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justice que de lui défendre ce qui est autorisé par le droit des gens; qu'au surplus il allait incessamment envoyer à Rome des ambassadeurs pour donner toutes les explications nécessaires. Là-dessus on se sépara, et les ambassadeurs n'eurent pas la possibilité de conférer avec Adherbal.

XXIII. Dès qu'il les croit sortis de l'Afrique, Jugurtha, désespérant de prendre d'assaut la place de Cirta, à cause de sa position inexpugnable, l'environne d'un mur de circonvallation et d'un fossé, élève des tours, les garnit de soldats, tente jour et nuit les assauts, les surprises, prodigue aux défenseurs de la place les offres ou les menaces, exhorte les siens à redoubler de courage, enfin épuise tous les moyens avec une prodigieuse activité. Adherbal se voit réduit aux plus cruelles extrémités, pressé par un ennemi implacable, sans espoir de secours, manquant de tout, hors d'état de prolonger la guerre. Parmi ceux qui s'étaient réfugiés avec lui dans Cirta, il choisit deux guerriers intrépides, et autant par ses promesses que par la pitié qu'il sait leur inspirer pour son malheur, il les détermine à gagner de nuit le prochain rivage à travers les retranchement ennemis, et à se rendre ensuite à Rome.

XXIV. En peu de jours les Numides accomplissent leur mission; la lettre d'Adherbal fut lue au sénat. En voici le contenu:

« Ce n'est pas ma faute, sénateurs, si j'envoie souvent vous implorer; mais les violences de Jugurtha m'y contraignent: il est si acharné à ma ruine, qu'il méprise la colère des dieux et la vôtre, et qu'il préfère mon sang à tout le reste. Depuis cinq

bono facturum, si ab jure gentium sese prohibuerint: postremo de omnibus rebus legatos Romam brevi missurum. Ita utrique digrediuntur. Adherbalis adpellandi copia non fuit.

XXIII. Jugurtha ubi eos Africa decessisse ratus est, neque, propter loci naturam, Cirtam armis expugnare potest; vallo atque fossa monia circumdat, turres exstruit, easque præsidiis firmat: præterea dies, noctes, aut per vim, aut dolis tentare; defensoribus monium præmia modo, modo formidinem ostentare; suos hortando ad virtutem erigere; prorsus intentus cuncta parare. Adherbal ubi intellegit omnes suas fortunas in extremo sitas, hostem infestum, auxilii spem nullam, penuria rerum bellum trahi non posse; ex his qui una Cirtam profugerant, duos maxume impigros delegit, eos, multa pollicendo, ac miserando casum suum, confirmat uti per hostium munitiones noctu ad proxumum mare, dein Romam pergerent.

XXIV. Numide paucis diebus jussa efficiunt: litteræ Adherbalis in senatu recitatæ, quarum sententia hæc fuit:

«Non mea culpa sæpe ad vos oratum mitto, patres conscripti; sed vis Jugurthæ subigit: quem tanta lubido exstinguendi me invasit, uti neque vos neque deos immortales in animo habeat; sanguinem meum quam omnia malit.

mois je suis assiégé par ses troupes, moi, l'ami et l'allié du peuple romain! Ni les bienfaits de Micipsa mon père, ni vos décrets, ne me protégent contre sa fureur. Pressé par ses armes et par la famine, je ne sais ce que je dois le plus appréhender. Ma situation déplorable m'empêche de vous en écrire davantage au sujet de Jugurtha. Aussi bien ai-je déjà éprouvé qu'on a peu de foi aux paroles des malheureux. Seulement, je n'ai pas de peine à comprendre qu'il porte ses prétentions au delà de ma perte; car il ne peut espérer d'avoir à la fois ma couronne et votre amitié : laquelle des deux lui tient le plus au cœur? C'est ce qu'il ne laisse douteux pour personne. Il a commencé par assassiner mon frère Hiempsal; il m'a chassé ensuite du royaume de mes pères. Sans doute, nos injures personnelles peuvent vous être indifférentes mais c'est votre royaume que ses armes ont envahi; c'est le chef que vous avez donné aux Numides qu'il tient assiégé. Quant aux paroles de vos ambassadeurs, mes périls font assez connaître le cas qu'il peut en faire. Quel moyen reste-t-il, si ce n'est la force de vos armes, pour le faire rentrer dans le devoir? Certes, je voudrais que tout ce que j'allègue dans cette lettre, et tout ce dont je me suis plaint devant le sénat, fussent de vaines chimères, sans que mes malheurs attestassent la vérité de mes paroles; mais, puisque je suis né pour être la preuve éclatante de la scélératesse de Jugurtha, ce n'est plus aux infortunes qui m'accablent que je vous supplie de me soustraire, mais à la puissance de mon ennemi et aux tortures qu'il me prépare. Le royaume de Numidie vous appartient, disposez-en à votre gré; mais, pour ma personne, arrachez-la aux mains impies de Jugurtha. Je

