les Romains à dépouiller indistinctement les édifices sacrés et profanes, cupidité qui étendit enfin une main sacrilège jusque sur les dieux de Rome, et d'abord sur le temple même que Marcellus avait si magnifiquement décoré. En effet, les étrangers venaient visiter les temples dédiés par Marcellus, près de la porte Capène, à cause des merveilles dont il reste à peine aujourd'hui quelques vestiges. Marcellus reçut des députations de presque toutes les cités de la Sicile : la cause de chacune était différente; chacune aussi eut un sort différent. Les peuples qui, avant la prise de Syracuse, ou n'avaient point abandonné les Romains, ou étaient rentrés dans leur alliance, furent accueillis et traités comme des alliés fidèles : ceux que la crainte avait depuis forcés de se rendre, reçurent, comme des vaincus, la loi des vainqueurs. Il restait encore aux Romains, dans les environs d'Agrigente, plus d'un ennemi à combattre; surtout Épicyde, Hannon qui avaient commandé dans la campagne précédente, et un troisième chef qu'Annibal avait envoyé remplacer Hippocrate. C'était un Libyphénicien, né à Hippone, appelé Mutine par ses compatriotes, homme actif, et qui avait eu Annibal pour maître dans l'art de la guerre. Épicyde et Hannon lui donnèrent le commandement des Numides auxiliaires, avec lesquels il ravagea le territoire des ennemis, obligea les alliés à tenir leurs sermens de fidélité, et vint à propos au secours de chacun d'eux, en sorte que bientôt il remplit toute la Sicile du bruit de son nom, et qu'il devint la plus grande espérance de ceux qui favorisaient les Carthaginois. Aussi, les deux généraux, qui jusqu'alors s'étaient tenus renfermés dans Agrigente, enhardis par les conseils de Mutine, et plus encore par ses succès, ad Himeram amnem posuerunt castra. Quod ubi perlatum ad Marcellum est, extemplo copias movit; et ab hoste quatuor ferme millium intervallo consedit, quid agerent pararentve exspectaturus. Sed nullum neque locum, neque tempus cunctationi consiliove dedit Mutines, transgressus amnem, ac stationibus hostium cum ingenti terrore ac tumultu invectus. Postero die, prope justo prœlio compulit hostem intra munimenta; inde revocatus seditione Numidarum in castris facta, quum trecenti ferme eorum Heracleam Minoam concessissent, ad mitigandos revocandosque eos profectus, magnopere monuisse duces dicitur, ne, absente se, cum hoste manus consererent. Id ambo ægre passi duces, magis Hanno, jam ante anxius gloria ejus : « Mutinem sibi modum facere, degenerem Afrum imperatori carthaginiensi, misso ab senatu populoque. » Is perpulit cunctantem Epicyden, ut, transgressi flumen, in aciem exirent; nam si Mutinem opperirentur et secunda pugnæ fortuna evenisset, haud dubie Mutinis gloriam fore. XLI. Enimvero indignum ratus Marcellus se, qui Annibalem subnixum victoria cannensi ab Nola repulisset, his terra marique victis ab se hostibus cedere, arma propere capere milites, et efferri signa jubet. Instruenti exercitum decem effusis equis advolant ex hostium acie Numidæ, nunciantes, populares suos, primum osèrent sortir de la ville, et vinrent camper auprès du fleuve Himera. A cette nouvelle, Marcellus se mit aussitôt en marche; il s'arrêta à peu près à quatre milles de l'ennemi, afin d'observer leurs mouvemens et leurs projets. Mutine, sans lui laisser le temps de la réflexion, passe le fleuve sans hésiter, attaque les postes avancés, et répand partout le tumulte et l'effroi. Le lendemain, dans un combat presque régulier, il refoule l'ennemi jusque dans ses retranchemens. Rappelé dans son camp par une sédition des Numides, qui vient d'éclater, il apprend que trois cents d'entre eux à peu près se sont retirés à Héraclée Minoa; il part pour calmer les furieux et les faire revenir sous leurs drapeaux; il recommande expressément à ses collègues de ne pas en venir aux mains avec l'ennemi, pendant son absence. Cette injonction