Immagini della pagina
PDF
ePub

seigneur de Virson que il ne le domageroit de riens et que il n'avoit de lui garde. Quant li Rois Phelippe sot que li Rois Richars ot sa foi mentie 1), les aliances brisies,

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

il assembla ses oz et assist

pour

Aubemarle; mais, tandis com il tenoit là le siege, li Rois Richars ala à Noirencort et reçut le chastel par boisdie et par tricherie.... bien le garni de chevaliers, d'aubalestiers, d'armures et de viandes; puis retorna au chastel d'Aubemalle le Roi Phelippe lever du siege. Le Roi Phelippe fist drecier ses engins, et ne cessa de sept semaines d'asalir le chastel par grant force; mais cil qui dedenz estoient.... se defendoient des François vertueusement, et les reculoient arrieres de l'asaut sovent et menu, et aucunes foiz avenoit que il en ocioient et bleçoient assez. Li Rois Richars. . . . se feri un jor en l'ost si soudainement que on ne s'en dona garde. Mais quant François furent armé, et il les vit vers li venir, il et sa gent tornerent en fuites, et François pristrent à chacier" 2).

N'est-ce pas là encore comme un aperçu de la guerre et du siége des branches 26 et 20?

J'ose donc conclure que Pierre de Saint-Cloud a écrit ses deux grands poëmes après l'an 1190, et même après 1199. On pourrait même pencher à les placer encore quelques années plus tard.

Nous avons vu qu'il nomme assez souvent Constantinople; ainsi, dans la 11e branche, vs. 5568, il fait dire à Renart:

,,Ne vodroie qu'il fust séu

Por l'ennor de Costentinoble."

1) Foi-mentie est un des surnoms de Renart dans les œuvres de Pierre de Saint-Cloud, p. e. br. 20, vs. 10899.

2) Les Chroniques de Saint-Denis, p. 383.

Cette expression l'ennor, c'est-à-dire, le fief de Constantinople, ne fait-elle pas supposer que ce poëme a été écrit après 1204, l'année où l'empire latin y fut fondé? Il me semble que ce n'est que dès lors qu'on devait, en France, regarder le royaume grec comme un état féodal.

En tout cas, j'espère avoir rendu éminemment probable, sinon prouvé, que les poëmes de Pierre de Saint-Cloud ont vu le jour vers l'an 1200.

Maintenant examinons les arguments dont M. Paulin Paris étaie son opinion que toutes les branches sont du premier tiers ou du moins de la première moitié du douzième siècle.

J'ose espérer d'avance qu'il ne nous sera pas difficile de les réfuter, puisque le système de M. Paris est impossible par deux raisons.

1o. Ce n'est que vers 1150 que le Glichesære fit sa traduction d'après l'ancien Renart. Si à cette époque les remaniements plus modernes avaient déjà existé, il est probable que le poëte allemand les eût préferés à la rédaction primitive.

2o. Nous avons vu que Pierre de Saint-Cloud parle souvent des » mires de Montpellier", p. e. dans la 30 branche 1): il cite Montpellier parmi les endroits que Renart a visités pour chercher un remède à la maladie du roi, p. e. dans la 30 branche 2) et dans la 26o, vs. 19416. Dans la 24 nart dit aussi, vs. 13716:

[ocr errors]

Je por vos alé à Rome,

A Salerne et à Montpellier
Por la mecine apareillier
Qui bone estoit au mal saner
Qui forment vos fesoit grever,"

1) Voyez ci-dessus, p. 153, p. 154, 2) Ci-dessus, p. 188.

branche Re

Remarquons que l'ancien Renart ne parlait que de Salerne, sans nommer Montpellier 1), et cela pour cause. L'école de Montpellier ne date que du dernier quart du douzième siècle. M. Grimm la trouve mentionnée dans une charte de 1180 2). Et je lis dans le Roman de la Charrette de Crestien de Troyes, vs. 3481:

Iluec fu uns hom anciens,

El monde plus léal n'avoit,
Et de plaies garir savoit

Plus que tuit cil de Monpellier.

Les branches de Renart qui renferment cette allusion ne peuvent donc remonter si haut que le pense M. Paulin Paris. Voyons cependant son argumentation, et commençons par ce qu'il appelle lui-même >> le plus incertain de ses témoignages."