Itaque quintum jam mensem, socius et amicus populi romani, armis obsessus teneor; neque mihi Micipse patris beneficia, neque vestra decreta auxiliantur. Ferro an fame acrius urgear, incertus sum. Plura de Jugurtha scribere dehortatur fortuna mea etiam antea expertus sum parum fidei miseris esse. Nisi tamen intellego illum supra quam ego sum petere, neque simul amicitiam vestram et regnum meum sperare: utrum gravius existumet, nemini occultum est. Nam initio occidit liempsalem fratrem meum; dein patrio regno me expulit. Quæ sane fuerint nostræ injuriæ, nihil ad vos. Verum nunc vestrum regnum armis tenet; me quem imperatorem Numidis posuistis, clausum obsidet: legatorum verba quanti fecerit, pericula mea declarant. Quid reliquum, nisi vis vestra, quo moveri possit? Nam ego quidem vellem, et hæc quæ scribo, et quæ antea in senatu questus sum, vana forent potius, quam miseria mea fidem verbis faceret. Sed quoniam eo natus sum, ut Jugurtha scelerum ostentui essem, non jam mortem neque ærumnas, tantummodo inimici imperiuin et cruciatus corporis deprecor. Regno Numidiæ, quod vestrum est, uti lubet, consulite : me

vous en conjure par la majesté de votre empire, par les saints nœuds de l'amitié, s'il vous reste encore quelque ressouvenir de mon aïeul Masinissa. >>

XXV. Après la lecture de cette lettre, quelques sénateurs furent d'avis d'envoyer aussitôt en Afrique une armée au secours d'Adherbal, et subsidiairement de délibérer sur la désobéissance de Jugurtha envers les commissaires du sénat. Mais les partisans du roi réunirent de nouveau leurs efforts pour faire rejeter le décret; et, comme il arrive dans presque toutes les affaires, le bien général fut sacrifié à l'intérêt particulier.

On envoya toutefois en Afrique une députation d'hommes recommandables par l'âge, par la naissance et par l'éminence des dignités dont ils avaient été revêtus. De ce nombre était M. Scaurus, dont j'ai déjà parlé, consulaire et alors prince du sénat. Ces nouveaux commissaires, cédant à l'indignation publique et aux instances des Numides, s'embarquent au bout de trois jours, el, ayant bientôt abordé à Utique, ils écrivent à Jugurtha de se rendre à l'instant dans la Province romaine; qu'ils étaient envoyés vers lui par le sénat.

En apprenant que des personnages illustres, et dont il connaissait l'immense crédit dans Rome, étaient venus pour traverser son entreprise, Jugurtha, partagé entre la crainte et l'ambition, chancelle pour la première fois dans ses résolutions: il craignait la colère du sénat s'il n'obéissait à ses envoyés; mais son aveugle passion le poussait à consommer son crime. A la fin, le mauvais parti l'emporte dans cette âme ambitieuse. Il déploie son armée tout autour de Cirta, et donne

ex manibus impiis eripite, per majestatem imperii, per amicitiæ fidem, si ulla apud vos memoria remanet avi mei Masinissæ. »

XXV. His litteris recitatis, fuere qui exercitum in Africam mittendum censerent, et quamprimum Adherbali subveniundum; de Jugurtha interim uti consuleretur, quoniam non paruisset legatis. Sed ab iisdem regis fautoribus summa ope enisum ne decretum fieret. Ita bonum publicum, ut in plerisque negotiis solet, privata gratia devictum.

Legantur tamen in Africam majores natu, nobiles, amplis honoribus usi : in quis M. Scaurus, de quo supra memoravimus, consularis, et tum in senatu princeps. Hi, quod in invidia res erat, simul et ab Numidis obsecrati, triduo navim ascendere dein brevi Uticam adpulsi litteras ad Jugurtham mittunt, quam ocissume ad Provinciam accedat; seque ad eum ab senatu missos.

Ille ubi accepit homines claros, quorum auctoritatem Romæ pollere audiverat, contra inceptum suum venisse; primo commotus, metu atque lubidine divorsus agitabatur. Timebat iram senati, ni paruisset legatis porro animus cupidine cæcus ad inceptum scelus rapiebat. Vicit tamen in avido ingenio pravum consilium. Igitur exercitu circumdato, summa vi Cirtam irrumpere nititur,

un assaut général en forçant ainsi la troupe peu nombreuse des assiégés à diviser ses efforts, il se flattait de faire naître par force ou par ruse quelque chance de victoire. L'événement trompa son attente, et il ne put, comme il l'avait espéré, se rendre maître de la personne d'Adherbal avant d'aller trouver les commissaires du sénat. Ne voulant point par de plus longs délais irriter Scaurus, qu'il craignait plus que tous les autres, il se rend dans la Province romaine, suivi de quelques cavaliers. Néanmoins, malgré les menaces terribles qui lui furent faites de la part du sénat, il persista dans son refus de lever le siége. Après bien des paroles inutiles, les députés partirent sans avoir rien obtenu.

