combats ou par les proscriptions, Auguste étant devenu l'unique arbitre de l'empire, put s'emparer

mination d'un maître. Nous ne prétendons point assurément que sous la dictature de César, et sous le triumvirat, l'indépendance de l'écrivain fût entière; mais l'empire d'un seul n'était point définitivement reconnu, et l'on avait encore quelques intervalles de liberté. Celui qui écrivait cette sentence toute républicaine, regibus, boni quam mali suspectiores sunt, semperque his aliena virtus formidolosa est, ne prévoyait probablement pas que le despotisme fût si près. Salluste, qui voit la république menacée d'une crise prochaine, y ramène constamment tous ses souvenirs, toutes les forces de son esprit; il cherche les moyens de la relever ou du moins de retarder sa chute. Son Catilina, son Jugurtha, et ses Lettres à César, particulièrement, semblent avoir été écrits dans cette intention.

Un historien dont on vante, non pas le style, mais les connaissances profondes dans l'art militaire, l'élève de Philopomen et le maître de Scipion l'Africain, le judicieux Polybe, en examinant les causes de la supériorité de Rome sur Carthage et sur les républiques de la Grèce, avait pu donner à Salluste l'exemple de ces curieuses méditations. Mais lorsque Polybe composait son ouvrage, Rome était au faîte de sa puissance, et il cherchait à expliquer les motifs de sa prodigieuse fortune. Salluste, écrivant un

sans opposition de tous les pouvoirs 1. Alors tout était changé. Plus de partis pour le peuple ou pour le sénat; plus de ces brigues ou de ces poursuites publiques qui se traduisaient en discours véhéments à la tribune, et parfois en combats à force ouverte dans le Forum; plus de délibérations dans le sénat pour les grandes affaires de l'État : tout est secret et renfermé dans le cabinet du prince. Le sénat tremble; il accueille toutes les délations, lorsqu'elles touchent le maître; il est toujours prêt à condamner; il aggrave les peines, et l'on voit Tibère luimême obligé de modérer ses honteux empressements: cependant l'empereur s'en sert comme d'un instrument docile, et se réfugie au besoin derrière ce vain fantôme. Quant au peuple, il ignore tout, soupçonne tout,

siècle après Polybe et à une époque de décadence, s'attache en quelque sorte à résoudre la contre-partie de ce problème.

↑ Lib. I, c. 2.

accueille tous les bruits; voit partout des complots, des trahisons, des empoisonnements, et sert ainsi la tyrannie à sa manière il aime et regrette les uns jusqu'à l'idolâtrie, comme Germanicus; il déteste les autres jusqu'à la fureur, comme Séjan : également impuissant dans ses amours et dans ses haines.

Salluste nous représente la lutte d'un peuple avili et perdu de mœurs, excité par ses tribuns contre une aristocratie sans force et sans dignité, prête à tomber avec la république elle-même au pouvoir de quelques factieux1. Sous notre régime constitutionnel, où cette même lutte existe entre le peuple ou les hommes qui se disent ses défenseurs, et ceux qui tiennent momentanément le pouvoir, pense-t-on qu'il ne soit pas aussi utile d'étudier la politique dans Salluste que dans Tacite? Celui-ci a décrit, non les combats

1 Catilina, c. XXXVIII et XXXIX; Jugurtha, c. V, etc.

« IndietroContinua »