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au milieu de la société libre où ils entraient, comme un signe de sa puissance (57). Il les devait défendre en justice, comme des clients1; il les devait défendre, en dehors même des tribunaux, contre tout abus de pouvoir et les abus étaient nombreux, surtout dans les provinces, lorsque les affranchis n'avaient pour toute sauvegarde que leur liberté même ou le patronage des dieux. En cas de minorité, il était appelé à leur tutelle, tutelle qui, chez les femmes, ne finissait qu'au mariages; dans le besoin, il leur devait des aliments; à la mort, il les recueillait dans le tombeau de sa famille. Ce dernier usage était fort répandu, quoique le patron eût toute liberté d'y déroger (58); quant aux autres, plusieurs l'obligeaient sous peine de perdre les droits attachés à son titre. Mais ces droits étaient assez considérables pour valoir quelques sacrifices; et plusieurs des obligations du patron, la tutelle, par exemple, n'étaient même que la conséquence Jégitime des avantages dont il était pourvu.

Parmi les devoirs de l'affranchi, les uns étaient imposés à tous par la manumission elle-même, les autres spécialement stipulés par le maître dans un intérêt particulier. Tout affranchi devait personnellement à son patron

1. Plaute, Menæchm. IV, 11, 475 et suiv.

2. Cicéron (in Cæcil. divin. 17) cite l'exemple d'une femme, affranchie du temple de Vénus, qui, pour soustraire plusieurs de ses esclaves aux rapines d'un officier d'Antonius, avait dit qu'elle-même, et tout ce qu'elle avait, appartenait à Vénus. On fait constater judiciairement cette parole, on l'adjuge à la déesse, on vend ses biens. Pour avoir essayé de couvrir de cette protection religieuse quelques pauvres esclaves, elle -perd sa fortune et sa liberté.

3. Instit. I, xvi, De legitima patronorum tutela. Si le patron était mort, la tutelle revenait à ses enfants majeurs, héritiers du patronage. (Ibid. I, xvII, De legitima parentum tutela.)

4. L. 33 (Modest.), D., XXXVII, п, De bonis libertorum, et l. 5, § 1 Marcien), D., xxXVII, XIV, De jure patronatus.

déférence (obsequium) et assistance (officium). Le respect (obsequium) dû au patron ne permettait point à son ancien esclave d'intenter contre lui l'action diffamatoire; il devait supporter l'injure, il devait même n'être point trop prompt à réclamer contre un dommage réel; et, s'il fallait en venir aux voies légales, ne le faire qu'avec une extrême réserve1. Les bons offices (officia) des affranchis à son égard ne différaient pas, sans doute, de ceux des clients. Ils devaient lui faire escorte de leur personne, et lui venir en aide de leur argent, s'il mariait sa fille, s'il fallait le racheter lui-même, s'il était frappé de quelque amende ou appauvri par quelque désastre ; et ces devoirs n'étaient pas seulement de convenance, mais de stricte obligation; celui qui y manquait (inofficiosus) était frappé d'une peine, d'abord légère. La pénalité devenait plus forte, s'il passait de la négligence à de plus graves méfaits l'affront ou l'injure étaient punis d'un exil temporaire; les violences, de la peine des mines; et de même la calomnie, la subornation, etc. Un arrêt de Claude rendit à l'esclavage un affranchi qui avait soulevé contre son maître une question d'état; et la législation postė

1. L. 5-7 (Ulp. et Paul), D., XXXVII, xv, De obseq. parent. et patrono præstandis. Cf. I. 10, § 12 (Ulp.), D., II, 1v, De in jus vocando; 1. 7, § 2, XLVII, x, De injuriis; l. 1 et l. 4 (Alex.), C. J., VI, vi, De obseq. patrono præslandis.)

2. Denys d'Halicarnasse, II, 10. Cf. A. Gelle, V, 13. Martial fait allusion à ces contributions forcées, qui souvent rendaient les désastres fort productifs pour les patrons: (Ep. III, LI.)

3. L. 1 (Ulp.), D., XXXVII, xiv, De jure patronatus. Tacite (Ann. III, 20) touche au droit qu'avaient les patrons de reléguer l'affranchi coupable à vingt milles de sa résidence. Le patron portait plainte au préfet de la ville, ou, dans les provinces, au gouverneur. (L. 1, § 10, D., I, xi, De officio præf. urbis, et l. 7, § 1, D., XXXVII, xiv, De jure patronatus.)

4. L. 5 (Marcien), D., XXXVII, xiv, De jure patronatus. Cf. Suét. Claud. 25, et Dion Cass. LX, 28, p. 965, 1. 78.

rieure, après quelques variations, en revint, pour les cas les plus graves, au mode de répression le plus sévère, à la perte de la liberté 1.

A ces obligations dérivées du fait seul de la manumission, le maître, en affranchissant, pouvait ajouter des conditions particulières.

Les unes devaient précéder, les autres suivre la liberté. Ainsi on accordait quelquefois la liberté à l'esclave pour une somme convenue. Cette manière de se libérer (æs pro capite dent) était ancienne et commune'. L'esclave donnait lui-même ou faisait donner à son maître le prix fixé. Dans le premier cas, il lui restait lié comme affranchi; dans le second, il se libérait en même temps des droits du patronage. Dans le premier cas, il pouvait, sauf disposition contraire, payer de son pécule; dans le second, il ne le pouvait faire qu'autant que le maître le sût et l'approuvât*. Au lieu d'argent, on pouvait demander quelque travail à l'architecte, la construction d'un édifice; au sculpteur, une statue; au peintre, la

1. Voyez au livre suivant. Valère-Maxime (VI, 1, 6) dit que Mænius punit de mort (c'est peut-être une manière outrée d'entendre le mot animadvertit) un de ses affranchis les plus chers, pour avoir, même par distraction, donné un baiser à sa fille déjà grande. Quoi qu'il en soit du fond de l'anecdote, on ne pourrait l'entendre que d'une manumission extra-légale, qui n'avait encore de valeur que pour le maître, et laissait l'affranchi toujours esclave devant la loi.