XXVI. Dès qu'on fut instruit à Cirta du vain résultat de cette ambassade, les Italiens, dont la valeur faisait la principale défense de la place, s'imaginent qu'en cas de reddition volontaire la grandeur du nom romain garantirait la sûreté de leurs personnes. Ils conseillent donc à Adherbal de se rendre à Jugurtha, avec la ville, en stipulant seulement qu'il aurait la vie sauve, et de se reposer pour le reste sur le sénat. De toutes les déterminations, la dernière qu'aurait prise l'infortuné prince eût été de s'abandonner à la foi de Jugurtha; mais comme, en cas de refus, ceux qui lui donnaient ce conseil avaient le pouvoir de l'y contraindre, il obtempéra à l'avis des Italiens, et se rendit. Jugurtha fait tout aussitôt périr Adherbal au milieu des tortures (12); il fit ensuite passer au fil de l'épée tous les Numides sortis de l'enfance, et les Italiens indistinctement, selon qu'ils se présentaient à ses soldats armés.

XXVII. Cette sanglante catastrophe est bientôt connue à

maxume sperans, diducta manu hostium, aut vi aut dolis sese casum victoriæ inventurum. Quod ubi secus procedit, neque, quod intenderat, efficere potest uti, prius quam legatos conveniret, Adherbalis potiretur; ne, amplius morando, Scaurum, quem plurimum metuebat, incenderet, cum paucis equitibus in Provinciam venit. Ac tametsi senati verbis minæ graves nuntiabantur, quod oppugnatione non desisteret; multa tamen oratione consumta, legati frustra disces

sere.

XXVI. Ea postquam Cirtæ audita sunt, Italici, quorum virtute monia defensabantur, confisi, deditione facta, propter magnitudinem populi romani inviolatos sese fore, Adherbal uadent uti seque et oppidum Jugurthæ tradat : tantum ab eo vitam paciscatur; de ceteris senatui curæ fore. At ille, tametsi omnia potiora fide Jugurthæ rebatur, tamen quia penes eosdem, si advorsaretur, cogendi potestas erat, ita, uti censuerant Italici, deditionem facit. Jugurtha in primis Adherbalem excruciatum necat; dein omnes puberes Numidas, et negotiatores promiscue, uti quisque armatis obvius, interfecit.

XXVII. Quod postquam Romæ cognitum, et res in senatu agitari cœpta, iidem

Rome. Le sénat s'assemble pour en délibérer: on voit encore les mêmes agents de Jugurtha chercher par leurs interruptions, par leur crédit, et même aussi par des querelles, à gagner du temps, à affaiblir l'impression d'un crime si atroce; et si C. Memmius, tribun désigné, homme énergique, ennemi déclaré de la puissance des nobles, n'eût remontré au peuple que ces menées de quelques factieux n'avaient pour but que de procurer l'impunité à Jugurtha, l'indignation se fût sans doute refroidie dans les lenteurs des délibérations: tant avaient de puissance et l'or du Numide et le crédit de ses partisans. Le sénat, qui a la conscience de ses prévarications, craint d'exaspérer le peuple, et, en vertu de la loi Sempronia (15), il assigne aux consuls de l'année suivante les provinces d'Italie et de Numidie. Ces consuls furent P. Scipion Nasica et L. Bestia Calpurnius. Le premier eut pour département l'Italie; la Numidie échut au second. On leva ensuite l'armée destinée à passer en Afrique; on pourvut à sa solde, ainsi qu'aux diverses dépenses de la guerre.

XXVIII. Ce ne fut pas sans surprise que Jugurtha reçut la nouvelle de ces préparatifs; car il était fortement convaincu que tout se vendait à Rome. Il envoie en ambassade, vers le sénat, son fils et deux de ses plus intimes confidents. Pour instructions, il leur recommande, comme à ceux qu'il avait députés après la mort d'lliem psal, d'attaquer tout le monde avec de l'or. A leur approche de Rome, le consul Bestia mit en délibération si on leur permettrait d'entrer le sénat décréta qu'à moins qu'ils ne vinssent remettre et le royaume et la

illi ministri regis, interpeliando, ac sæpe gratia, interdum jurgiis, trahendo tempus, atrocitatem facti leniebant. Ac ni C. Memmius, tribunus plebis designatus, vir acer et infestus potentiæ nobilitatis, populum romanum edocuisset id agi, uti per paucos factiosos Jugurtha scelus condonaretur, profecto omnis invidia, prolatandis consultationibus, dilapsa foret: tanta vis gratiæ atque pecuniæ regis erat! Sed ubi senatus delicti conscientia populum timet, lege Sempronia, provincia futuris consulibus, Numidia atque Italia, decreta: consules declarantur P. Scipio Nasica, L. Bestia Calpurnius; Calpurnio Numidia, Scipioni Italia obvenit. Deinde exercitus, qui in Africam portaretur, scribitur: stipendium, alia quæ bello usui forent, decernuntur.

XXVIII. At Jugurtha, contra spem nuntio accepto, quippe cui, Romæ omnia venum ire, in animo hæserat; filium et cum eo duo familiares ad senatum legatos mittit hisque, ut illis quos, liempsale interfecto, miserat, præcipit omnes mortales pecunia adgrediantur. Qui postquam Romam adventabant, senatus a Bestia consultus est, placeretne legatos Jugurthæ recipi manibus; iique decrevere, nisi regnum ipsumque deditum venissent, uti in diebus proxumis

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