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à elle seule que toutes les autres. Et comme presque toujours la majorité était acquise avant d'arriver à cette sixième classe, les plus misérables se trouvaient exclus, par le fait, du droit de voter. Dans la suite, lorsqu'on divisa le peuple en 35 tribus, on suivit encore à peu près la même marche, car on refoula toute la populace de la ville dans les tribus urbaines qui étaient les dernières. Maintenant, si l'on fait attention qu'à Rome le nombre des citoyens effectifs était infiniment petit, eu égard à l'immense quantité d'esclaves, d'affranchis et de plébéiens qui ne payaient pas le cens requis; si l'on considère les priviléges exorbitants qu'un Romain exerçait comme époux, comme père, comme maître, comme patron, priviléges qui en faisaient un souverain absolu dans sa famille, on sentira combien devait être précieux ce titre de citoyen. Il en fut ainsi tant que la population de Rome se trouva restreinte dans certaines bornes. Il faut hien remarquer cela pour comprendre comment le peuple pouvait intervenir directement dans les affaires sans tout bouleverser. Cette intervention, tant qu'elle se borna à un certain nombre d'hommes intéressés à la prospérité de l'État, se rapprochait en quelque manière de notre système représentatif. Mais lorsque, par différentes causes que nous avons tâché d'expliquer, toutes les propriétés se concentrèrent sur un petit nombre de têtes; lorsque la classe moyenne disparut presque tout entière; lorsqu'enfin l'on étendit le droit de cité à tous les peuples de l'Italie, les désordres, la confusion, l'anarchie surgirent de toute part : il y eut encore un empire très-puissant par son immense étendue et par ses forces matérielles, mais il n'y eut plus de république.

(3) La lutte entre les patriciens et les plébéiens présente deux phases principales. Dans la première les plébéiens ne cessent de réclamer l'égalité des droits, etc.

Ces querelles relatives à l'exercice des droits politiques ne seront jamais définitivement résolues. Il est juste que ceux qui ont un intérêt direct et positif au maintien de l'ordre établi, aient part aux droits de cité, et il est dangereux de l'accorder à ceux qui ont un intérêt contraire. Voilà la règle : mais où poser la limite? Ce qui rend cette question si difficile à résoudre, c'est qu'elle se rattache à d'autres intérêts plus palpables. D'abord, il s'élève des luttes d'ambition entre ceux qui aspirent à occuper les places influentes et surtout les places lucratives de l'État. Et comme tous ceux qui ont des prétentions au pouvoir ne sauraient y atteindre, il se forme des partis de mécontents qui animent le peuple contre le gouvernement, puis contre les grands, contre les nobles, et enfin contre les riches. Et cela n'est pas difficile, car au fond tout le reste importe assez peu à cette portion nombreuse de la société qui n'a rien et qui souffre. Arrivée à ce dernier terme, la crise peut devenir terrible, parce que les appétits de la multitude se trouvant excités à la vue de la proie qu'on offre à ses regards, elle n'est plus retenue par la crainte des lois, qui va toujours s'affaiblissant. Le paupérisme, qui prend aujourd'hui des proportions si effrayantes, a réveillé chez les modernes des théories plus radicales et plus révolutionnaires que celles des Gracques. Nos communistes ne s'attaquent point comme eux à certaines espèces de biens,

mais à la propriété, en général, qui est le véritable fondement de la société civile, dont ils demandent le remaniement complet. «< Où est, disent-ils, la loi qui déclare que >> tout sera d'un côté, et rien de l'autre? que celui-ci ga>> gnera son morceau de pain à la sueur de son front, et >> que celui-là consommera, dans sa superbe et voluptueuse >> oisiveté, le produit du travail d'autrui? Si cette loi existe, » elle ne peut avoir été faite qu'au profit du petit nombre >> contre le grand : pour la changer, il suffit de le vouloir. » Cet appel à la force brutale, au nom de la souveraineté populaire, suppose l'oubli le plus absolu de la loi chrétienne et le retour à l'esprit du paganisme qui avait tout ordonné dans ce monde en vue de la vie présente. L'Évangile commande au riche, sous les peines les plus terribles, de faire part au pauvre des biens dont il n'est que le dépositaire et le dispensateur; et d'un autre côté, il défend au pauvre d'en appeler à la violence. Au-dessus des lois positives et temporaires, il leur montre la grande loi de réparation et de justice définitive. L'Évangile, d'ailleurs, en combattant le germe des passions et des vices, cause la plus féconde des maux qui nous assiégent, travaille bien plus efficacement au soulagement de la misère que tous les systèmes soi-disant philanthropique ou antichrétiens. Ceux-ci, en parvenant à leurs fins, ne remédieront à rien. Comme il y aura toujours des pauvres et des riches, ils ne réussiraient qu'à établir une guerre implacable, éternelle, entre tous les membres qui composent la société : bien loin de la rendre meilleure et plus heureuse, ils en banniraient les derniers vestiges d'humanité.

