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de la cosmogonie biblique. C'était donc l'ébauche de l'explication philosophique qui était en désaccord avec la croyance religieuse; une conviction mieux fondée conduit au même but que la foi, en sorte que les naturalistes les plus clairvoyants, s'ils ne reconnaissent point encore dans Moïse l'inspiration divine, admirent déjà le génię profond et la sagesse admirable de ce prodigieux personnage. Pour la théologie naturelle, vous trouvez à toutes les pages de l'Ancien et du Nouveau Testament la notion la plus parfaite de la Divinité. Dieu est celui qui est, nul ne peut être semblable à lui; c'est pourquoi il n'y a qu'un Dieu, et tout ce qui prend son nom commet une usurpation sacrilége. Il est un esprit éternel, infiniment puissant, sage, juste, bon et miséricordieux; il sait tout, il voit tout, il est partout, il gouverne tout. Voilà ce premier être dont la notion était si défigurée par le polythéisme, cet être que la philosophie cherchait, auquel elle était forcée de remonter pour expliquer le monde visible, et qu'elle n'osait pas toutefois glorifier en présence des peuples. En comparaison de ce langage magnifique de la Bible, où la connaissance de Dieu nous apparaît environnée des pompes de l'éloquence et de la poésie, combien est petit et vain le langage des philosophes! ceux-ci marchent à tâtons, ils cherchent, ils osent à peine présenter leurs pensées sous le voile de l'allégorie et du système. On voit en eux la raison souffrante qui a besoin de remonter à son auteur, mais qui n'a pas la force de percer le nuage épais que les préjugés forment autour d'elle. L'Ecriture affirme sans hésitations et sans détours, elle enseigne, elle perce de ses traits rayonnants les intelligences; elle triomphe en donnant la vie aux savants et aux ignorants. Lorsque cette philosophie sublime se fait entendre, on reconnaît la voix de celui que Platon appelait au secours de la raison impuissante, et l'on est contraint d'avouer que la sagesse antique n'était que le piédestal de l'Evangile. Ainsi, relativement à la connaissance de Dieu, la religion se concilie fort bien avec la plus saine philosophie, ou, pour mieux dire, elle est la philosophie élevée à sa plus haute puissance et dégagée de tout ce qu'elle renfermait de faux et d'incertain.

Nous pouvons en dire autant de la psychologie. L'existence, de l'âme, sa distinction d'avec le corps, son libre arbitre, sa destinée future, ce sont là assurément des vérités capitales que la raison peut démontrer, contre les matérialistes et les fatalistes, par l'ob servation des faits internes de la conscience humaine. C'est ce que firent dans tous les temps les philosophes spiritualistes; c'est ce que fait de nos jours l'école éclectique, d'accord en cela avec l'école catholique, pour achever d'ensevelir dans l'oubli le sen

sualisme du siècle précédent. Or, consultez à cet égard l'enseignement de la religion; vous y trouverez l'origine de l'âme dans le souffle de la Divinité; métaphore sublime qui nous explique comment cet être spirituel, essentiellement distinct du corps, est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et doué comme lui de la triple faculté de penser, de vouloir et d'agir. Vous y trouverez le libre arbitre, sans lequel l'homme serait une machine soumise à des mouvements nécessaires, et incapable de bien et de mal moral. Vous y trouverez la destinée à venir de cette âme qui, en sortant du corps, va recevoir le prix de ses vertus, ou le châtiment de ses crimes. Vous y trouverez, en un mot, tout ce qui fait la dignité humaine, exposé avec cette simplicité qui éclaire les esprits les plus vulgaires, et cette grandeur qui subjugue les intelligences les plus élevées. L'enseignement religieux, tel qu'il se produit par le christianisme, explique donc l'homme, comme il explique Dieu, comme il explique l'univers. Il est donc la plus belle et la plus haute philosophie, et il résout de la manière la plus satisfaisante les problèmes immenses que la raison a posés dès le

commencement.

La morale a fixé aussi l'attention des philosophes. En observant le bien et le mal qui sont en nous, les nobles penchants qui portent à la vertu, et les penchants dépravés qui entraînent au crime, les esprits attentifs ont été frappés de cet antagonisme dont le cœur humain est le théâtre. Ils ont cherché à nous en donner l'explication par le tempérament, par l'influence des astres, par le climat, par les habitudes privées et sociales. L'un a assuré que l'homme naît tout méchant; l'autre, qu'il naît tout bon, et que la société le déprave. De toutes ces recherches sont résultées des hypothèses contradictoires et des incertitudes sur un point qui est néanmoins bien digne de fixer l'attention du sage. D'un autre côté les croyances de tous les peuples ont supposé un état antérieur à celui dans lequel nous sommes, un áge d'or, où la vertu rẻgnait avec le bonheur.