Dans la 10 branche, Renart et Primaut en » compaingnie" se sont rendus maîtres d'une oie, dont Primaut refuse à son compagnon la part à laquelle il avait droit. Renart indigné lui dit, vs. 3817:

,,Primaut, par foi,

Ne me portez pas bone foi;
Foi que je doi mon filz Rovel,
C'est la compaingnie Tassel
Que vos me fetes, voirement."

>> Il est assez difficile, dit M. Paris 3), d'expliquer quelle était cette compagnie Tassel. Je vois pourtant dans le Roman de Rou qu'en l'année 1105, Robert Courte-Heuse, duc de Normandie, mal assuré de la fidélité des bourgeois de Caen, ne voulut pas attendre dans cette ville l'arrivée du roi d'Angleterre Henry Ier son compétiteur. Il en sortit à la

1) Voyez ci-dessus, p. 111.

2) Reinhart Fuchs, p. CXLI.

3) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, p. 334.

nuit tombante, et quand il eut passé la porte Milet, les gens qui conduisoient ses bagages furent arrêtés et dépouillés par celui que le Duc avoit chargé de la garde des barrières; et cet homme se nommoit Taisson1).

» La compagnie Tassel dont parle notre Renart pourrait bien être celle dont le duc Robert avoit eu si juste occasion de se plaindre. De Taisson à Tassel il n'y a pas loin assurément, et tant qu'on n'aura pas trouvé une autre façon d'interpreter ce passage, je ne renoncerai pas à ma conjecture."

Je lis dans la Chronique des Ducs de Normandie par Benoît, tom. II, p. 3, que Hugues-le-Grand répond à Bernard le Danois:

,, Bernart, fait li dux, ç'oi e vei
Que dès or [vos] gabez de mei.

Le reis

Servi m'a d'estrange gastel;

C'est la compaignie Tassel

Qu'il m'a faite, com à musart."

Or, ceci se passait en 945. Il est donc difficile d'admettre qu'ici il y aurait une allusion à un événement qui n'a eu lieu qu'en 1105. D'ailleurs, si » de Taisson à Tassel il n'y a pas loin," la distance qui sépare ces deux mots est assez grande pour rendre un rapprochement impossible. Je crois plus naturel de penser à Tassilon le fameux duc de Bavière, dont la trahison peut fort bien avoir donné lieu à un dicton populaire. C'est aussi l'opinion de M. J. Grimm 2). Ensuite nous lisons dans la 13e branche, vs. 6909:

[ocr errors]

Ysengrin est en male trape:

Se il fust pris devant Halape,

1) Roman de Rou, vs. 1646 et suiv. 2) Reinhart Fuchs, p. CXXIII.

[ocr errors]

Ne fust-il pas si adolez

Que qant el puis fu avalez.

Puis dans la vingtième branche, quand Renart, condamné à faire le voyage de terre sainte, rejette la croix, il adresse au roi ces insolentes railleries, vs. 11266:

[ocr errors]
[ocr errors]

Sire, dist-il, entent à moi:

Saluz te mande Noradins

Par moi qui sui bons pelerins;
Si te criément li paien tuit,

A pou que chascuns ne s'en fuit."

Il faut conclure de ces deux passages, dit M. Paulin Paris 1), que l'ouvrage fut composé dans le temps où le nom de Noureddin . . . . frappoit d'épouvante les chrétiens de Syrie, auxquels il venoit d'enlever la ville d'Edesse." La nouvelle de ses victoires fit entreprendre la croisade au roi de France, Louis VII. >> Or, Noureddin régna de 1145 à 1161; et ce n'est pas après le retour du roi [1149] qu'un trouvère françois se fût contenté d'une telle allusion au malheur de ceux qui s'étoient fait prendre devant Alep; il aurait parlé du siège de Damas, de la surprise et de la destruction de l'armée françoise dans l'Asie Mineure. Mais au contraire, il étoit tout naturel que, dans le temps où l'on prêchoit la Croisade contre le sultan d'Alep, l'auteur de Renart comparât les craintes d'Ysengrin à celles des captifs de Noureddin; qu'il fit prendre à son Renart le bourdon et la croix; et fît donner au Roi l'assurance railleuse de l'effroi que son nom seul inspiroit déjà au Sultan." Le nom de Noureddin me semble seulement prouver que l'ouvrage où il figure ne fut pas écrit avant 1145; rien de plus. Mais nous savons que ce nom

1) Nouvelle étude sur le Roman de Renart, p. 336.

« IndietroContinua »