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cependant à constater que son Gouvernement ne saurait consentir à ce que ce vœu pût être interprété à l'avenir dans un sens contraire aux intérêts du commerce, ou qu'il pût servir de prétexte à des mesures véxatoires pour la liberté du commerce. Toutes les stipulations concernant la liberté commerciale que la Conférence vient de sanctionner deviendraient illusoires, si on concédait aux différents États le droit d'exercer un contrôle sur le commerce des autres. La liberté du commerce dépendrait alors des employés chargés de ce contrôle et il s'ensuivrait facilement, par suite de la rivalité entre les différentes nations, qu'il s'établirait en fait ce traitement différentiel que tous les Plénipotentiaires se sont attachés à combattre.

Le Président lit ensuite le texte de la proposition remise, lors de la séance précédente, par Sir Edward Malet et concernant la traite de nègres (Protocole N° 5).

L'Ambassadeur d'Italie appuie vivement le projet de Déclaration présenté par l'Ambassadeur de la Grande Bretagne.

Le Comte de Launay rappelle les idées qu'il a énoncées lors de la deuxième séance. D'après ses instructions, il se rallierait à toute proposition tendant à prescrire les mesures les plus sévères, notamment en ce qui concerne la traite des nègres. Le Gouvernement du Roi voudrait même que cet attentat de lèse-humanité fût compris, comme la piraterie, parmi les crimes contre le droit des gens, et puni comme tel.

M. Busch fait observer que la motion de Sir Edward Malet vise deux formes différentes du commerce des esclaves:

1° La traite des nègres, considérée comme se faisant par mer;

2o Le commerce qui fournit des nègres à la traite.

Or, d'après le droit public actuel, la traite des nègres est déjà interdite, tandis que le commerce qui fournit des nègres à la traite n'a encore été l'objet d'aucune stipulation. Il conviendrait done, pour plus de clarté, de marquer la distinction entre ces deux modalités de commerce des esclaves, en se référant, d'abord, à l'interdiction préexistante qui atteint la première, et en formulant ensuite l'interdiction nouvelle qu'il s'agit d'établir contre la deuxième.

Le Baron de Courcel demande si la proposition actuellement soumise à la Conférence est destiné à être intercalée dans l'une des trois Déclarations comprises dans la programme des travaux de la Haute Assemblée, ou si, au contraire, elle formerait la matière d'un Acte supplémentaire.

Le Président se proposait précisément de consulter la Conférence à cet égard. L'Ambassadeur de France fait remarquer que l'Article VI de la Déclaration relative à la liberté du commerce répond déjà en grande partie à l'objet que Sir Edward Malet a en vue. La motion actuellement soumise à la Conférence constitue, en quelque sorte, un amendement destiné à compléter le texte déjà voté, et elle pourrait, dès-lors, être rattachée à ce texte.

Sir Edward Malet préférerait que sa proposition fit l'objet d'un Acte distinct. En l'insérant dans la Déclaration relative à la liberté commerciale, qui s'applique seulement à des territoires limitativement désignés, on prêterait à penser que les

dispositions concernant le commerce des esclaves ne doivent pas être étendues en dehors de ces mêmes territoires, alors que, dans la pensée du Gouvernement Britannique, elles devraient avoir une portée plus générale. L'Ambassadeur d'Angleterre ajoute que bien des difficultés insurmontables ne permettent pas d'espérer la suppression, à bref délai, de l'esclavage dans les régions du centre Africain. Mais ce que l'on peut et ce que l'on doit tenter immédiatement, c'est d'empêcher le commerce de ces troupeaux de noirs qui alimente la traite.

M. Kasson adhère aux idées du Représentant de la Grande-Bretagne. Le Gouvernement des Etats-Unis voudrait même aller plus loin et obtenir que chacune des Puissances représentées dans la Haute Assemblée s'engageât non seulement à ne pas tolérer le commerce des esclaves dans les territoires soumis à sa juridiction, mais encore à ne pas permettre aux traitants de chercher asile et refuge dans ces mêmes territoires. Le Plénipotentiaire des Etats-Unis, rappelant l'existence de six millions de noirs émancipés aux Etats-Unis, affirme que la question intéresse spécialement le peuple Américain.

M. Busch désirerait que M. Kasson formulat ses idées en un texte précis, afin de mettre les Plénipotentiaires en mesure de soumettre la question à une étude plus approfondie.

M. Kasson exprime son consentement à cet égard.

Le Baron de Courcel croit avoir compris que, d'après les intentions de l'Ambassadeur d'Angleterre, les dispositions suggérées par Sir Edward Malet devraient être applicables, non pas seulement dans les contrées dont s'occupe la Conférence, mais dans le monde entier.

Le Représentant de la Grande-Bretagne ayant répondu que tel est bien, en effet, sa pensée, le Baron de Courcel fait observer que la question prend ainsi une extension imprévue et que, dès-lors, il semble que les Plénipotentiaires ne sauraient la résoudre sans en avoir référé à leurs Gouvernements.

Le Président indique que, dans ces conditions, il s'agirait en effet d'appliquer un principe nouveau dans le droit des gens.