les offensa tous deux, Hannon surtout, jaloux depuis long-temps de la gloire de Mutine : « Un Africain dégénéré prétendait lui dicter des lois, à lui général Carthaginois, à lui qui avait mission du sénat et du peuple. Il détermine Épicyde, qui résiste faiblement, à passer le fleuve et à présenter la bataille. Attendre Mutine, c'était, en cas de réussite, lui laisser indubitablement tout l'honneur du triomphe. XLI. Marcellus, qui se souvenait d'avoir repoussé des murs de Nole Annibal tout fier de sa victoire de Cannes, crut indigne de céder à des ennemis qu'il avait vaincus sur terre et sur mer; il ordonna donc à ses soldats de s'armer à la hâte et de s'avancer enseignes déployées. Tandis qu'il les range en bataille, dix Numides accourent à toute bride, de l'armée ennemie, lui an ea seditione motos, qua trecenti ex numero suo concesserint Heracleam, dein quod præfectum suum ab obtrectantibus ducibus gloriæ ejus, sub ipsam certaminis diem, ablegatum videant, quieturos in pugna. Gens fallax promissi fidem præstitit; itaque et Romanis crevit animus, nuncio celeri per ordines misso, destitutum ab equite hostem esse, quem maxime timuerant: et territi hostes, præterquam quod maxima parte virium suarum non juvabantur, timore etiam incusso, ne ab suo et ipsi equite obpugnarentur. Itaque haud magni certaminis fuit; primus clamor atque inpetus rem decrevit. Numidæ, quum in concursu quieti stetissent in cornibus, ut terga dantes suos viderunt, fugæ tantum parumper comites facti, postquam omnes Agrigentum trepido agmine petentes viderunt, ipsi metu obsidionis passim in civitates proximas dilapsi. Multa millia hominum cæsa captaque, et octo elephanti. Hæc ultima in Sicilia Marcelli pugna fuit; victor inde Syracusas rediit. Jam ferme in exitu annus erat; itaque senatus Romæ decrevit, ut P. Cornelius prætor litteras Capuam ad consules mitteret ; dum Annibal procul abesset, nec ulla magni discriminis res ad Capuam gereretur, alter eorum, si ita videretur, ad magistratus subrogandos Romam veniret. Litteris acceptis, inter se consules compararunt, Claudius comitia perficeret, Fulvius ad Capuam mane ut noncer que leurs compatriotes, d'abord animés du même esprit d'insurrection qui en a déjà fait retirer trois cents d'entre eux à Héraclée, et mécontens de voir leur chef éloigné au moment du combat par la jalousie de ses collègues, ne prendront aucune part à l'action. Cette nation perfide tint parole cette fois. Ainsi les Romains sentirent leur ardeur s'accroître à la nouvelle, qu'on fit aussitôt circuler de rang en rang, que l'ennemi était abandonné de la cavalerie qui le rendait si redoutable; et la terreur glaça les Carthaginois, parce qu'ils étaient privés de la plus grande partie de leurs forces, et en péril d'être attaqués eux-mêmes par leurs Numides. Aussi le combat ne fut pas long; le premier cri, le premier choc décidèrent le succès. Les Numides, pendant l'engagement, se tinrent tranquilles sur les ailes, et, au commencement de la déroute de l'armée carthaginoise, l'accompagnèrent quelque temps dans sa fuite; mais lorsqu'ils la virent gagner précipitamment Agrigente, dans la crainte d'avoir un siège à soutenir, ils se répandirent çà et là dans les villes voisines. On prit et l'on tua plusieurs milliers d'hommes, ainsi que huit éléphans. Tel fut le dernier exploit de Marcellus en Sicile; le vainqueur rentra ensuite à Syracuse. On touchait à la fin de l'année; un décret du sénat de Rome chargea le préteur P. Cornelius d'écrire aux consuls, alors devant Capoue, que, vu l'éloignement d'Annibal, et le de danger que courait l'armée de siège, l'un d'eux pouvait venir à Rome, pour l'élection des nouveaux magistrats. Au reçu de cette lettre, ils décidèrent entre eux que Claudius irait présider les comices, et que Fulvius resterait devant Capoue. Claudius nomma consuls Cn. Fulvius Centumalus et P. Sulpicius Galba, fils de Servius, peu |