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France, qui se trouve dans le sud de l'Europe et dans les États. barbaresques. A Tunis ou ailleurs, c'est un oiseau de murailles; ici, il niche sur les arbres.

La mission confiée, en 1874, à Doûmet par l'Académie des Sciences, avait pour but spécial la constatation botanique du gommier en Tunisie. Des échantillons de feuilles, de fruits, de gomme furent recueillis; l'espèce put être déterminée par l'au. teur de la Flore algérienne, notre président, M. Cosson de l'Institut, et rapportée à l'Acacia tortilis du Soudan.

Bien que le végétal ne soit pas beau, nous comprenons le plaisir qu'a dû éprouver notre ami quand il s'est trouvé tout à coup, après la traversée de la Sebka Nail, au milieu d'un groupe de ces arbres étranges ressemblant à des cônes renversés ou à de gigantesques éponges en forme d'entonnoirs, dressées sur leur pied.

La plaine ou longue vallée du T'hala1 s'étend de l'Ouest à l'Est sur une longueur de 40 à 50 kilom., et une largeur de 10 à 12. Elle est resserrée entre le Djebel Bou-Hedma et le Djebel Addeg au Nord, la Sebka Nail et les monts des Aï Aïcha au Sud. L'élévation au-dessus de la mer est d'environ 100 mètr. au pied du centrefort du Bou Hedma, qui la limite en partie à l'Orient, et de 180 à 190 mèt. au pied des montagnes des Beni-Amram, qui la terminent à l'Ouest.

Au point de vue de la production de la gomme, nous doutons fort que le T'hala soit jamais un riche pays. Les échan illons recueillis par nous sont impurs et beaucoup plus rouges que ne le demande le commerce; ils rappellent la gomme de cerisier. Une exploitation bien entendue améliorerait-elle les produits? Nous en doutons. Peut-on citer une culture méthodique du gommier est-ce au Sénégal, au Soudan, en Nubie qu'on peut la rencontrer? Ceux qui connaissent ces pays disent que la récolte ne cesse de diminuer et le produit de renchérir. Nous le concevons sans peine. La formation de la gomme est une gélification de la cellulose de l'arbre, par conséquent une maladie, et les sujets décrépits et maltraités par les exploitants peuvent seuls en

1 Le mot T'hala, en arabe, veut dire gommier.

donner beaucoup. Y a-t-il dans les contusions et les incisions un régime à appliquer à des arbres en train déjà de disparaître comme bois de feu ? Quand Doûmet pénétra dans le T'hala en 1874, il estimait à environ 40,000 les sujets encore sur pied. On peut largement évaluer à un quart la quantité disparue depuis. Les Beni-Zid brûlent chaque année un certain nombre de vieux arbres pendant que leurs troupeaux broutent les jeunes. L'occupation française n'a fait qu'activer la destruction. Il faut du bois pour les troupes, et, malgré la défense expresse faite par l'autorité militaire, les Arabes entrepreneurs des fournitures coupent les gommiers. C'est dans une de ces exploitations que nous nous sommes procuré les rondelles de bois que nous avions à rapporter comme échantillons de botanique.

Mais si ce n'est pas au point de vue de la production de la gomme, c'est à celui de la richesse même du sol qu'il faut arrêter ces déboisements. Le T'hala a de belles dépaissances, et dans certains endroits de belles récoltes de céréales, parce qu'il y a encore des arbres. Qu'on laisse le gaspillage continuer, et on aura à la place, avant un demi-siècle, un désert comparable à celui de la Majoura.

Après la grande halte, qui se fit au milieu de l'étape à l'ombre des gommiers, nous pourrions dire des nids de moineaux, l'aprèsmidi du 25 fut en grande partie employée à marcher dans la direction du campement, la source des palmiers de Bou-Hedma, à l'extrémité orientale de la chaîne. A gauche, nous avons d'abord longé les rochers tourmentés du Djebel Addeg, puis les grands escarpements qui précèdent ceux de Bou-Hedma. Il y a là des roches de 5 à 600 mèt. à pic formées de calcaires marneux dont les strates grises sont surmontées par des couches plus colorées de sulfate de chaux; des dolomies forment les sommets plus ou moins déchiquetés. Ces montagnes abruptes donnent au paysage un aspect d'une poésie sévère et grandiose. Au-dessus de nous, des aigles planaient, décrivant leurs cercles immenses. A tous moments, partaient des lièvres, des perdrix, des gangas, des outardes et des gazelles. Nous recommandons le T’hala aux amateurs de chasse!

La perdrix est celle d'Algérie (Perdix Gambra); le ganga (genre Pterocles des zoologistes) est un oiseau du désert qui tient des perdrix et des pigeons. Il y a plusieurs espèces ; celui qui est ici est le Pterocles exustus, gibier très médiocre. Les outardes valent mieux; mais pour approcher ces infatigables coureurs, qui ne se lèvent qu'à 500 mèt. du chasseur, il faut être fort habile, ou tout au moins être plusieurs pour les cerner. Il y a deux espèces en Tunisie: la petite, la Canepetière ou poule de Carthage (Otis tetrax), qui se tue en France, surtout en Beauce, et la grande Houbara (Otis hubara), qui est un oiseau superbe, jaune pâle tacheté de brun, avec une huppe gris clair, une collerette saillante de plumes noires et blanches, et la taille d'un grand coq de bruyère.

Le sol du T'hala est à certains endroits une véritable prairie. La Stipa tortilis est la graminée dominante; mais la nappe verte est remplie de fleurs où se distinguent des Anthemis blancs, des Chicoracées à fleurs jaunes, voisines des Crepis, la rose de Jéricho (Astericus pygmæus), et deux Statice: l'un à fleurs blanches, peutêtre le Thouini, vu déjà à l'Oued Leben; l'autre à fleurs roses, S. pruinosa. Cette dernière fleur est charmante, élancée, vaporeuse, de couleur tendre, et vaudrait la peine d'être importée dans nos serres d'Europe.

