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d'après le mot par lequel elle commence) qui a été ajoutée sur une place restée disponible du verso de la table V. L'état de conservation de ces plaques ne laisse rien à désirer. Toutes, excepté III et IV, portent des inscriptions au recto et au verso nous désignons le recto par a, le verso par b.

La première collection épigraphique qui ait publié un spécimen de ces inscriptions' est le recueil dû au savant hollandais Smetius, édité après sa mort par Juste Lipse, en 15882. Il donne les tables IV et VI avec cette mention : « Tabulas hasce ambas Joannes Metellus Burgundus vidit et exscripsit, quas etsi nemo plane intelligit, quia tamen de rebus sacris agere quidam crediderunt, ideo hoc loco ponendas existi-mavi. » Smetius avait joint une transcription de l'alphabet étrusque, autant que les connaissances d'alors le permettaient. En 1601, Gruterre produisit ces deux tables': il ajouta la partie latine de la table V, qu'il tenait de Puteanus (Dupuy) ex Bembi bibliotheca Patavii.

Le premier essai de traduction est dû à l'Italien Bernardino Baldo (1553-1617). Pensant que c'était une chose indigne de son siècle que personne n'eût encore tenté une interprétation, il envoya à Welser, à Augsbourg, qui la publia en 1613, une Divinatio in tabulam æneam Eugubinam lingua Hetrusca veteri perscriptam. Le texte est expliqué au moyen de Bérose et de Caton, d'après Annius de Viterbe. Il ne sera peut-être pas inutile de donner un échantillon de la lecture et de la traduction, pour montrer quelles étaient au commencement les difficultés de la tâche : nous faisons précéder le texte tel qu'il doit être lu (IV, 1).

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1. S'il faut en croire Bernardino Baldo, dont il sera question plus loin, dès la fin du quinzième siècle l'une des tables en écriture étrusque (la table IV) aurait été publiée par le comte Gabriele di Gabrieli. En 1520, l'inscription Claverniur fut éditée dans un ouvrage devenu très-rare, la Vita di S. Ubaldo, data fuori dal Padre Stefano di Cremona, canonico regolare.

2. Inscriptionum antiquarum quæ passim per Europam liber. Lugd. Bat. p. XXXIX.

3. Le Metellus Burgundus dont il est parlé ici est peut-être le même dont il est question dans l'histoire du texte des Agrimensores latins.

4. Inscriptiones antiquæ tot. orb. Rom. in corpus absol. redactæ ingenio ac cura 1. Gruteri, auspic. I. Scaligeri ac M. Velseri. II, p. CXLII sq.

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Richard Simon faisait allusion à cette traduction, quand il parlait dans sa Bibliothèque critique (II, chap. v) « des impertinences que Velserus fait imprimer à Augsbourg. » Après avoir cité quelques étymologies hébraïques de Baldo : « En vérité, ajoute-t-il, il faut avoir l'esprit bien pénétrant, ou plutôt être inspiré, pour voir que ces deux mots sont hébreux. Un Chinois y trouverait plutôt sa langue chinoise qu'un Juif n'y trouvera la langue hébraïque. >>

L'année suivante (1614) vit paraître une traduction non moins extraordinaire: elle venait cette fois des Pays-Bas. Le Hollandais Adrien van Scrieck publia à Ypres un livre sur les origines des peuples de l'Europe, et en particulier des Néerlandais', où il inséra la table VII, qu'il avait reçue, disaitil, à Paris, d'un de ses amis qui l'avait rapportée de Rome. Il y joignit une traduction où l'ombrien est expliqué à l'aide du néerlandais; car c'est le plus ancien monument de la langue belge qu'il reconnaissait dans cette table. Pour donner une idée de cette traduction, il suffira de dire que eno prinuatur (VII a 1) « tum viatores » est rendu par in bring water (qu'il

1. Adriani Scrieckii Rodorni Originum rerumque celticarum et belgicarum libri XXIII.

apporte de l'eau). Le nom de la déesse Çerfa est pris pour le verbe sterben « mourir ».