Eh bien! ce fait incontestable de la coexistence du bien et du mal dans l'âme humaine, ainsi que les croyances relatives à l'état antérieur d'innocence et de félicité, nous en trouvons l'explication, la raison philosophique, dans l'enseignement chrétien qui nous apprend la déchéance originelle de tous dans la personne d'un seul, en sorte que la force morale de l'homme pour le bien se trouve non pas anéantie, mais considérablement diminuée et contrebalancée par les penchants ignobles de la nature. On aura beau s'agiter en tous sens, on trouvera toujours que si la dégradation

primitive est un mystère incompréhensible, l'état actuel de l'humanité est, sans cela, encore plus incompréhensible et plus inexplicable.

Si de la morale d'observation, nous passons à la morale de principe, nous entendrons la philosophie demander pourquoi il y a des choses bonnes et des choses mauvaises. Les uns en ont donné différentes raisons, les autres ont trouvé toutes ces raisons faibles, et, au lieu d'expliquer, ils ont nié la distinction du bien et du mal. Ce dernier système est assurément ce qu'il y a de plus méprisable et de plus désastreux. Ce système moral serait, comme nous l'avons dit, le tombeau du genre humain. C'est pourquoi tout ce qu'il y a jamais eu d'hommes de cœur se sont ligués pour défendre les principes de justice et de vertu déposés dans la conscience des peuples.

Cependant la religion seule peut nous donner la raison, ou l'explication de la loi morale, en nous faisant remonter jusqu'à la volonté souveraine de Dieu qui approuve le bien et proscrit le mal, parce qu'elle maintient l'ordre qu'elle a établi entre les êtres intelligents et libres. Sortez de là, vous serez obligé d'accepter le fait sans pouvoir en connaître la cause, ou bien vous chercherez vainement cette cause de l'ordre moral, dans les conventions arbitraires des hommes, dans ce qu'on appelle la raison générale, ou dans l'autorité des législateurs. Voilà donc encore la philosophie qui aboutit à la religion, ou, pour mieux dire, voilà la religion qui nous apparaît comme la vraie philosophie.

Enfin, la constitution naturelle des sociétés humaines a présenté de tout temps des problèmes redoutables. Expliquer les bases sur lesquelles repose le pouvoir, déterminer les limites de ses droits, concilier le devoir de l'obéissance avec le principe de la liberté, etc..., voilà quelques-unes des questions capitales qui se rattachent à l'existence de la société. Les philosophes de l'antiquité se livrèrent à l'étude de ces objets, compris sous le nom général de politique. Plusieurs d'entre eux, tels que Lycurgue et Solon, furent des législateurs. D'autres ont laissé par écrit le résultat de leurs méditations sur le pouvoir, sur les différentes formes de gouvernement, sur la liberté, sur les lois, sur la paix et sur la guerre.

Mais, malgré les louables efforts de la raison, malgré les pages admirables d'un Platon, d'un Aristote, d'un Cicéron, etc., on doit convenir que l'explication philosophique de l'ordre social en était encore à ses premiers rudiments lorsque le christianisme vint la compléter et la réaliser dans le monde. La confusion du pouvoir

spirituel et de la puissance temporelle ', l'esclavage établi partout, le droit de vie et de mort accordé aux maîtres sur leurs esclaves, et aux pères sur leurs enfants, la coutume d'exterminer les nations vaincues, et bien d'autres désordres encore, n'avaient pas trouvé de contradicteurs parmi les philosophes. La raison, laissée à ellemême, n'avait pu s'élever jusqu'à concevoir le plan universel de réforme sociale qu'elle admira, qu'elle adopta, qu'elle démontra, quand la religion le lui eut enseigné.

Depuis lors, la philosophie sociale, identifiée avec l'enseignement chrétien, fit les prodiges que tout le monde sait. Et quand cette philosophie se crut assez forte pour répudier la religion et marcher par des routes nouvelles, afin d'élever les peuples à une perfection et à une félicité inconnues jusqu'alors, elle prit pour point de départ, au mépris de tous les faits, le prétendu état de nature, et obtint pour résultat logique le bouleversement des nations et une anarchie sanglante.

