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NOTICE Sur Velleius Paterculus, extraite de l'Histoire abrégée de la littérature romaine, par F. SCHOELL.

Nous n'avons sur la vie de Velleius Paterculus que les notions qu'il nous fournit lui-même; car, ce qui est assez singulier, aucun écrivain ancien n'en a parlé. On croit pouvoir fixer l'année de sa naissance à la dix-neuvième avant J.-C., la même où mourut Virgile. Dans sa jeunesse, il parcourut, avec Caïus César, une partie de l'Orient. Auguste le nomma, à l'âge de vingt-un ans, préfet de la cavalerie; en cette qualité, et ensuite comme questeur et lieutenant, il suivit Tibère dans ses expéditions en Germanie, en Pannonie et en Dalmatie, et fut, pendant dix-neuf ans, son compagnon d'armes et le témoin de ses exploits. Il retourna à Rome avec Tibère, et fut nommé préteur l'année de la mort d'Auguste. Seize ans après, lorsque M. Vinicius fut consul, il composa ou acheva son ouvrage historique. Il paraît que l'année suivante, trente-un ans après J.-C., il fut impliqué dans la disgrâce de Séjan, son protecteur, et mis à mort avec tous les amis de ce favori.

L'ouvrage qu'il nous a laissé est intitulé Historia romana; mais il est possible que ce titre y ait été mis par les copistes. Le commencement de l'ouvrage manque entièrement, de manière que nous ignorons quel était le plan de l'auteur; il paraît qu'il a voulu donner un précis de l'histoire universelle, renfermant ce qui pou

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EXTRAIT DE L'HISTOIRE ABRÉGÉE

vait surtout intéresser les Romains. Dans le premier fragment, il est question de la Grèce, de l'empire d'Assyrie et du royaume de Macédoine; après cela, il y a une lacune qui s'étend sur les cinq cent quatre-vingt-deux premières années de Rome. Le reste du premier livre et le second que nous avons en entier, ou peut-être à quelques lignes près, donnent l'histoire de Rome jusqu'à l'an 30 après J.-C. C'est un précis rapide qui ne s'arrête qu'aux masses, sans entrer dans les détails; c'est un tableau des temps et des circonstances plutôt qu'une narration des évènemens. Velleius se fixe aux résultats, et ne dit de ce qui les a amenés, qu'autant qu'il le faut pour les faire connaître et juger. Il aime à développer et à peindre les caractères des principaux acteurs, et son ouvrage est riche en portraits tracés de main de maître. Il renferme aussi un grand nombre d'observations politiques et morales, fruit des réflexions de l'auteur, et de l'expérience qu'il avait recueillie de ses voyages. Il s'y montre le vengeur de la vertu et l'ami de son pays, sans que ce sentiment le rende partial envers les ennemis de sa patrie. Dans son style, il imite la manière concise et énergique de Salluste; sa diction est pure et élégante, sans être tout-à-fait exempte de quelque affectation, qui se montre dans la recherche des archaïsmes, et dans l'usage un peu trop fréquent des sentences morales et des figures de rhétorique. On y trouve aussi quelques hellénismes.

On fait à Velleius un reproche bien grave, celui d'avoir flatté Auguste et Livie, mais surtout Tibère et Séjan : il exagère, dit-on, les exploits de Tibère; il cache ses

s'il ne peut

crimes et ceux de son favori, ou, les passer entièrement sous silence, il sait les placer dans l'ombre et les faire paraître moins odieux. On ne saurait nier qu'on est affecté d'un sentiment douloureux, lorsque, après s'être abandonné aux émotions nobles et vertueuses qu'inspire la lecture des premières pages de l'Histoire de Velleius, on le voit décheoir jusqu'au rôle d'un adulateur de Tibère. On voudrait trouver des motifs pour justifier un auteur qu'on a appris à aimer : en vain fait-on valoir le misérable état dans lequel se trouvait ce manuscrit unique, par lequel nous connaissons son livre, pour mettre sur le compte des copistes quelques pages altérées, et qui expriment le dévouement de l'auteur pour Tibère en admettant jusqu'à un certain point ces altérations, elles ne suffisent pas pour sa justification. Cependant quelques circonstances se réunissent pour excuser les témoignages d'approbation que Velleius donne à son maître. Nous ne dirons pas, pour en diminuer le blâme, que Velleius écrivit au milieu d'une cour et sur des évènemens dont les acteurs, vivant encore revêtus de la puissance, ne pouvaient supporter la vérité; une pareille excuse serait trop commode pour ces vils flatteurs qui entourent les trônes, et dont le servile dévouement voudrait diminuer la terreur salutaire que l'idée de la postérité doit inspirer aux princes. Mais nous dirons que tel est l'ascendant de la puissance suprême, qu'on a vu, dans tous les temps, des hommes de mérite, des hommes vertueux, se faire illusion sur les défauts et sur les vices des grands, et s'attacher à eux avec tout le dévouement que la vertu seule est digne d'inspirer. Ti