2. Plaute, Pænul. prol. 25. Cf. III, 1, 517, et Trinum. II, iv, 521, et la note 59 à la fin du volume.

3. Le maître n'y pouvait point prétendre, puisqu'il l'avait vendu, ni l'acquéreur, puisqu'il ne l'avait acheté que d'une manière fictive; et cette fiction, qui, à la rigueur, avait une force légale, n'était point admise pourtant devant les tribunaux. (L. 1 (Sévère et Ant. Carac.), C. J., VI, Iv, De bonis libertorum et jure patronatus.)

4. L. un. (Dioclét.), C. J., IV, xxXVI, Si servus extero se emi mandaverit.

décoration d'un appartement, etc. Ces clauses, quand elles étaient contenues dans un testament, faisaient, comme toute autre condition, l'esclave libre par état (statu liber), dès le jour où la succession était recueillie, mais suspendaient sa liberté réelle jusqu'au jour de l'accomplissement ; et ainsi elles font en quelque sorte transition aux conditions imposées après la liberté1.

Ces conditions, qui modifiaient l'état de l'affranchi, n'eurent longtemps d'autres limites que le caprice du maître. En l'affranchissant, il gardait le pouvoir de rompre ou de retenir plus ou moins les liens qui le tenaient dans sa dépendance; et quelquefois il lui donna plus que la liberté : il lui laissait son pécule; il lui remettait, avec les obligations de la servitude, les droits mêmes du patronage'; il lui donnait le droit de vivre, même sans travail (otiosus), à la charge de son héritier3. Mais le droit commun se modifiait bien plus souvent en un sens contraire. S'il fallait que le patron abandonnât à l'affranchi, avec la liberté, ce qu'elle implique nécessairement, la personnalité et les droits qui s'y rattachent, il pouvait se réserver tout le reste : son temps

1. L. 12 et 13 (Ulp.), D., XL, iv, De man. testamento.

2. Ce doit être quelquefois le sens du titre d'inmunes, donné aux affranchis dans les inscriptions. (Voyez Orelli, n° 2975 et 2976.)

3. M. SATURIUS | FAUSTUS V. A. XCVI | FILIUS EUM | MANUMISIT ET NUTR. « ÕTIOSUM AN. XXV. » (Orelli, no 3005.) Remarquons, du reste, que, dans ce cas particulier, il s'agit d'un esclave qui, institué sans doute héritier par son maître, est devenu le maître de son propre père, et l'a affranchi. Plaute, dans Epidique (V, 11, 696), plaisante fort agréablement, quand il nous montre son héros se faisant prier pour recevoir la liberté, stipulant des conditions:

Nunquam, Hercle, hodie, nisi subplicium mihi das, me solvi sinam.
Oplumum atque æquissumum oras soccos, tunicam, pallium
Tibi dabo. Quid deinde porro? - Libertatem. At postea?

:

Novo liberto opu'st quod pappet. Dabitur præbebo cibum.
Nunquam, Hercle, hodie, nisi me orassis, solves.— Oro te, Epidice,
Mihi ut ingnoscas, si quid inprudens culpa peccavi mea.

ou son travail, ses œuvres (opera) soit comme serviteur (officiales), soit comme artisan (fabriles). Quelquefois l'esclave était affranchi pour servir avec plus de dignité les autels domestiques', ou bien pour continuer, avec plus de distinction, auprès du maître, ses fonctions accoutumées : condition qui, en certaines circonstances, put être recherchée comme une faveur. Plaute le montre dans une scène des Ménechmes', et il y en a plus d'un exemple fameux dans l'histoire. Qui ne connaît Tiron et les liens qui l'unissaient à Cicéron, son ancien maître, liens créés par l'esclavage, mais allégés par une amitié véritable? De même, en beaucoup d'inscriptions de l'empire, les affranchis retiennent le titre de ces occupations serviles dont ils restaient investis, sans doute, dans leur nouvel état (60); et le Columbarium de Livie nous les montre confondus avec les esclaves dans le travail de son palais, comme dans le repos de cet asile funèbre (61).

D'autres fois, sans laisser à l'affranchi les obligations ni les avantages d'un séjour continu, on lui demandait l'usage

1. « Manumissio sacrorum causa, quum a domino manumittebatur ut in familiæ sacra transiret.» (Festus, De verb. sign.) Voy. la formule restituée d'après le Cod. Farnes. p. 158, éd. Müller.

2.

Sed, patrone, te obsecro,

Ne minus inperes mihi, quam quom tuos servos fui.
Apud te habitabo, et quando ibis, una tecum ibo domum.
(Plaute, Menæchm. V, vii, 943.)

3. Tiron, qui recueillit les lettres de Cicéron, a consacré le XVI⚫ livre des Ep. ad Diversos à celles qui lui sont adressées à lui-même, ou qui le concernent principalement. Elles mettent en pleine lumière cette amitié non moins honorable pour le maître que pour l'esclave car cette familiarité, ces soins, ces égards pleins de délicatesse, dont il fut l'objet pendant sa maladie à Patras, précédèrent son affranchissement. Deux traits des lettres x et xiv (nostra ad diem dictum fient dies promissorum adest) sont entendus de la promesse de l'affranchir, qui fut accomplie à son retour à Rome.

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