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communiquer à ces parties la nourriture qu'il leur faut; car ces parties sont d'une substance et d'une nature différentes. Les muscles, par exemple, sont différents du foie, et les entrailles le sont du cerveau; les moindres parties ont un rameau d'une artère qui leur apporte la nourriture dont elles ont besoin, et qui, par le moyen de leur disposition particulière, leur unit seulement les particules qui leur conviennent. Ce rameau est aussi disposé de la manière qu'il faut pour former et distribuer ces particules. Sans ce mécanisme, chaque partie ne serait pas en état de répondre à la fin à laquelle elle est destinée : il en est de même des artères. Le microscope nous fait voir dans la grande artère d'autres artères qui lui apportent et lui distribuent la nourriture nécessaire. Ces secondes en ont d'autres qui les forment et nourrissent de même, et ainsi de suite. Cela ne va pas cependant à l'infini; il en faut venir à des dernières. Or, ces dernières n'ont point été plus capables de se former elles-mêmes que les premières ou que le corps entier1. »

Ici nous trouvons une physiologie qui essaie de s'élever jusqu'à Dieu, chose rare dans la philosophie moderne, et qui doit nous paraître vénérable. De tels mouvements devraient pourtant être naturels dans le cœur du philosophe qui étudie la nature humaine. Quelle merveille, en effet, que cette disposition des vaisseaux, que cette course toujours active du sang, que cette distribution de la vie par des canaux si variés! quel ceil a percé le voile qui couvre le travail de la nature? Quelle intelligence a pu comprendre le secret de ce mécanisme qui fait la séparation des substances et apporte une nourriture différente aux différents organes? Cette prévoyance est-elle purement matérielle? comprend-on que l'organisation soit d'elle-même capable de produire de si grands effets?

Considérons en outre le degré de chaleur que le sang répand dans tout le corps. D'où lui vient cette douce et vivifiante température? du cœur, sans doute: mais d'où vient au cœur cette source intarissable de vie? serait-il possible d'en saisir justement le degré, et d'en imiter l'admirable effet par les artifices de l'art? Qui tentera ce prodige? Qui réchauffera un corps éteint? Qui ranimera un sang glacé? ou plutôt qui empêchera cette` chaleur de la vie de fuir d'un sang encore tout animé? Quiconque s'arrêtera avec calme en présence de toutes ces merveilles, reconnaîtra qu'elles passent sa raison. On peut avoir saisi avec beaucoup de justesse les travaux des organes, et les usages auxquels la nature les a destinés; mais de

Le docteur Wodward, préface citée du docteur Holloway.

comprendre comment ils peuvent produire les effets que l'on a sous les yeux, voilà ce qui ne peut entrer dans l'intelligence humaine; il faut donc qu'elle tombe alors avec adoration devant le voile mystérieux qui lui couvre toute la nature.

Pénétrera-t-elle mieux l'admirable fonction de l'absorption, des sécrétions, de la nutrition? Ici encore tout est couvert de nuages; la physiologie connaît les glandes et les vaisseaux absorbants: mais qu'est-ce qu'une semblable propriété? quelle est cette intelligence de la matière qui décompose les substances, absorbe les unes, sé crète les autres, et prépare par la nutrition le renouvellement constant des forces du corps humain? Tout ce mécanisme est un grand prodige qui surpasse notre entendement. Nous ne voyons rien dans le fond de ce travail, et il est prodigieux que la raison humaine, si entourée de mystères, ose encore se glorifier de ses connaissances, et prétendre faire de la démonstration le fondement de sa certitude. Que peut-elle démontrer dans l'histoire de l'homme? tout la confond, tout passe ses forces; elle ne sait, ni comment nous vivons, ni comment nous mourons. Où est donc cette évidence qu'elle croit voir dans toutes les sciences? N'est-ce pas plu tôt une profonde obscurité qui la presse de toutes parts?

IV. De l'action de la volonté dans les divers phénomènes de la vie. Réflexions sur quelques autres merveilles inexplicables.

