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chés, et, sans les hommes qui les replantaient, nous aurions été découverts. Température suffocante sous notre toile, bien que le thermomètre n'ait pas dépassé + 35°. A la fin, malgré l'abri, un centim. de sable recouvrait nos objets et nos vêtements.

Au plus fort de la tourmente, deux cavaliers arabes allant à Gabès sont venus demander abri. Nous les avons réconfortés eux et leurs bêtes, et, en échange du bon procédé, ils ont emporté nos lettres pour la France. A part le concert vocal, qui a recommencé, la soirée et la nuit ont été calmes.

Capture d'un varan. Le château rouge.

Majoura.

23 avril.

Ville romaine. - Désert de la

Les Ouled-Aziz.— Djebel Addeg.- Un visiteur mystérieux.

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Puits de Kzar el Ahmar. Ce matin à 8 heures nous repassions l'Oued. Gué excellent entre les grandes roches et le marais. La marche s'est faite dans de bonnes conditions. Tout le monde était paré contre les surprises du siroco, burnous sur la selle prêt à être endossé. Il n'y a pas de meilleur vêtement dans une tempête de sable. Nos Arabes étaient enveloppés à ne plus voir que leurs yeux. Au milieu de l'étape, le vent s'est levé, et pendant un quart d'heure nous avons respiré à travers le pan de nos burnous. Fausse alerte heureusement, nous n'avons pas interrompu la marche. Nous étions dans une région de dunes et nous pouvons nous féliciter de ne pas nous être trouvés là hier. Ces éminences, hautes de 5 à 10 mèt., sont toutes surmontées d'un buisson de jujubier. Nous expliquons ainsi cette disposition presque régulière c'est le buisson qui, au début, a occasionné l'accumulation des sables, et, à mesure que sous l'action du vent le monticule s'est élevé, l'arbuste a poussé d'autant et a fini par se trouver perché au sommet.

Les reptiles étaient nombreux dans ces dunes: Acanthodactylus boskianus, Agama inermis, Eremias pardalis, Varanus arenarius et une couleuvre déjà prise aux Kerkena, Periops algira. Un peu avant le puits, capture d'un Varan de 85 centim. de long. Le steeple-chase exécuté par toute la troupe a rappelé,

en plus grand, celui du Naja. C'est moi qui ai pris la bête, mais grâce à Doûmet, qui, sans descendre de cheval, l'a rem enée dans un cercle de coups de bâton.

Nous sommes campés au pied d'un bâtiment romain très important, Kzar el ahmar (le château rouge); ce nom date de l'occupation turque. C'est toute une ville en ruine qui est autour de nous. Débris de construction sur une largeur de 2 kilom. Deux bâtiments importants sont encore debout. L'un, le plus éloigné de nous, placé sur un monticule, est de forme carrée. Doûmet, qui a été le voir de près, a reconnu qu'il était construit de blocs de gypse fortement entamés par les intempéries, qui ont rendu la surface des murs toute cannelée. Le Kar est construit en beau calcaire dolomitique extrait sans doute d'anciennes carrières que nous verrons demain en franchissant le Djebel Addeg. Les murs s'élèvent à environ 12 mèt., sous forme d'un quadrilatère allongé ; mais il n'y a guère que 7 à 8 mèt. où l'appareil soit romain; le reste est de construction arabe ou turque, on le voit aux matériaux hétéroclites; une des pierres portant des traces de corde a certainement servi de margelle au puits. Ruines d'un temple probablement, le monument a dû être transformé en redoute.

A 200 mèt. du Kzar, nous reconnaissons l'emplacement d'un grand cirque, 50 mèt. sur 60 de diamètre. Les murs sont rasés au niveau du sol; la piste, quoique pleine de décombres, est en contre-bas de près d'un mètre. Auprès du cirque, était un bâtiment dont les fondations voûtées existent encore. Sommes-nous en présence d'un amphithéâtre ou simplement d'un bassin à naumachies? Nous inclinons vers cette dernière hypothèse. Pas de comparaison pour les dimensions avec le colisée d'El Djem (l'antique Thysdrus), dont l'arène seule a 94 mèt. de long sur 60 mèt. de large. Dans les ruines qui entourent l'excavation circulaire d'ici, on ne peut voir celles des constructions toujours importantes d'un amphithéâtre.

Reste la question des eaux. Nous sommes dans le désert de la Majoura, et en dehors du puits voisin très profond (50 mèt.

jusqu'à l'eau), la sécheresse du pays est absolue ; mais les montagnes que nous allons franchir demain pour passer dans le Thala (pays des Gommiers) ne sont pas éloignées. Depuis le massif de Bou Hedma jusqu'à celui du Djebel Orbata, près Gafsa, elles forment sous divers noms une chaîne ininterrompue de 80 kilom. de long, de 1,000 mèt. d'altitude environ, qui renferme plusieurs sources importantes. Non loin de nous, au S.-O., Doûmet a constaté, en 1874, que la source d'Ain Sagoufta (l'un de nos prochains campements) avait été captée par les Romains; deux grands réservoirs circulaires, des débris d'aqueduc, etc., existent encore. Les eaux ont pu être amenées jusqu'ici. D'autre part, le Djebel Majoura, qui est au N.-O., donne naissance à des affluents de l'Oued Leben, moins salés que ceux qui viennent du Djebel Meheri au N..E., et qui font qu'à certains moments l'eau de l'Oued est beaucoup moins amère que nous ne l'avons constaté.