Un échange de vues a lieu entre le Baron de Courcel et Sir Edward Malet, confirmant que, pour répondre d'une manière complète aux intentions du Représentant de la Grande-Bretagne, la Conférence devrait préparer un Acte séparé applicable dans le monde entier et destiné à former le complément du droit international en matière de traite.

Le Baron de Courcel, revenant à la proposition de M. Kasson, reléve qu'elle ne sera pas sans présenter de sérieuses difficultés au point de vue de droit constitutionnel, au moins pour certains Etats. En France, par exemple, les principes de la législation pénale établissent qu'un citoyen ne saurait être exclu d'un territoire Français, sinon en vertu d'un jugement. Les pouvoirs attribués au Gouvernement par la constitution ne vont pas jusqu'à lui permettre des mesures d'expulsion, en dehors des cas énumérés, limitativement, par les codes nationaux. Il faut donc prévoir qu'il ne sera pas aisé de trouver une rédaction permettant de concilier ces règles fondamentales du droit avec les désirs de M. Kasson.

M. van der Hoeven dit que ces observations peuvent s'appliquer en ce qui concerne les Pays-Bas; il s'agit d'une sorte d'exil ou de bannissement à prononcer contre les gens qui font le commerce des esclaves; mais la peine du bannissement n'existe pas d'après le nouveau code pénal Néerlandais, qui punit sévèrement ceux qui font ou favorisent la traite.

M. Kasson explique qu'un Gouvernement ne doit pas tolérer que des traitants prennent un territoire placé sous sa juridiction comme base d'opérations pour leur infâme commerce.

Quiconque serait activement engagé dans un tel trafic, devrait se voir refuser le droit de résidence et être traité en ennemi du monde entier, tout comme un pirate.

Le Baron de Courcel ne met pas en doute la légitimité du but poursuivi par M. Kasson; mais à raison des difficultés déjà signalées par l'Ambassadeur de France, on doit considérer comme nécessaire l'étude préalable de la question par des criminalistes.

Sir Edward Malet consulte le Président relativement aux changements de forme qui pourraient être apportés à sa proposition, en vue de tenir compte de la distinction, signalée comme opportune, entre la répression de la traite et celle du commerce qui fournit des esclaves.

M. Busch répond qu'il n'a pas préparé une rédaction et ne saurait proposer une formule définitive, séance tenante, mais que, sauf examen plus approfondi, on pourrait, par exemple, donner à la motion une forme analogue à la suivante:

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Selon les principes du droit des gens, tels qu'ils sont reconnus par les Hautes Parties Contractantes, la traite des nègres étant interdite, les Puissances s'engagent à interdire ou à supprimer également le commerce qui fournit des nègres à la traite».

Le Baron de Courcel, pour éviter toute ambiguité dans les termes, pense qu'il serait utile de spécifier nommément,

1° l'interdiction de la traite par mer,

2o celle de la traite sur terre.

L'Ambassadeur de France partage d'ailleurs l'opinion de M. Busch relativement à l'utilité de viser, d'une part, l'interdiction déjà existante frappant la traite par mer, et, d'autre part, l'interdiction qu'il s'agirait d'instituer, conformément aux vues du Représentant de l'Angleterre, au sujet de la traite sur terre.

M. Busch croit qu'il convient de renvoyer à la Commission l'examen de la proposition de Sir Edward Malet et de celle de M. Kasson. Il ne se dissimule pas d'ailleurs la difficulté qu'il pourra y avoir à concilier cette dernière avec les droits souverains et l'autonomie administrative de la plupart des Etats.

La Haute Assemblée prononce le renvoi conformément aux conclusions de Son Président.

Le Baron de Courrel a déjà fait remarquer que la question actuellement discutée ayant pris, au cours du débat, une ampleur inattendue, la plupart des Plénipotentiaires ne sauraient se prononcer sans avoir, au préalable, obtenu des instructions de leurs Gouvernements. En vue de ces demandes de direction, il serait

indispensable que la portée et le caractère de la proposition fussent exactement déterminés dès à présent.

Sir Edward Malet dit que, dans la pensée de son Gouvernement, la décision à intervenir devrait avoir les effets les plus larges et les plus généraux possibles.

Le Président fait ressortir que les Plénipotentiaires, en sollicitant les instructions des Cabinets, auront à leur demander, notamment, s'il leur convient d'adhérer à une résolution d'un caractère général, ou simplement à une résolution destinée à être intercalée dans le texte de l'Acte relatif à la liberté du commerce, et ayant, par suite, une portée plus limitée. Il annonce en outre que l'amendement à la motion. Britannique dont il a lui-même suggéré la pensée, ainsi que l'amendement de M. Kasson seront formulés et distribués aux Plénipotentiaires.