Mais un grand sujet d'étonnement, c'est que, dans cette complication de phénomènes, tout se passe dans l'homme à l'insu de l'homme. Notre volonté est puissante pour régler tous nos mouvements extérieurs, pour en fortifier l'action et la diriger vers un but. Ici, au contraire, notre volonté paraît comme anéantie. Qu'importe que je veuille de toute la puissance de ma volonté mouvoir, ou altérer, ou décomposer les substances qui doivent me servir d'aliments ! je ne puis rien dans cette action mystérieuse. Il semble que je ne suis plus le maître de mon corps; il va malgré mes efforts pour le diriger; ses ressorts sont montés par une puissance qui n'est pas la mienne, et je ne pourrais pas plus les arrêter que je ne puis en presser la marche. Bien plus, la préoccupation de mon esprit leur est nuisible; la machine se dérange lorsque je veux la régler suivant mon caprice. Qu'est-ce donc que cette machine qui est moi, et qui est indépendante de moi? Serait-ce qu'elle a besoin d'être conduite avec une si grande prévoyance, que son Auteur n'a point voulu en confier le soin à une sagesse aussi incertaine

C. C.

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que la mienne? Mais qu'est-ce donc, encore une fois, qu'une machine qui va d'elle-même, que je ne sais point conduire, et dont je connais toutefois toutes les pièces? Ce que j'admire, c'est qu'elle devance toutes mes volontés pour agir au dehors, et que ma volonté soit impuissante pour en mouvoir au dedans le moindre secret. Je ne puis ni diriger mon sang, ni l'échauffer à mon gré, ni en apaiser l'ardeur, ni conduire aucune des fonctions qui en renouvellent la substance; et mon sang toutefois se dirige, ou s'échauffe de lui-même, de manière à seconder tous les désirs de ma volonté. Comprend-on bien ce prodige? Je le remarque de même dans tout mon être, dans mes organes, dans mes muscles, dans ceux que je ne puis mouvoir, mais qui se meuvent d'eux-mêmes pour m'obéir. Tous mes mouvements sont réglés par une autre sagesse que la mienne, et toutefois sont réglés dans l'ordre de la dépendance qui me les assujettit.

Voyez comme tout le corps est prompt à servir ainsi ma volonté. Ai-je besoin d'agilité pour combattre, de vitesse pour fuir, de force pour repousser ou soulever un obstacle, mon sang s'émeut, mes membres se roidissent ou se précipitent, mes muscles sont des leviers. Je n'ai pourtant pas commandé à mes organes. Et comment pourrais-je commander au cœur de s'échauffer, de battre mon sang, de lui donner plus de vie? comment ma volonté donnerait-elle à mes nerfs une activité nouvelle, et à mes muscles une force inconnue? Je suis impuissant à remuer ces ressorts, aussi ils partent sans que j'aie parlé. Quelle est donc la force qui les pousse? quel est cet instinct qui les presse d'aller au-devant de ma pensée ? Que voit la physiologie dans ce mystère? a-t-elle expliqué cette concordance de ma volonté et de mes mouvements, de ma volonté qui n'agit point, et de mes mouvements qui exécutent sans obéir ? O Dieu! qu'est-ce que tout ce prodige? et quelle raison pourra jamais le comprendre ?

Pourquoi presser encore la physiologie par des questions semblables? Il en resterait d'infinies sur la nature de l'homme, sur la merveille de sa reproduction, sur la transmission de la vie. Le philosophe a beau faire, il vient se perdre dans ces profondeurs. « Quelque hypothèse qu'on adopte, dit Cabanis, sur la génération des corps vivants (dont, au reste, les mystères ne sont éclaircis par aucune de celles qu'ont imaginées jusqu'à ce jour les hommes les plus distingués par leur génie), il est assez difficile de concevoir que les organes de l'individu soient déjà tout formés dans les matériaux sensibles, nécessaires à leur production, ou dans le pre

mier berceau que la nature leur a préparé pour le développement et l'essai de leur vie encore incertaine '. » L'hypothèse physiologique qui assimile la reproduction de l'homme à celle des ovipares, n'est pas un remède à ces obscurités; « et l'on ne peut guère mieux comprendre, dit encore Cabanis, que l'embryon, dans quelque état de rapetissement qu'on le suppose, existe avec tous les organes qu'il doit avoir un jour. » Ce qui surpasse surtout l'entendement humain, c'est l'identité de l'homme au moment de sa pro pre existence, dans ce rapetissement extrême dont parle la science, et de l'homme parvenu à ses derniers développements par des variations successives de chaque moment. Quelle est la raison capable de concevoir ce qu'il y a de réel dans cette identité? Le sentiment intime l'adopte, sans doute, avec force, et la conscience se soulèverait si on essayait de lui arracher une telle conviction. Mais, encore une fois, l'esprit n'en comprend pas le prodige.

