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Messant, près de Rouans, ils le poussèrent dans un cabaret où il fut obligé de leur payer à boire. « Tu as volé assez d'assignats, disaient-ils, paye l'écot. »

On continua de l'accabler d'injures en le menant au bourg de Rouans, et là on le renferma dans un caveau avec deux particuliers, puis le lendemain, 14 mars, ils furent ramenés dans un cabaret où ils couchèrent. Quand ils présentaient des réclamations pour être renvoyés dans leurs foyers, on leur répondait qu'on attendait des ordres de Sainte-Pazanne. C'est là que siégeait le maire Léauté dont la maison était gardée par plusieurs sentinelles. Le receveur Hochet, ses deux compagnons et le curé constitutionnel de Rouans furent conduits en sa présence dans une sorte de corps de garde où se trouvaient une grande quantité d'hommes, et là ils subirent un interrogatoire. Leurs réponses ayant été satisfaisantes, ils furent renvoyés chez eux. Rentré à Vue, le jeudi soir, toujours surveillé, Hochet se rendit chez le maire de la ville qui lui voulait peu de bien et qui, cependant, autorisa son retour chez lui. Plusieurs jours s'écoulèrent dans une profonde anxiété. Enfin, le mardi 20 mars, il eut la joie de voir que ses conseils avaient été entendus et qu'on parlait de pacification autour de lui. Un grand nombre de campagnards assemblés dans la chapelle Sainte-Anne délibérèrent sur la conduite à tenir et désignèrent Hochet avec cinq autres citoyens pour porter au District la formule de leur soumission aux lois. Il se disposait à reprendre ses fonctions après avoir rempli sa mission, lorsqu'on lui annonça que les paroissiens de Rouans mécontents des propositions de paix de leurs voisins manifestaient l'intention d'écraser les habitants de Vue (1). Le receveur demeura donc à Paimboeuf dans l'expectative, mais le 27, impatient de savoir si son bureau, ses livres et ses fonds avaient échappé au pillage, il s'exposa à tout événe

(1) Dans une autre lettre du 24 mars, à son Directeur, Hochet ajoute que les réfugiés de la forêt de Princé par des « menaces atroces empêchent les bonnes dispositions des autres paroisses. »

ment et fut assez heureux pour retrouver une bonne somme, 20,000 livres, qu'il déposa à la recette du District le 29 mars. Le 17 mai, un détachement de gardes nationaux se rendant en expédition à Vue, il s'empressa de le suivre et, là, il apprit de sa gardienne que « les brigands d'Arthon ou de Chemeré avaient bu son vin et emporté son beurre » sans toucher à ses livres. En effet, il put faire le calcul des recettes courantes mais, tout compte fait, il constata un déficit de 3,573 livres bien qu'il eût cherché partout où il avait caché ses assignats.

Hochet n'était pas au bout de ses peines. Il n'avait sous la main que les registres courants, les autres restèrent à Vue exposés à toutes les déprédations et aux soustractions des concurrents qui ambitionnaient sa place. Une voisine lui fit savoir au mois d'août 1793 qu'on avait vu sortir de son bureau deux jeunes hommes chargés d'une quantité de papiers et d'un bissac. Quand il put penétrer chez lui, en pluviôse an II, il trouva toutes ses archives à terre, couvertes de boues et d'ordures infectes qu'il osait à peine toucher quand il fallut les emporter à Paimbœuf. Sa peine ne fut pas perdue, il retrouva entre deux imprimés les 3,573 livres en assignats qui lui manquaient(1).

Les renseignements abondent sur Pornic, cependant nous sommes heureux de recueillir ici le témoignage du receveur d'Enregistrement, Olivier, sur les diverses attaques de cette ville et le nombre des combattants.

Les révoltés sont arrivés le soir du 23 mars; ils ont engagé une lutte qui a duré toute la nuit bien qu'ils fussent au nombre de trois ou quatre mille contre 70 à 80 patriotes. Dans les maisons, ils brisaient les vitres, défonçaient les portes et fracturaient les meubles, arrachaient les serrures, enfonçaient les placards à coups de haches, enfin n'épargnaient rien. On compta 205 morts sur le pavé. Quant aux blessés, ils furent sans doute bien plus nombreux.

(1) Déclaration du citoyen Hochet, receveur à Vue.

Le 27 mars, il jugea prudent de se retirer dans la ville close de Paimbœuf. Il était temps, car les brigands revinrent ce jour là sur Pornic au nombre de cinq à six mille, et recommencèrent leur pillage et leurs dévastations. Il sut même que beaucoup de maisons avaient été détruites par l'incendie. Son bureau cependant resta intact car il se fit expédier tous ses papiers en cinq barriques qui furent chargées sur un bateau et lui parvinrent à Paimbœuf le 9 avril.

Les routes étaient peu sûres pendant toute cette année 93; les arrestations et les assassinats se répétaient sans cesse et jetaient la terreur dans toutes les communes. Le receveur Olivier invoque ces raisons pour expliquer comment il est resté à Paimbœuf jusqu'au 15 pluviôse an II. En supputant toutes ses pertes, il arrive au total de 3,453 livres (1).