Ici s'arrêtent, pour un temps, les essais d'interprétation. Aux esprits avisés, le problème paraissait trop difficile. « Pour votre langue étrusque et leurs caractères, écrivait Saumaise à Peiresc, c'est un point où je confesse n'entendre rien du tout. J'y ai voulu souvent bailler des atteintes, mais je n'y ai jamais pu mordre. Je ne sais comment il s'y faut prendre : s'il faut aller de dextre à senestre, ou de senestre à dextre.... Ceux qui ont voulu interpréter ces Tables Eugubines ne me peuvent pas satisfaire. Mettons donc ceci entre les choses que nous ignorons parfaitement. »>

Au dix-huitième siècle, l'interprétation devait être reprise avec un redoublement d'ardeur. Nous rencontrons ici un livre qui exerça une influence considérable sur les esprits; ce n'est pas qu'il fût d'une grande nouveauté : l'auteur, quand son œuvre parut, était mort depuis plus de cent ans. Le savant Écossais Thomas Dempster (1559-1625) appartient au seizième siècle par la date de sa naissance, par son érudition immense et confuse, par son caractère batailleur, par son humeur inquiète et voyageuse. Après avoir professé dans les Pays-Bas, en France, en Angleterre, en Espagne, il fut appelé en Italie par Cosme II de Médicis, et, sur l'invitation de ce prince, il écrivit en 1619 son grand ouvrage De Etruria regali. Ce livre resta manuscrit jusqu'en l'année 1723, où il fut publié avec luxe, à Florence, par les soins de Thomas Coke, comte de Leicester. L'ouvrage était bien tel qu'on pouvait l'attendre d'un homme réputé en son temps pour l'étendue de son savoir comme pour son manque de jugement. Les Étrusques y sont présentés comme le peuple inventeur de tous les arts, de toutes les sciences, de tous les objets utiles à la vie. Ils étaient autrefois les maîtres de l'Italie, et Rome, qui leur arracha la primauté, se para de leur civilisation. Les anciens titres de noblesse des diverses cités de l'Italie étaient énumérés au long par Dempster. Ce qui donna à cette publication une valeur durable, c'est qu'un savant aussi modeste que judicieux, Philippe Bonaruoti, lequel avait été chargé de surveiller l'édition, profita de l'occasion pour y joindre des planches exécutées avec le plus grand soin. Une quantité d'inscriptions et d'antiquités virent le jour pour la première fois. Au nombre des planches figurent les Tables Eugubines, publiées intégralement et avec une correction remarquable pour

l'époque. Bonaruoti se doutait déjà qu'elles n'étaient pas en langue étrusque, mais plutôt en ombrien : il avait remarqué qu'on n'y trouvait aucun de ces noms en al, si fréquents sur les inscriptions de l'Etrurie. « Du reste, ajoute-t-il, qu'elles soient en étrusque ou en ombrien, peu importe, puisqu'on n'entend pas plus l'un que l'autre. » Quant au contenu des Tables, il exprime, mais avec une grande réserve, l'idée que ce sont des traités entre peuples voisins.

Cette prudence ne devait pas être imitée. La publication de Dempster provoqua une quantité de travaux sur les antiquités de l'Italie, et principalement sur la langue et la civilisation étrusques, où le patriotisme eut plus de part que la critique. C'est ce mouvement d'idées qu'un écrivain italien, Tiraboschi, a appelé l'entusiasmo etrusco. Dès l'année 1726, il se fonda dans l'antique ville de Cortone une académie étrusque'. Par leur étendue, comme par la facilité relative de leur déchiffrement, les Tables Eugubines attirèrent particulièrement l'attention, et le principal effort se concentra sur ces inscriptions, dont l'histoire, ainsi que le dit justement Lepsius, semble être devenue à cette époque l'histoire même des études étrusques.

