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dangers et qu'il avait conduits souvent à la victoire. C'était là l'origine naturelle du tronage de cette vieille aristocratie guerrière, semblable, sous certains rapports, au lien féodal qui, au moyen âge, unissait le vassal au suzerain et les obligeait à des services réciproques. Le peuple conservait encore, au milieu des querelles du Forum, quelque chose de la discipline des camps, et il éprouvait un sentiment de déférence et de sympathie pour des noms qu'il était habitué à vénérer. Voilà ce qui explique comment, dans les beaux temps de la république, l'apparition soudaine d'un seul homme au milieu d'une foule irritée, suffisait souvent pour apaiser une tempête qui menaçait de dégénérer en guerre civile. Le citoyen romain avait d'ailleurs un sentiment profond de sa dignité, et un respect des lois qui imprimait à ses résolutions un caractère de force et de modération admirable.

Tite-Live a tracé un tableau animé et plein

d'intérêt des différentes phases de la longue querelle du peuple contre les nobles. Nous en résumerons ici les traits les plus saillants. Les nobles s'étaient d'abord attribué toutes les hautes fonctions civiles, militaires et religieuses; mais le peuple avait pour lui le nombre et la force, à laquelle à la fin rien ne résiste. Lorsqu'il eut obtenu des tribuns, ceux-ci se proposèrent de débusquer les nobles de toutes les positions où ils s'étaient en quelque sorte retranchés. Néanmoins ils n'y réussirent qu'après beaucoup d'efforts. Et ce qu'il y a d'étonnant, c'est que les plébéiens, ayant obtenu la permission de prendre dans leur propre sein des tribuns militaires, des consuls, etc., continuèrent à les choisir le plus souvent parmi les nobles, tant était grande l'influence de ces hommes qui se recommandaient par les services que leurs ancêtres et eux-mêmes avaient rendus à la chose publique! Il faut que ce gouvernement ait été bien fort et bien servi par la fortune

pour avoir fait de si grandes choses et pour avoir duré si longtemps, malgré tant de causes de dissolution. Lorsque l'ennemi venait insulter Rome jusque dans ses murailles, toutes les querelles cessaient. Le sénat, en cas d'extrême nécessité, nommait un dictateur, et chacun obéissait. Le peuple, en se plaignant toujours, et souvent avec raison, ajournait tout ou partie de ses réclamations, et il écoutait le sénat plutôt que ses tribuns, qui auraient volontiers sacrifié la patrie ellemême à leurs haines acharnées 1.

1 On en trouve un exemple bien remarquable dans les chapit. XV à XX, liv. III de Tite-Live.

Les ennemis s'étant une fois avancés jusqu'aux portes de Rome, les tribuns voulaient, au milieu de la crise. générale, persuader au peuple de ne point s'armer avant que le sénat n'eût fait droit à tous ses griefs. « Quoi! s'écriait le consul Quintius, vous savez, et la postérité saura, que les Èques et les Volsques, ces ennemis naguère à peine égaux aux Herniques, sont venus impunément, les armes à la main, sous le quatrième consulat de Quintius, jusqu'au pied des murs de la ville de Rome!... Quelle sera la fin de nos discordes! Quand nous sera-t-il

Le sénat, originairement composé des principales familles nobles, se recrutant par l'adjonction des familles nouvelles les plus

donné de n'avoir qu'une seule ville, qu'une seule patrie!... C'est contre nous, patriciens, qu'on s'empare du mont Aventin, contre nous qu'on s'empare du mont Sacré. Mais si l'ennemi est près de se rendre maître des Esquilies, si les Volsques sont près de monter sur nos remparts, personne ne les repousse ! C'est contre nous que vous avez du courage, contre nous que vous avez des armes !... Vos tribuns vous feront des discours tant que vous voudrez; ils tiendront des assemblées; ils accumuleront des accusations contre les grands; ils porteront des lois; mais aucun de vous s'est-il jamais retiré de ces réunions plus riche ou plus heureux? En a-t-il jamais rapporté à sa femme et à ses enfants autre chose que des haines, des divisions, des inimitiés publiques et particulières? C'est une espèce de fatalité que celui qui ne songe qu'à ses propres avantages soit plus agréable à la multitude que celui qui parle pour le bien général. Eh, croyez-vous que ces flatteurs publics, que ces prétendus amis du peuple pensent beaucoup à vos intérêts lorsqu'ils vous font éternellement vivre au milieu des dissensions? C'est leur propre ambition qu'ils servent en vous soulevant contre nous. Comme ils voient qu'ils sont sans crédit lorsque la concorde règne entre les ordres, ils fomentent les troubles et les séditions; ils aiment mieux faire le mal que ne rien faire. » La voix du consul fut entendue du peuple, et l'ennemi fut repoussé.

illustres et des plus hautes capacités plébéiennes, était en effet le gouvernement des meilleurs. Formé d'hommes vieillis dans les affaires1, il avait des principes et il y tenait2. Il n'essaya point de détruire les libertés du peuple, source de son patriotisme et de son courage, instruments nécessaires pour accomplir ses grands desseins; mais il tempérait tour à tour l'orgueil aristocratique et la fougue plébéienne, et il savait lui-même se relâcher de ses droits et céder à propos, lorsqu'il eût été trop dangereux de résister. Enfin, grâce à ce bon sens qui caractérisait le peuple et le sénat, on ne remettait pas chaque jour en question et en péril les lois les plus fondamentales de l'État, comme nous voyons dans les démocraties pures.

le

1 Delecti, quibus corpus annis infirmum, ingenium sapientia validum. Catil. VI.

2 Cela ne l'empêchait point d'adopter les usages des autres peuples, lorsqu'après les avoir éprouvés, il les trouvait meilleurs que les siens; c'est ainsi qu'à Rome on entendait le progrès. Catil. LI.

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