La journée d'hier 26 a été employée à visiter la vallée de BouHedma. Sites sauvages, désolés, surtout dans le haut, où des pentes entières de marnes gypseuses blanches sont sans végétation. Dans les endroits herbeux, l'halfa est la seule graminée, et c'est de ce massif montagneux que la Cie Franco-Anglaise de Sfax tire ses produits. Les chantiers d'exploitation sont situés sur le versant oriental. Le gypse et la dolomie sont partout dans les éboulis; cette dernière, descendue des sommets, est parfois mélangée à des grès. L'Oued Cherchera, qui sert d'écoulement à ces montagnes, va se jeter non loin de nous dans la Sebka Naïl. Les eaux de ce ruisseau sont amères, fortement minéralisées. A l'entrée de la gorge, trois sources, l'une ferrugineuse, la deuxième sulfureuse, la troisième salée, sortent presque du même endroit, et il n'est pas étonnant de voir là des ruines romaines importantes, restes

d'établissement balnéaire sans doute. Un bâtiment carré semble avoir été affecté à la défense de la vallée. Un peu au-dessus des ruines, celle-ci se divise en deux ravins. Ascension par celui qui est à droite en montant, descente par celui de gauche. Partout des traces de bêtes sauvages. Sur une surface boueuse humide, nous avons vu, associées aux nombreuses empreintes de pied de chacals, celles d'une hyène de forte taille et celles d'un petit félin, peut-être encore d'une genette. Les sangliers sont partout dans les roseaux de l'Oued Cherchera, et l'un d'eux, ce matin, aveuglé sans doute par la tourmente qui fait rage depuis hier, est venu à trente pas du camp. Nous sommes sortis au cri de hallouf (sanglier) poussé par Abd-Allah, et, sans avoir même le temps d'aller prendre un fusil, nous avons vu l'animal, de belle taille, disparaître dans le brouillard de pluie et les blocs de rochers.

Quelques mots sur la constitution géologique de la localité nous semblent utiles. Le grand soulèvement qui est à côté de nous (800 mètres environ) est, comme tous ceux de la Tunisie, formé d'assises crétacées: calcaires, marnes, gypses, dolomies, le tout surmonté de dépôts tertiaires. Nous n'avons pas vu ici même ces derniers sur les sommets; mais nous les avons vus dans les éboulis, les verrons ailleurs, et, outre qu'ils peuvent avoir été enlevés par dénudation, nous les avons non loin de notre camp, sur la dolomie. Ce sont des grès, qui forment de petites collines érodées par les eaux et le vent. Des dunes se rencontrent çà et là dans le T'hala, et leur origine, si longtemps considérée comme marine, est ici bien facile à expliquer. Elles proviennent de la désagrégation des grès. Nous nous appuyons pour penser ainsi, non seulement sur l'autorité de M. Rolland', mais sur nos propres observations. Nous avons apporté en France des échantillons de ces grès de Bou-Hedma; ils se désagrègent facilement, et leur sable, examiné au microscope, nous a offert des grains menus, mais anguleux et non arrondis, comme dans les sables roulés par la mer.

Rolland, Les dunes de sable du Sahara. (Revue scientifique, mai 1881.) 2 Thoulet, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 24 décembre 1883.

M. Thoulet est le premier qui ait attiré l'attention sur cette forme particulière et constante des grains de sables marins. C'est le vent du désert qui, de toutes les particules siliceuses qu'il soulevait, a constitué les dunes géologiques; celles-ci ont produit des grès, et de nos jours, ces derniers se désagrégeant, le vent forme les dunes modernes que nous rencontrons et rencontrerons pendant tout notre voyage. Déjà battus du côté de l'absence de coquilles fossiles purement marines dans les dunes sahariennes, les partisans de la mer intérieure préhistorique le sont encore du côte de la constitution physique de ces dunes. En rentrant hier au soir de notre excursion, nous avons découvert que nous étions sur une station préhistorique remarquable. Deux enceintes successives de pierres énormes entourent le mamelon sur lequel nous sommes campés, et les silex taillés sont partout. Il y a des couteaux, des racloirs, des pointes de flèches, jusqu'à des nucleus et à des percuteurs. Le nombre des débris de taille indique qu'il y avait là un atelier de fabrication. Rien de l'époque de la pierre polie; ces silex ne sont que taillés.

La situation du camp est bonne nous dominons la plaine à mi-côte. La source des palmiers nous fournit de l'eau en abondance. Elle est séléniteuse; mais nous ne sommes plus difficiles. Comme le nom l'indique, il y a eu ici une culture de palmiers, 25 ou 30 sont encore debout et forment un groupe du plus heureux effet; mais les constructions qui abritaient les propriétaires sont en ruines depuis longtemps. Peut-être y a-t-il eu dans ce lieu solitaire un drame dont on ne connaîtra jamais l'histoire! Quel bel endroit pour faire un mauvais coup, et repasser la montagne après! Nous sommes sur nos gardes, et, malgré la pluie torrentielle, nos sentinelles se sont régulièrement relevées la nuit dernière.

Nous sommes bloqués dans notre prison de toile; mais l'ouvrage ne nous manque pas. Outre nos impressions à noter, il ya les récoltes à mettre en ordre. Il s'est tiré pas mal de coups de fusil hier. La monotonie des conserves nous fait sans doute apprécier les excellents perdreaux et les tourterelles qu'on abat

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