Immagini della pagina
PDF
ePub

loin chez une nation barbare le modèle d'un bon gouvernement; il invente une espèce de roman politique, et c'est un roi de Perse qui en est le héros. Certes il n'est pas absolument impossible qu'un despote soit un bon roi, mais ce ne peut être qu'un heureux accident. Ces princes de l'Orient qu'Hérodote nous représente sous des couleurs si peu attrayantes, qui étaient les maîtres des biens, de la vie et de l'honneur de leurs sujets, dont rien ne modérait l'orgueil et les passions extravagantes, n'étaient point un exemple à proposer aux Grecs, même dégénérés et corrompus. Le livre de Xénophon n'en renferme pas moins d'excellentes leçons pour les rois et les nations. L'aversion que cet historien témoigne pour le système démocratique 1 lui est commun

1 « Je n'ai garde, dit Xénophon, de louer les Athéniens du genre de république qu'ils ont choisi. En préférant cette forme, ils ont évidemment voulu rendre la condition des méchants meilleure que celle des bons. Par tout pays les

avec Socrate 1, avec Platon 2, avec Aristote 3, et tous ces grands hommes en parlaient par expérience.

gens vertueux sont ennemis jurés de la démocratie. »> « Je n'hésite pas à déclarer, dit-il encore, que les Athéniens sont excellents connaisseurs en fait de mérite et distinguent parfaitement les mauvais citoyens d'avec les bons, mais quel que soit leur discernement, ils ne laissent pas de préférer ceux qui servent leurs passions ou qui les amusent; et leur disposition à l'égard des honnêtes gens ressemble beaucoup à de la haine. » De la république d'Athènes.

1 Dans son Apologie, Socrate, pour s'excuser d'avoir en quelque sorte négligé ses devoirs de citoyen, en préférant l'étude de la philosophie aux occupations de la vie publique, dit qu'un homme de bien qui dans un État corrompu se mêle de gouvernement, y trouve infailliblement sa perte.

2 Platon fait de la république d'Athènes une peinture moitié sérieuse, moitié plaisante, dont plus d'un trait pourrait s'appliquer encore à notre époque, où l'on se plaint avec tant de raison de l'affaiblissement de l'autorité à tous les degrés de la hiérarchie sociale.

<«< Lorsqu'un pays démocratique, dit-il, dévoré par une soif ardente de liberté, a été gâté par de mauvais échansons qui la lui versent toute pure et la lui font boire jusqu'à l'ivresse, si ses gouvernants ne portent pas la complaisance jusqu'à lui en donner autant qu'il en veut, il les accuse et les per

Nous terminerons ici cette esquisse rapide par un parallèle entre Salluste et deux grands historiens latins qui, marchant comme

sécute, sous prétexte que ce sont des traîtres qui aspirent à l'oligarchie; il traite avec le dernier mépris ceux qui ont encore de la soumission pour le magistrat; il leur reproche qu'ils sont des gens de néant, des esclaves volontaires. En public comme en particulier il vante et honore l'égalité qui confond les magistrats avec les citoyens. Se peut-il que dans un pareil État la liberté ne s'étende pas à tout? qu'elle ne pénètre pas dans l'intérieur des familles? Les pères s'accoutument à traiter leurs enfants comme leurs égaux, à les craindre même; ceux-ci à s'égaler à leurs pères, à n'avoir ni respect ni égards pour eux, parce qu'autrement leur liberté en souffrirait. Et pour descendre à de moindres objets, les maîtres dans cet état craignent et ménagent leurs disciples; ceux-ci se moquent de leurs maîtres et de leurs gouverneurs. Les jeunes gens veulent aller de pair avec les vieillards et leur tenir tête, soit en paroles soit en actions. Les vieillards de leur côté descendent aux manières des jeunes gens, et s'étudient à copier leurs mœurs, de peur de passer pour des caractères bourrus et despotiques.

« Mais l'abus le plus intolérable de ce gouvernement, c'est que les esclaves de l'un et de l'autre sexe sont aussi libres que ceux qui les ont achetés. J'allais presque oublier de dire à quel point d'égalité et de liberté vont les elations des hommes et des femmes... Enfin ce qu'on aurait peine à

lui sur les traces des Grecs, ont porté l'art au plus haut degré de perfection. M. de La

croire, à moins de l'avoir vu, les animaux qui sont à l'usage des hommes, sont plus libres là que partout ailleurs! de petites chiennes, selon le proverbe, y sont sur le même pied que leurs maîtresses; les chevaux, les ânes, accoutumés à marcher tête levée et sans se gêner, heurtent tous ceux qu'ils rencontrent si on ne leur cède le passage. Voyez-vous le mal qui résulte de tout cela? Les citoyens en deviennent ombrageux au point de se révolter à la moindre apparence de contrainte; ils ne veulent tenir compte d'aucuneloi, écrite ou non écrite, afin de n'avoir aucun maître... C'est pourtant de cette forme de gouvernement, si belle et si charmante, que naît la tyrannie! » De la république, L. 8.

Voilà comment parlait ce Platon qui connaissait si bien le peuple d'Athènes, et la cour des deux Denys. C'est aujourd'hui, je le sais, un moyen infaillible d'obtenir de la popularité, une réputation de bon citoyen et de politique habile, que de soutenir qu'une nation ne peut être bien gouvernée que par elle-même. Je me prononcerais volontiers aussi pour l'état démocratique, si l'on pouvait m'en montrer un seul qui ait duré; un seul où la calomnie ne soit pas érigée en système; où les meilleurs citoyens ne soient pas désignés à une multitude égarée comme ses ennemis publics ou secrets; un seul où cette multitude ne reporte pas toutes ses affections et ses adorations sur des hommes qui n'ont le plus souvent d'autre mérite que de la flatter et de la tromper; un seul qui ne

Harpe dit, dans son Cours de litterature,

[ocr errors]

qu'il préfère à Salluste, Tite-Live et Tacite;

se soit pas déchiré de ses propres mains au milieu des dissensions civiles, du sang et de l'anarchie; un seul qui soit rentré dans la voie de la justice et de la raison, après l'avoir quittée; un seul enfin qui n'ait pas abouti directement, comme le dit Platon, à la tyrannie et à la ruine. L'esprit de la démagogie n'est pas seulement, comme on affecte de le répéter, l'amour extrême de la liberté et de l'égalité; c'est la haine de toute supériorité, naturelle ou sociale; la haine de ceux qui se sont élevés, aussi bien par leurs talents ou leurs vertus, que par des services rendus au pays, dès qu'ils entendent conserver leur indépendance personnelle et ne fléchir sous aucun joug: et la cause de cette haine, c'est la plus basse passion du cœur humain, celle qu'on s'avoue le moins, celle qui se dissimule le mieux sous des dehors honnêtes, l'envie. Voilà pourquoi les noms de philosophe et de démocrate n'ont jamais pu se rencontrer ensemble chez les hommes sérieux de l'antiquité.

3 « A Athènes, dit Aristote, règne l'engeance des démagogues qui, flattant le peuple comme on flatte les tyrans, ont réduit la république à son état actuel. » Politique, 1. 2, c. 12.

Aristote, Thucydide, Xénophon et Platon donnaient la préférence aux institutions de Sparte sur celles d'Athènes, par la raison que les principes monarchique, aristocratique et populaire s'y balançant dans une certaine mesure, contribuaient à y maintenir l'équilibre entre les divers pouvoirs.

« IndietroContinua »