Les principaux érudits qui s'occupèrent des Tables furent le marquis Scipion Maffei (1675-1755), le chevalier et abbé Annibal-Camille degl' Abati Olivieri (1708-1789), l'abbé Giambattista Passeri (1694-1780), A. F. Gori (1691-1757). Parmi ce groupe, un réfugié protestant français, originaire de Nîmes, Louis Bourguet, tient une place importante. A la fois théologien, orientaliste, numismate, géologue, mathématicien, il était en correspondance avec les savants de toute l'Europe. Il donna, sous le pseudonyme de Philalèthe, en 1728, 1732 et 1734, trois lettres ayant rapport aux Tables Eugubines, dans un recueil publié à Genève et intitulé Bibliothèque italique ou Histoire littéraire de l'Italie. Dans la première de ces lettres, qui est adressée à Maffei, il propose une interprétation de la partie en caractères latins de la table V b: nous reproduisons cette interprétation, qui n'est pas longue, parce qu'elle peut ́ être considérée comme un spécimen du genre : « Claverniur

1. Le président portait le titre de Lucumon. Les mémoires de cette académie forment douze volumes in-4°. Saggi di Dissertazioni Accademicche pubblicamente lette nella nobile Accademia etrusca dell' antichissima città di Cortona. Roma, 1735

2. T. III, XIV, XVIII.

Dirsa, frère du pontife Herti (a vendu) une pièce de terre de six vingt pieds en quarré du côté septentrional à Faber Opeter (sous condition) qu'il donnera la Taille de quatre pieds (en quarré) du champ au Berger de Mars; le cens à Homonus Duumvir, pour avoir soin du pur froment. Il donnera aussi VI paniers de froment du grain d'une dizaine de paumes (en quarré) d'au-dessus de la pièce, à Claverniur Dirsa, frère du pontife Herti; il lui donnera aussi dix chèvres et cinq de plus; ensuite il chariera la balle et le cens, et donnera encore VI paniers de froment du champ même à Dirsa, frère du pontife Herti. »

Dans la seconde lettre, il donne de la table VI a une traduction non moins extraordinaire. Denys d'Halicarnasse raconte, d'après Myrsile de Lesbos, au premier livre de ses Antiquités romaines, que les Pélasges sont originaires de la Lydie, et qu'à leur arrivée en Italie ils eurent à souffrir de divers fléaux, tels que stérilité de la terre, guerre, peste, disette. Pour apaiser les dieux, ils leur offrirent les prémices de tout ce qui naîtrait. La table VI, qui est antérieure à la guerre de Troie, nous a conservé le souvenir de ce vœu; c'est un cantique qu'on chantait à plein gosier: de là le nom de carmen orthium ou de litanies pélasges que lui donne Bourguet. Voici un fragment de cette traduction (table VI a, lignes 8 et suiv.): « Le produit des semailles a été renversé et brûlé. Les plus gras pâturages ne seront soutenus que d'un peu de rosée. La nourriture est nuisible. Les veaux qui croissaient sont consumés. Il manque de quoi se rassasier. Les veaux qui croissent ont le corps endommagé et le laboureur est perdu. »

Si ces deux premières lettres ne renferment guère que des rêveries, la troisième fut d'une importance capitale dans l'histoire du déchiffrement. L'auteur, abordant l'étude de l'alphabet étrusque (les tables précédemment expliquées par lui sont en caractères latins), essaye de déterminer la valeur de chaque signe une découverte qu'il venait de faire l'aida singulièrement dans cette tâche. Il avait reconnu que la table VI (en caractères latins) et la table I (en caractères étrusques) donnent le même texte, sauf certains changements et développements dont on pouvait faire abstraction. Il était dès lors beaucoup plus facile d'arriver à une lecture correcte. Bourguet réussit à établir la vraie valeur de la plupart des caractères. Quelques-unes de ses identifications auraient même mérité plus d'attention que les contemporains ne parurent

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