Si maintenant nous passons sur la rive opposée de la Loire, dans le voisinage de l'Anjou, nous constatons qu'à Saint-Marsla-Jaille toutes les têtes étaient en feu dès le dimanche 10 mars. Le receveur Terrier qui nous raconte les événements de la journée en détail, avait accepté, il est vrai, en dehors de ses fonctions ordinaires, celles de commissaire chargé de dresser « la liste des individus mâles » et celles de commandant de la garde nationale; il s'était signalé aussi par un zèle trop ardent dans la recherche des prêtres réfractaires, dans le désarmement des suspects, dans les opérations de séquestre; il avait amassé contre lui de nombreux ressentiments, il devait s'attendre à être plus maltraité que d'autres. Les coups de bâton lui tombèrent dru comme grêle sur la tête : il eût été assommé sans le secours de ses bras qu'il levait en l'air et qui en furent meurtris. L'un de ces coups sur la tête lui fit perdre beaucoup de sang.

Il tenait séance au presbytère pour ses opérations de levée quand il vit arriver dans la cour un grand nombre de particuliers, armés de fusils, de bâtons et de hanoches, qui envoyèrent

(1) Déclaration du citoyen Ollivier, receveur à Pornic, 4 vendémiaire, an III.

trois délégués pour sommer le bureau de cesser ses travaux. Comme le tumulte et le nombre des manifestants grandissait toujours, Terrier et ses collègues s'enfuirent par une porte de derrière dans la maison de Jacques Letort, maire, non sans frayeur, car ils avaient vu les révoltés fouler aux pieds une cocarde tricolore.

Ils y rencontrèrent Terrier, administrateur du District d'Ancenis, qui arrivait en courant de Bonnœuvre dont les habitants l'avaient pourchassé jusqu'à Saint-Mars. Il fut convenu, après délibération, qu'on enverrait un courrier à Candé pour demander main-forte. A peine avaient-ils pris cette résolution, qu'un groupe de forcenés, conduits par P. Hardou, Leroy et le compagnon de J. Guérin, tailleur, armé d'un sabre, enfoncèrent les portes de la maison à coups de hache et de bâton, maltraitèrent tous les assistants d'une façon atroce, au point qu'ils les auraient assommés sans l'intervention de J. Bonnet et P. Hardou. Promettre de ne pas les inquiéter et de remettre les armes, tel fut le prix du rachat.

Terrier conduit chez lui fut obligé de livrer les armes que les révoltés n'avaient pu trouver dans une première tentative avec effraction, et la liste des armes des personnes suspectes.

Pendant que ses gardiens se relâchaient de leur surveillance, il s'échappa de sa maison, se cacha un peu loin dans une haie où il passa la nuit du 10 au 11 et, dès le matin du 11, se réfugia à Candé en compagnie de L. Crespin et de Math. Martin. Les soins d'un chirurgien ne lui furent pas inutiles pour panser ses blessures.

Dès le 12, il écrivit à son Directeur dans les termes suivants : << Dans ce moment, Saint-Mars de la Jaille est le théâtre de la guerre civile, les maisons et les propriétés des citoyens, et les citoyens eux-mêmes, sont pillés, violés et assassinés par une troupe de brigands coalisés tant de ladite paroisse que celles circonvoisines. J'en suis sorti comme par l'effet d'un miracle, car l'on me voulait mort ou vivant et jouer à la boule de ma tête : C'était la voix générale de ces scélérats. >>

Le 15, il obtint une escorte de la municipalité de Candé, s'empressa d'aller à Saint-Mars pour faire constater par procèsverbal l'état de son bureau; il le fit non sans peine car une partie de l'administration locale avait été écrasée de coups. La pièce relate que les brigands ont enfoncé les portes, brisé les meubles et enlevé 2,782 livres. Il transporta ses registres à Candé pour quelque temps, puis à Ancenis, allant et venant de son ancienne résidence à la nouvelle sans pouvoir se fixer tranquillement nulle part.

« Je suis, pour la cinquième fois réchappé de la main des brigands (écrit-il le 4 nivôse an II), celle-ci a été la plus dangereuse, ils ont tombé incognito dans notre bourg le 25 passé, décorés de cocardes tricolores et en criant Vive la République. Heureusement que nous étions dans l'incertitude si c'étoient des républicains ou des brigands et, dans cette incertitude, je prenois la fuite à cheval lorsque je me vis entouré au point que je fus obligé de descendre et de fuir par les jardins. Mais il y en avoit déjà dans l'endroit par où je voulois me sauver, qui crièrent à trente pas de moi: Arrêtez mon ami. »

« Je rétrogradai aussitôt et pénétrai au travers d'autres brigands qui tirèrent 3 ou 4 coups de fusil sur moi, lesquels ne m'atteignirent point. Je me jetai à travers la rivière et croiant que j'étois tombé aux coups, ils ne me poursuivirent point et je me sauvai à Riaillé. » Pour toute plainte, le malheureux ne trouve qu'un mot à la fin de sa lettre. « En vérité ma position est fâcheuse(1). >>

A Nort, les révoltés ont cerné la ville, le 12 mars, au nombre de plus de deux mille, puis ils ont simulé une attaque de trois côtés différents. Le deuxième bataillon de Nantes et la garde nationale de Châteaubriant qui se trouvaient rassemblés là, supportèrent le choc assez bien pendant une partie de la journée; mais le 13, à 4 heures du matin, les assiégés furent obligés de

(1) Déclaration du citoyen Terrier, receveur à Saint-Mars.

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