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civitas pour désigner ces circonscriptions; mais cette expression désigne plutôt l'être moral qui, créé par un fait politique, vivait sur chacune de ces circonscription, et, à proprement parler, cette circonscription elle-même s'appelait en latin territorium (1) ou regio (2). Le sol de la cité se divisait en pagi, et le pagus lui-même, dans le système romain, se subdivisait en fundi. Cette triple division du sol est la base du cadastre et de l'impôt foncier romains (3). On peut comparer la cité à notre département; le pagus (4), à notre arrondissement; le fundus, à notre commune. Pour constituer un fundus, il faut une certaine étendue de terrain, officiellement délimitée, qu'on appelle ager, et sur ce terrain, des bâtiments qu'on appelle villa (5).

2. édit., t. IV. p. 268. Cf. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, t. III, p. 156 et suiv.

(1) « Territorium est universitas agrorum intra fines cujusque civitatis. » Pomponius, Liber singularis Enchiridii; Digeste, lib. L, tit. XVI, 1. 239, § 8. (2) « Regiones autem dicimus, intra quarum fines singularum coloniarum aut municipiorum magistratibus jus dicendi coercendique est libera potestas. » Siculus Flaccus, chez Blume, Lachmann et Rudorff, Die Schriften der ræmischen Feldmesser, Gromatici veteres, t. I, p. 135, 1. 4-7.

(3) « Forma censuali cavetur, ut agri sic in censum referantur : Nomen fundi cujusque; et in qua civitate et in quo pago sit; et quos duos vicinos proximos habeat. » Ulpien, De censibus, livre III, dans Digeste, livre L, tit. xv, 1. 4.

(4) Il est déjà question des pagi de la Gaule chez César qui les oppose d'une façon générale aux cités; In omnibus civitatibus atque pagis, livre VI, ch. 10, et qui mentionne les pagi des Helvètes, livre I, ch. 12, 13, 27; ceux des Morini, livre IV, ch. 22; ceux des Arvernes, livre VII, ch. 64. Tacite parle de ceux des Sequani, Annales, I, 45, et de ceux des Aedui, Histoires, II, 61.

(5) « Locus... sine aedificio... rure... ager appellatur. Idemque ager cum aedificio fundus dicitur. Florentinus, libro VIII Institutionum, » dans Digeste, livre L, titre xvi, 1. 211. - « Locus est non fundus sed portio aliqua fundi; fundus autem integrum aliquid est, et plerumque sine villa locum accipimus... Sed fundus quidem suos habet fines. » Ulpien, livre LXIX, Ad edictum, dans Digeste, livre L, titre xvi, 1. 60. -« Ager est locus qui sine villa est. » Ulpien, livre XVII, Ad edictum, dans Digeste, livre L, titre XVI, 1. 27. Les passages suivants de Caton, De re rustica, achèveront de faire comprendre le rapport qui existe entre fundus et villa: «Paterfamilias, ubi ad villam venit, ubi larem familiarem salutavit, fundum eodem die, si potest, circumeat; si non eo die, at postridie... Ita aedifices ne villa fundum quaerat neve fundus villam » (c. II, III). Le sens de cette maxime est que les bâtiments d'exploitation doivent avoir une importance proportionnée à celle du domaine. On la trouve reproduite chez Pline le Naturaliste,

$ 4. Origine de la commune rurale en France,

On doit reconnaître dans le fundus romain l'origine de nos communes rurales. Les plus anciennes de ces communes, portant en général un nom formé avec un gentilice romain et avec le suffixe acus, comme Juli-acus, remontent à un fundus qui date de l'Empire romain (1), et dont les limites ont été primitivement fixées par les arpenteurs, agrimensores, employés à la confection du cens, sous le règne d'Auguste. Le premier propriétaire est un grand seigneur gaulois qui, ordinairement, en devenant citoyen romain, avait pris le gentilice de son protecteur romain. De ce gentilice vint le nom de son fundus. La villa construite dans ce fundus eut avec lui, pour premiers habitants, ses obaerati, ses clients qui, jadis, consacraient leur temps au soin des troupeaux, à l'agriculture et aux armes. Sous la domination romaine, cessant de combattre, ils ne furent plus que laboureurs et pâtres. Leur ancien chef, devenu leur propriétaire, leur partagea une partie de son domaine, à charge de redevances; pour la pâture, le bois de chauffage et de construction, il leur donna l'usage collectif d'une autre portion on appela villa leurs habitations groupées autour de la sienne'; à la villa, le village a succédé (2).

Cette nouvelle organisation de la propriété eut financièrement l'avantage de répartir la charge de l'impôt foncier entre les Gaulois les plus riches et, par conséquent, les

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livre XVIII, ch. vi (7), § 32. Cf. Columelle, livre I, ch. Iv. Sur les modifications dont les fonds étaient susceptibles, voyez Pomponius, livre V, Ad Sabinum, dans Digeste, livre XXX, titre unique, l. 24, § 3. Cf. Ulpien, livre LXIX, Ad edictum, dans Digeste, livre L, titre xvi, 1. 60.

(1) Je ne parle pas ici de celles de nos communes, évidemment peu nombreuses, qui remontent à un vicus ou à un oppidum.

