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Pyrrhus. Denys en avait impunément chargé une partie sur ses vaisseaux; mais Pyrrhus, ayant suivi son exemple, fut châtié par une tempête, et les biens de la déesse, miraculeusement épargnés par le naufrage, avaient été restitués. La vénération qu'inspirait le sanctuaire s'était accrue de l'effroi produit par cette manifestation de la puissance divine. Mais rien n'arrêta Pleminius, type de soldat pillard et sans foi, qui dans l'âge d'or de la République, fait déjà prévoir les pires désordres des guerres civiles. Il força le trésor, prit l'argent sacré. Deux tribuns militaires, qui ne valaient guère mieux que lui, et qui, disait-on, regrettaient de n'avoir pas eu leur part, feignirent une grande indignation. Bien vite on en vint aux injures et aux violences: la déesse se vengeait sur le voleur et les convoiteux en les excitant les uns contre les autres. Devenu furieux, Pleminius fit mutiler l'un des tribuns et périr l'autre sous les verges. Tout était compromis par cette horrible affaire: l'honneur religieux des armées romaines, la discipline militaire, le respect des peuples helléniques, et même l'avenir de Scipion, le dépositaire des grands projets d'Afrique, s'il était rendu responsable des crimes de son lieutenant.

Les délégués des Locriens se présentèrent à Rome en suppliants, vêtus de deuil et, suivant

1. Sur cette affaire de Pleminius, Liv., XXIX, 8, 16, 19, 21. Diod. Sic., XXVII, fragm. 4.

l'usage hellénique, tenant en main des rameaux d'olivier. Le discours que Tite-Live met dans leur bouche renferme des pensées tout à fait en situation, et qui ne pouvaient manquer de toucher magistrats et sénateurs. « Nous savons quel soin vous mettez, non seulement à honorer vos propres dieux, mais à accueillir les dieux étrangers. Avant l'expiation d'un parcil crime, n'entreprenez rien ni en Italie ni en Afrique, de peur que le sacrilège ne soit chàtié, non seulement par le sang du criminel, mais par un désastre public1. » Le parti du vieux Fabius était sur le point d'englober Scipion lui-même dans la punition réclamée. Le remède eût été pire que le mal. Heureusement un parti plus modéré prévalut : un préteur, assisté de deux tribuns du peuple, fut chargé d'une enquête avec pleins pouvoirs. Ils trouvèrent Pleminius déjà mis en prison par son général, et celui-ci complètement disculpé par les Locriens eux-mêmes.

Mais il fallait expier, et réparer largement, pour préserver la patrie de la vengeance divine, La mort de Pleminius dans sa prison ne suffisait pas; ses biens furent consacrés à Proserpine. Les soldats qui auraient conservé quelque argent ou quelque objet provenant du temple, furent sommés de restituer sous peine de mort. Le Sénat

1. Liv., XXIX, 16: « Vidimus... cum quanta ceremonia non vestros solum colatis deos, sed etiam externos accipiatis... Priusquam corum scelus expietis, neque in Italia, neque in Africa quidquam rei gesseritis; ne, quod piaculum commiserunt, non suo solum sanguine, sed etiam publica clade luant... »

décida que ce qui manquerait serait fourni par le trésor public, et, s'il faut en croire Valère Maxime1, on ne se borna pas là: pour être sûr de ne pas rester en deça des exigences célestes, on aurait restitué le double de ce qui avait été enlevé. On fit de plus un sacrifice expiatoire. Le scandale était effacé; et même, selon Diodore, cette secousse augmenta la piété, de telle sorte que ceux qui avaient à se reprocher un méfait ignoré à l'égard des sanctuaires, s'empressaient de le réparer. En tout cas, Rome n'était pas engagée dans le crime de Pleminius, et les liens de l'amitié n'étaient pas rompus entre le Sénat et la religion hellénique.

1. Val. Mar., I, 1.

CHAPITRE SEPTIÈME.

Causes d'un premier progrès des religions orientales. — L'arrivée de la Mère des dieux. Conclusion.

Notre période, qui voit commencer tant de choses, voit aussi commencer à Rome le culte des divinités orientales 1. Ce n'est qu'un début, qui contient en puissance tout ce qui a suivi, et dont les causes sont multiples.

En premier lieu, il était impossible, dès le II siècle avant notre ère, de se pénétrer d'hellénisme sans se pénétrer par cela même d'éléments

1. Le développement ultérieur de ces cultes à Rome pourrait donner lieu à tout une bibliographie qui sortirait trop de notre sujet. Indiquons pourtant le livre de M. Jean Réville: La Religion à Rome sous les Sévères, Paris, 1886, le récent chapitre II de la première partie. L'essai que nous imprimons à la suite de celui-ci, sur le Taurobole, est consacré à une partie importante de ce développement ultérieur.

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