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bère n'était certainement pas sans de grandes qualités; Velleius, dont il avait fait la fortune, qui avait été le témoin de ses exploits militaires, et qui y avait pris part lui-même, pouvait juger ce prince avec une prévention que n'a pas partagée l'impartiale postérité, cette Némésis impitoyable à laquelle les méchans n'échappent jamais; le dévouement de Velleius pour la personne de Tibère, son bienfaiteur, pouvait l'aveugler sur les défauts de ce prince, et les faire paraître excusables à ses yeux. Ce qui vient à l'appui de cette supposition, c'est que le caractère tyrannique de Tibère ne se développa dans toute sa force qu'après la mort de Séjan, et, par conséquent, dans des circonstances dont Velleius n'a pas été témoin. Si ce prince était mort avant la seizième année de son règne, Tacite, dont le génie sublime, éclairé par les évènemens des dernières années du règne de ce prince, a deviné les secrets mouvemens qui troublaient l'âme de ce tyran, aurait peut-être balancé à lui assigner un rang dans la classe des monstres qui ont affligé l'humanité. Convenons aussi que ce sont souvent les peuples qui font les mauvais princes. En lisant les pages de Tacite, on est incertain sur ce que l'on doit détester davantage, de la bassesse du sénat ou de la méchanceté du prince. Comment celui-ci n'aurait-il pas méprisé un corps auquel aucune adulation ne paraissait trop forte, et qui poussa l'avilissement jusqu'à faire la cour au maître, en feignant de se plaindre de lui? Velleius loue le bien que Tibère a fait; il exagère son mérite; il traite avec indulgence ses défauts mais il ne pousse pas la flatterie ou l'aveuglement jusqu'à altérer la vérité, au point de dire des choses

fausses et controuvées. Ce serait donc à tort, qu'à cause d'un faible dont les admirateurs de Velleius sont obligés de convenir, des juges trop sévères voudraient lui assigner un rang parmi les historiens qui ne méritent pas de confiance. Il est impartial dans le récit de tous les événemens dont il n'avait pas été le témoin; quant à ceux qui se sont passés sous ses yeux, on peut demander quel écrivain, qui a parlé de l'histoire de son temps, est entièrement exempt du reproche de partialité.

Sans vouloir diminuer l'horreur que doit inspirer à toute âme honnête un caractère tel que celui de Tibère, nous ajouterons ici quelques réflexions d'un philologue célèbre, M. Jacobs, professeur à Gotha.

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d'un

«Il me paraît, dit-il, qu'on peut supposer que Velleius jugea le caractère de Tibère du même point de vue d'où le voyaient beaucoup de citoyens paisibles du temps, qui n'examinaient et ne pesaient pas avec les juge sévère chacune de ses actions, et qui ne pouvaient pas prévoir les évènemens des dernières années de son règne. La conduite de Tibère avait, il faut en convenir, une certaine apparence de popularité : il avait eu l'air de ne se charger du gouvernement qu'à regret, et, pour ainsi dire, en cédant à la violence. Des honneurs multipliés qu'on lui décerna, il n'accepta qu'un petit nombre des moins exagérés. Il ne fut consul que trois fois, et toujours pendant peu de temps. Il témoigna de l'horreur pour toute adulation, et fut le premier à montrer du mépris aux sénateurs qui dégradaient leur dignité. Il ne punissait pas le blâme de sa personne, ni même la satire, parce que, disait-il, la pensée et les paroles étaient li

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