Ainsi, je le répète, la religion nous donne les vraies explications, cherchées si longtemps, et trouvées d'une manière bien imparfaite par la philosophie, sur le monde, sur Dieu, sur l'âme de l'homme, sur la morale et sur la constitution des sociétés humaines. Qui pourrait donc empêcher la religion de se concilier avec la philosophie? qui pourrait empêcher le chrétien d'être philosophe, ou le philosophe d'être chrétien? La religion donne par voie d'enseignement les explications importantes que la philosophie cherche par voie de raisonnement. Où est la contradiction? on parvient au même but par deux chemins divers, par la foi qui enseigne et par la raison qui démontre; la raison sait qu'elle a besoin d'un appui, que quand elle s'est isolée de la religion elle a été conduite à des spéculations chimériques, et que quand elle est restée unie à la religion, elle a brillé d'un éclat immortel. La religion, de son côté, ne repousse pas les conceptions scientifiques; elle aime qu'on explique tout ce qui est explicable; elle aime qu'on recherche les faits de la nature et de l'histoire, qu'on examine les traditions, les coutumes, les institutions des peuples, pour en tirer des conséquences qui tôt ou tard confirment ses enseignements. Elle s'envi

'Les esprits bornés ont beaucoup loué Henri VIII d'avoir rétabli cet état de choses au XVIe siècle, et se sont extasiés sur le grand progrès intellectuel que l'Angleterre fit en soumettant ses croyances et ses pratiques religieuses au jugement de ses rois et de ses reines. Or, ce fut là simplement un retour au despotisme exorbitant dont jouissaient les empereurs romains sous le paganisme. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que cette révolution religieuse s'opéra au nom de la liberté de conscience.

ronne avec un noble orgueil des travaux et des découvertes de ces grands philosophes en qui résidait la foi avec la conviction : elle oppose leur science véritable à la science fausse ou incomplète de ceux qui la combattent; et ce qu'il y a de remarquable, c'est que toute philosophie qui mérite bien de la religion, mérite bien de l'humanité.

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Melchior Canus, l'un des écrivains les plus savants et les plus élégants de l'école catholique, a examiné au livre IX de son Traité des lieux théologiques', de quelle importance est la philosophie dans l'étude et l'enseignement de la religion. Il passe en revue et réfute deux opinions également exagérées : l'une, qui n'accorde de force qu'aux raisonnements philosophiques, et qui néglige l'usage de l'Ecriture et de la tradition; l'autre, qui n'admet que les témoignages de l'Ecriture et des anciens écrivains, et rejette tous les arguments naturels comme s'ils étaient ennemis de la théologie.

En parlant des partisans de la première opinion, il les compare à ceux dont parle Eusèbe2, qui, lorsqu'on traitait devant eux quelque sujet d'après les saintes Ecritures, examinaient uniquement à quelle espèce de syllogisme on pouvait le rapporter. Il dit que, de son temps, il y avait au sein des Académies un grand nombre de docteurs qui traitaient presque toutes les questions théologiques par des raisonnements sophistiques et pleins d'inepties. « Je ne puis, ajoute-t-il, le dire sans verser des larmes, le démon a fait en sorte qu'à l'époque où les théologiens de l'école devaient être munis d'armes solides pour repousser les hérésies qui s'élançaient du fond de la Germanie, ils n'eussent, pour défendre la foi, que de longs roseaux, armes légères à l'usage des enfants. C'est pourquoi ces hommes, qui n'avaient de la théologie que le nom, combattirent avec désavantage les ennemis de l'Eglise. Depuis longtemps ils mettaient leur esprit à la torture pour l'exercer dans l'art du so phisme; c'est pourquoi, lorsqu'ils abordaient la théologie, ils n'en poursuivaient-que l'ombre et la fumée. » Ce docte personnage conclut qu'il ne faut pas enchaîner les dogmes de la foi dans les raisonnements humains; que la théologie proprement dite découle de l'autorité divine, et qu'on lui ôte sa force, son autorité, son être même, lorsqu'on traite des objets qu'elle enseigne sans connaître les livres sacrés, les traditions apostoliques, les décrets des con ciles et les témoignages des anciens Pères.

Mais il repousse aussi l'excès opposé des adversaires de la phi

1 Melchioris Cani, de Locis theologicis libri duodecim; Cologne, 1605. 2 Hist. eccl., lib. V, cap. ultimo.

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