Après cela, on peut encore considérer comme inexplicables une foule de bizarreries qui se rencontrent dans la nature des êtres. « La connaissance des causes finales, dit un illustre physicien déjà cité, surpasse la faible portée de l'esprit humain, parce que chaques choses ont des rapports entre elles, comme il paraît manifestement par les effets qui en résultent; et ces rapports ainsi que les fins pour lesquelles ils sont établis échappent à notre sagacité. On remarque, par exemple, dans l'homme des organes qui ne se développent qu'avec le temps: la barbe ne croît au menton qu'à un certain âge; la voix ne se forme et ne devient mâle qu'après un certain nombre d'années ; il est un temps où l'habitude du corps prend une nouvelle forme, où les forces du corps augmentent, ainsi que celles de l'esprit, le caractère change, la gaieté naît avec l'âge, la légèreté s'évanouit; il en est de même de quantités de phénomènes qui accompagnent la succession des années. Or, les différents organes d'où dépendent tous ces effets n'existent pas avant la maturité; on remarque que leurs effets ne se manifestent pas encore; on ne voit point croître de barbe à un enfant; sa voix, son corps, son caractère, tout est chez lui efféminé; la tristesse, la mauvaise humeur, la légèreté sont pour l'ordinaire son apanage. Or, qui pourra connaître la connexion qui est entre ces organes et les effets qui en résultent? qui pourra indiquer pour quelles fins toutes ces choses ont été créées 2? »

Lettre posthume de Cabanis, sur les causes premières, 1824. * Muschenbroek, Cours de phys. exp. et math., ch. 1.

Reconnaissons, par de tels aveux, que tout est couvert d'obscurités dans l'étude de l'homme. Quel abîme donc que cette science! quel profond sujet d'admiration, quels motifs de s'abaisser et de courber son front dans la poussière! on se soulève quelquefois contre les mystères de la religion : vit-on jamais des mystères si variés et des merveilles si impénétrables!

V. Du mécanisme des sensations et de l'action du cerveau ou d'un organe quelconque dans ce mécanisme.

ainsi

Élevons-nous vers un autre ordre de contemplations. L'homme, que nous l'avons dit, sent qu'il vit, et la physiologie s'épuise en efforts pour montrer d'abord comment il éprouve cette sensation, ensuite comment la sensation devient le sentiment du moi, et enfin comment elle se modifie par la réflexion et se transforme en idée. Il n'est point dans notre objet de renverser ici les systèmes physiologiques qui s'appuient sur ces sortes d'expériences. Nous allons même, si l'on veut, supposer que c'est par ces gradations que l'homme arrive à former son intelligence. Mais nous voulons demander à la science si elle comprend bien cette marche de la nature. « Le cerveau, dit-on, convertit en sensations les impressions reçues par les nerfs des organes des sens.» « Je demanderai toujours, répond le docte M. Bérard, comment une impression reçue dans une extrémité nerveuse devient-elle sensation dans le cerveau? » Que cela se passe ainsi, on peut le dire, si on le croit; et Bossuet même avait adopté cette doctrine physiologique, pour l'explication de ce qu'il y a de purement matériel dans le mécanisme de la machine humaine '. Mais jamais on ne dira le rapport qu'il peut y avoir entre deux effets si distincts; cela n'entre pas dans la raison.

» Cabanis et d'autres physiologistes également téméraires ont affirmé que le cerveau fait des idées avec des sensations, comme l'estomac fait du chyle avec les aliments, et qu'ainsi la pensée est une véritable digestion 2. Que cette physiologie brutale soit conforme à la vérité, je leur en accorde la supposition. Ces grands scrutateurs de la nature ont-ils donc vu comment quelque chose de purement intellectuel peut provenir d'une sensation matérielle? Se comprennent-ils bien eux-mêmes, et ne s'aperçoivent-ils pas qu'ils proposent à notre croyance la chose la plus profondément

Voyez le Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même. 2 Bérard, pag. 260.

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