Le Baron de Courcel désire présenter certaines observations se rapportant à l'alinéa marqué 1° dans l'Article I de la Déclaration relative à la liberté du commerce et déjà votée par la Conférencè. Depuis le jour où le texte dont il s'agit a été adopté par la Haute Assemblée, l'Ambassadeur de France a été avisé que le Sultan de Zanzibar affirme avoir des droits de souveraineté sur des territoires s'étendant jusqu'à la partie orientale du lac Tanganyka. Or, ces droits, sur la valeur desquels le Baron de Courcel n'a, d'ailleurs, pas à exprimer d'opinion, s'exerceraient sur des territoires compris dans le paragraphe 2 de l'Article I de la Déclaration, puisqu'ils appartiendraient au bassin géographique même du Congo. Le Baron de Courcel rappelle la proposition dont il a pris l'initiative et à la suite de laquelle a été inscrite la réserve qui figure dans le dernier paragraphe du même Article I. Il y est dit que les Puissances, en étendant à une zone orientale, non comprise dans le bassin géographique du Congo, le régime conventionnel élaboré par la Conférence, ne stipulent que pour elles-mêmes et que le régime conventionnel ne s'appliquera aux territoires relevant aujourd'hui de quelque souveraineté indépendante et reconnue que si cette autorité souveraine y donne son consentement. Si, dans la forme, la Conférence n'a établi cette réserve que pour les territoires situés en dehors du bassin géographique du Congo, c'est qu'à ce moment, rien ne la portait à présumer qu'il existât, dans les limites mêmes du bassin du Congo, des territoires relevant actuellement d'une souveraineté indépendante non représentée à la Haute Assemblée. Des indications nouvelles étant de nature à faire penser que cette supposition n'est pas exacte, le baron de Courcel ne doute pas que la Conférence n'interprète sa précédente décision en ce sens que les réserves susmentionnées s'appliqueraient même dans les limites du bassin géographique du Congo, si l'existence des droits antérieurs de quelque souveraineté indépendante et reconnue venait à y être constatée. Telle doit être d'autant plus la pensée des Puissances, qu'elles sont convenues, dans la Déclaration, d'employer leurs bons offices auprès des Gouvernements établis sur le littoral oriental de l'Afrique, afin d'obtenir leur agrément à tout ou partie du régime de la liberté commerciale, et que, dans de telles conditions, on ne saurait supposer qu'elles voulussent compromettre, dès l'origine, l'efficacité de leurs efforts, en indisposant les souverains Africains dont il s'agit, par la méconnaissance de certains droits dont ils se réclameraient.

Sir Edward Malet s'associe aux vues ainsi exprimées; il a, de son côté, reçu, tout récemment, des indications concordant avec celles qui sont parvenues au Baron de Courcel. Si elles avaient été en sa possession lorsqu'a été arrêtée la rédaction de l'Acte afférent à la liberté commerciale, il aurait établi à ce moment les réserves au sujet desquelles l'Ambassadeur de France vient d'entretenir la Haute Assemblée.

Le Président dit que, si le Sultan de Zanzibar possède des droits de souveraineté sur des territoires situés dans le bassin du Congo, et compris, dès lors, dans la région visée au paragraphe 2 de l'Article I de la Déclaration concernant la liberté de commerce, il paraît évident que les réserves admises par la Conférence relativement à la zone orientale doivent être étendues à ces possessions. Mais M. Busch demande ce qu'il en faut conclure dans l'hypothèse où l'on découvrirait d'autres souverainetés établies dans le bassin géographique du Congo.

Le Baron de Courcel croit que la Haute Assemblée n'a pas à s'occuper d'autres souverainetés au sujet desquelles elle ne possède aucune notion précise. Il ne faut pas perdre de vue, toutefois, certaines observations qui ont été présentées par le premier Plenipotentiaire des Etats-Unis devant la Commission et qui ont été mentionnées dans le Rapport du Baron Lambermont: la nécessité a été indiquée de ménager, dans la mesure possible, les droits acquis et les intérêts légitimes des chefs indigènes. On doit prévoir les difficultés qui pourront s'élever entre ces derniers et les commerçants portés à admettre que l'application du régime de la liberté commerciale ne devra subir aucun tempérament partout où elle aura été proclamée par la Conférence, et même dans les portions de territoire où s'exerce actuellement l'autorité de chefs indigènes qui ne subissent l'influence d'aucune des Puissances contractantes. C'est là une illusion contre laquelle il importe de prémunir les intéressés. Dans la pratique, il sera impossible, au moins tout d'abord, d'empêcher certaines dérogations locales et de détail au régime général que la Conférence s'est donné pour tâche d'établir.

M. Busch reconnaît l'exactitude de ces réflexions, mais il tient à ce qu'il soit bien établi que de telles dérogations ne sauraient être admises sur aucun des points qui seraient placés sous la souveraineté ou le protectorat de l'une des Puissances

contractantes.

Le Baron de Courcel est d'accord sur ce point avec le Plénipotentiaire d'Alle

magne.

Le Marquis de Penafiel adhère aux observations présentées par l'Ambassadeur de France relativement au respect que méritent les droits de souveraineté signalés aux égards de la Conférence.

Le Baron Lambermont rappelle qu'il a expressément mentionné dans son Rapport les intentions manifestées par la Commission dans le sens des explications qui précèdent.

Le Baron de Courcel, en ce qui concerne spécialement les prérogatives du Sultan de Zanzibar, prend acte de l'accueil favorable que ses explications ont rencontré de la part de la Haute Assemblée.

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