On peut affirmer que partout où les Romains avaient fait des établissements considérables, ils avaient de l'eau sur place ou en avaient amené. Le pays désertique où nous sommes était probablement cultivé de leur temps, en partie boisé d'oliviers, peut-être de gommiers et de palmiers. La stérilité est venue avec les Arabes, qui ne sont que pasteurs. En déboisant, ils ont fait des dépaissances, mais ont amené la sécheresse. Ce que nous disons de la Majoura peut s'étendre à beaucoup d'autres points du Sahara barbaresque, et même du Tell, de la Mésopotamie autrefois si fertile, des déserts de la Syrie, etc.

Les Ouled-Aziz, sous-tribus des Hammemas, sont les seuls occupants de ces vastes solitudes qui s'étendent jusqu'à Gafsa. En été, ils quittent la plaine pour les montagnes; mais cette année-ci, le printemps ayant été pluvieux, ils ont de l'herbe pour longtemps. Le soir, des feux aperçus dans la direction de l'Ouest nous indiquent des douars importants. Avant l'occupation française, il n'était pas prudent de camper par ici. En 1874, M. Matteï et Doûmet, revenant de Gafsa, avaient passé près de trente-six heures sans pouvoir abreuver leurs chevaux à cause de l'hostilité

manifeste rencontrée dans certains douars avoisinant les puits! Ils durent plusieurs fois camper sans faire de feu, de peur d'attirer l'attention des nomades.

La faune et la flore sort complètement sahariennes. Outre les espèces d'insectes citées précédemment, nous devons signaler: Pimelia Coronata et Hydrosis alata. Les scorpions pullulent dans les ruines, Buthus australis et maurus. Nombreux pigeons bizets dans les murs crevassés du Kzar. Autour du camp, beaucoup d'alouettes (Alauda cristata), plus pâles de plumes que celles d'Europe. Comme reptiles, nous n'avons à signaler qu'un Tropidosaura algira, le premier et le seul rencontré dans le voyage; c'est un beau mâle avec la collerette saillante et les bandes blanches très marquées.

L'eau du puits est la moins mauvaise que nous ayons trouvée depuis l'oued Bateha; nous la rendons tout à fait bonne en la transformant en eau de Seltz. Jusqu'à présent nous avons ménagé nos poudres. Nous avons un nouveau personnage dans le camp. On l'appelle Martin; il est déjà très familier avec les hommes. Aujourd'hui, il a fait son étape à chameau, enfermé dans un sac d'où l'on ne voyait sortir que la tête; demain il la fera à pied, en compagnie de Miss, avec laquelle il s'accorde très bien. C'est un jeune chevreau qu'Abd-Allah a reçu en cadeau des Arabes qui nous ont vendu le mouton.

Un baril de vin a enfin été vidé; nous pourrons emporter une provision d'eau. Nous le remplirons ainsi, chaque fois que l'aiguade sera bonne. Un Ouled-Aziz est venu au camp à la tombée de la nuit. Les spahis l'ont retenu pour nous servir de guide demain à travers les gorges du Djebel Addeg. Arbi bono, nous at-il dit. Pourvu que ce ne soit pas un espion!

Le lit de camp est excellent après une journée bien remplie ; mais pourquoi les graines de Stipa tortilis s'introduisent-elles dans les vêtements? Autant de vrilles acérées que le moindre. mouvement fait tourner!

24 avril. Bords de l'Oued Addeg. Nous n'aurons donc

plus une nuit tranquille! A l'Oued Leben, cris de bêtes sauvages; à Kzar el Ahmar, bataille entre deux de nos chevaux qui s'en veulent à mort, celui de Doûmet et celui d'Abd-Allah. Ils se sont détachés et ont fait une course folle pendant plus de deux heures. C'était une scène des pampas ! Ruades, morsures, cris de fauves, rien ne manquait, pas même des coups de pieds dans notre toile qui a été crevée à côté de moi. J'ai dù me réfugier au milieu de la tente. Le jour, avec le cavalier sur le dos, le cheval de Doûmet est ininflammable; mais dès qu'il est au piquet, il ne pense qu'à aller trouver son ennemi intime.

Départ vers 8 heures. Cinq à six kilomètres de sables avant les premières collines nous ont montré en masse deux plantes intéressantes (Thapsia garganica) et la coloquinte (Citrullus colocynthis), de quoi fournir toutes les pharmacies du monde. Les fruits de cette dernière sont de l'an passé, mais intacts et ressemblent à des oranges déposées sur le sol; comme reptiles, deux superbes sauriens (Plestiodon Aldrovandi) gros Scincoïde égyptien, gris clair, moucheté de jaune citron. Vers 10 heures, guidé par notre Arabe, nous étions en pleine montagne. Sites sauvages, chaotiques! Nous sommes dans les calcaires dolomitiques. Des arbres clairsemés, mais tous très vieux, montrent que le pays devait être boisé avant les Arabes. Ce sont des Térébinthes (Pistacia atlantica), des Genévriers (Juniperus Phænicea), des Jujubiers (Zizyphus lotus), des Sumacs (Rhus oryacanthoides) ; enfin, sur le versant sud, des Gommiers (Acacia tortilis) parfois énormes. Nous avons passé un col à 4 ou 500 mètres d'altitude. La montée s'est effectuée sans trop de peine; mais la descente dans les pierres roulantes a été rude! Le cavalier en pareil cas n'a qu'à mettre pied à terre, et le cheval, bride sur le cou, se tire d'affaire tout seul. Le mulet chargé a bien du mal; mais son sabot étroit et son solide jarret lui permettent de s'en sortir. Quant au chameau, il est bien malheureux! son gros pied plat et mou, fait pour le sable, se tord sur les pierres croulantes ou bien s'agite dans le vide sur des strates en gradins trop élevés, C'est là que nous avons admiré la sollicitude de Ben-Ahmeur pour ses

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