(2) Un passage d'Apulée, Métamorphoses, 1. VIII, nous donne un exemple d'une villa qui est déjà un village moderne : « Villae vero quam forte tunc praeteribamus coloni, multitudinem nostram latrones rati, satis agentes rerum suarum, eximieque trepidi, canes rabidos et immanes et quibusve lupis et ursis saeviores, quos ad tutelae praesidia curiose fuerant alumnati jubilationibus solitis et cujuscemodi vocibus nobis inhortantur,

plus solvables. L'impôt foncier était payé par les propriétaires des fundi. Le plaisir que leur fit éprouver l'acquisition du droit de propriété leur fit accepter, sans trop de peine, la charge d'un impôt probablement plus considérable que la redevance autrefois due à la cité. Quant à la plèbe, condamnée à cultiver le bien d'autrui, elle ne perdait rien à la révolution qui faisait partager entre les membres de l'aristocratie le droit au sol ce droit jusque-là était resté en théorie dans les mains de chaque peuple ou de chaque Etat, et il cessait de lui appartenir; mais, au point de vue de la plèbe, il n'y avait pas de changement pratique : en effet, presque toujours, par la force des choses, l'aristocratie seule avait jusque-là joui de la terre.

La contenance moyenne de nos communes est aujourd'hui de treize à quatorze cents hectares. Il serait certainement téméraire d'affirmer qu'au temps d'Auguste telle fut l'étendue moyenne des fundi. Le fundus était une création arbitraire que l'homme pouvait modifier suivant les exigences de sa fortune et de sa fantaisie. Des fundi, reconnaissables à leur nom, sont aujourd'hui de simples sections de communes; les villae, qui leur servaient de centre, sont réduites à l'état de hameaux, ou même elles ont disparu sans laisser d'autres traces qu'un nom dans de vieux titres ou que des ruines innommées qu'étudient quelques archéologues. Des villae nouvelles ou, pour se servir d'une autre expression, des cortes de création plus récente ont surgi monuments des grandes invasions qui amenėrent la chute de l'empire romain ou qui en furent la conséquence; leurs noms sont des composés dont le premier terme est un nom propre d'homme d'origine germanique, dont le second,-ville,-court,-mont,-val, appartient à la langue que parlaient les vaincus du cinquième siècle après notre ère. A côté de Clichy, Clippiacus, d'Antony, Antoniacus, noms d'anciens fundi formés à l'aide d'un gentilice romain et du suffixe gaulois -acus, témoins qui attestent, tout près de Paris même, la conquête de la Gaule par les

Romains, nous trouvons des noms de lieu

Billan-court, Clignan-court et Bougi-val, Baudechisilo-vallis, mots de formation hybride, mi-partie germains, mi-partie gallo-romains, qui rappellent la conquête franque et la création de villae nouvelles, faite sur les ruines de villae galloromaines, ou à côté d'elles en démembrant leur territoire.

Ce serait donc une opération fort délicate que de chercher à retrouver sur notre sol les limites exactes des fundi gallo-romains dont un grand nombre de nos communes ont conservé le nom. Mais je crois qu'il ne faut pas désespérer d'arriver un jour à ce résultat par une étude attentive, là surtout où les textes nous permettent d'atteindre les premiers siècles du moyen âge. Il est fort possible qu'un certain nombre de nos communes représentent exactement la circonscription de fundi gallo-romains. L'étendue n'est pas un obstacle. Nos communes, ai-je dit, contiennent de treize à quatorze cents hectares. Les fundi gallo-romains pouvaient avoir une étendue moyenne approchant de celle-là. puisqu'Ausone appelle parvum herediolum sa propriété de famille, dont la contenance dépassait mille jugera, c'est-àdire deux cent cinquante hectares (1).

§ 5.

La propriété foncière en France d'Auguste à nos jours.

Les clients de chaque eques gaulois, installés par lui sur son fundus, c'est-à-dire sur la portion du territoire commun que le cens impérial lui avait attribuée, détinrent, partagée entre eux, une section, ordinairement la plus considérable, de ce fundus; une autre resta affectée à la jouissance directe du propriétaire nouveau que la puissance romaine avait créé. Une troisième section fut attribuée à la jouissance commune des habitants du fundus, logės autour du maître dans la villa. Ce qui subsiste de cette dernière section constitue aujourd'hui nos biens com

(1) Ausone, idylle III, v. 9.

munaux; la seconde est la terra indominicata du moyen age; quant à la première, c'est en elle que nous devons reconnaître l'origine de la plus grande partie de la propriété immobilière telle que nous la connaissons dans la France moderne.

Chacun des obaerati, des clientes, des ambacti eut un lot à cultiver. Fermier au point de vue du droit romain, il considérait peut-être son petit lot comme la part qui légalement lui revenait dans l'antique propriété collective de la cité. De là ce caractère mixte du colonat, où le tenancier, irrévocablement lié au fundus, et comme tel, en une certaine mesure, esclave, a cependant un droit sur le terrain qu'il cultive. Ce droit, qui remonte au droit collectif de la cité fut pendant des siècles en lutte avec celui que le propriétaire du fundus reçut de la loi romaine. On appelle ce dernier droit domaine éminent; le premier, celui du tenancier, est le domaine utile. Ces deux droits avaient pour objet le même immeuble. En France, aujourd'hui, le domaine utile subsiste seul. Le moyen âge avait, en général, fixé en argent les redevances qui grevaient le domaine utile au profit du domaine éminent. Du treizième siècle à 1789, la quantité de matières précieuses contenues dans les espèces monétaires diminua dans la proportion de vingt à un, et le pouvoir commercial de l'or et de l'argent s'abaissa dans la proportion de trois à un; en sorte que, dans cette période, le poids des redevances pécuniaires annuelles qui grevaient le domaine utile au profit du domaine éminent s'était réduit, suivant un rapport que l'on peut comparer, à celui de soixante à un. Ainsi, le domaine éminent en France n'était plus guère qu'une institution honorifique, lorsqu'il disparut dans la tourmente révolutionnaire comme les feuilles des arbres que le vent des derniers mois d'automne emporte au loin quand les premières gelées ont achevé l'œuvre du soleil de juillet et d'août.

Tout autre a été l'histoire économique en Ecosse et en Irlande. Une législation aristocratique à outrance, de date

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