(4) Un homme d'une illustre origine, élevé au sein des guerres civiles..., d'un esprit audacieux, etc.

Les livres de Salluste ne sont pas seulement des œuvres d'écrivain, ce sont de profondes études politiques et morales on y voit comment se forment ces caractères puissants pour le mal ou pour le bien, selon la direction qu'ils ont reçue de la nature, de l'éducation et des circonstances. Catilina est un homme d'un génie pervers, qui croît au milieu des troubles de sa patrie; ses mauvaises qualités s'y développent; il a le sens faux et dépravé comme tous les grands criminels, mais il est doué de ce genre d'éloquence qui remue les passions; et comme le gouvernement a perdu toute sa force et son autorité, il ne voit aucun obstacle sérieux à ses projets. N'est-ce pas là le type d'un grand nombre de démagogues qui ont été les fléaux de leur patrie? Je ne veux point dire qu'ils aient eu tous cette grandeur sauvage, cette hardiesse obstinée dans le crime qui nous étonnent dans Catilina. Mais comme lui, tous parlent aux plus dangereux instincts de la multitude et bravent les lois de leur pays; comme lui tous manquent de prévoyance et n'aperçoivent point le précipice qui doit les engloutir eux-mêmes, Du reste, Catilina se connaît en révolutions mieux que la plupart de nos théoriciens modernes. Ce ne sont pas des réformes politiques qu'il propose à ses complices : c'était bon aux temps primitifs de la république : il ya droit au fait : c'est la proscription et la mort de leurs ennemis, c'est la confiscation de leurs places et de leurs biens ce qui est le dernier terme de toute lutte civile, quand les mœurs et les institutions ont perdu leur empire.

(5) Le meurtre de Clodius fut chaudement poursuivi par Salluste, qui malheureusement pour lui, cut en tête un redoutable adversaire dans la personne de Cicéron, intime ami de Milon.

Le peu de détails qui nous ont été transmis relativement à la querelle de Cicéron et de Salluste, sont dus à quelques notes éparses d'un ancien commentateur de la Milonienne, nommé Asconius Pædianus, auteur d'une Vie de Salluste. Cette vie, dont on ne peut trop regretter la perte, nous aurait fourni, sans doute, d'utiles renseignements sur bien des points mal éclaircis. Le président De Brosses a chargé la biographie de notre historien de beaucoup de traits empruntés à la Déclamation du Pseudo-Cicéron, l'auteur inconnu qui s'est caché sous le nom de l'illustre consul. On dirait que ce savant critique prend plaisir à commenter, tout en les désavouant, ces grossières et anonymes injures. Toutefois cette Déclamation annonce l'ignorance des faits les plus avérés de l'histoire contemporaine, et porte avec elle des traces évidentes de supposition. Mais par la plus étrange destinée, une partie des beaux ouvrages de Salluste a péri dans le naufrage des siècles, tandis que cette misérable invective nous a été conservée.

On ne saurait ajouter plus de foi à la pièce qui porte le nom de Læneus. Cet affranchi de Pompée avait aussi composé contre Salluste une Satire dont il reste quelques fragments, propres tout au plus à nous donner une idée de la langue des esclaves et des portefaix de Rome. Læneus ne pouvait pardonner à Salluste d'avoir dit, que Pompée, sous le masque d'une physionomie honnête, ca

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