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qu'il s'occupe de nous, parce qu'il veut être honoré ici-bas sous une forme déterminée, parce qu'il s'est proposé en nous créant un but éloigné vers lequel il nous conduit à travers cette épreuve terrestre. Plus la vérité révélée sera au-dessus de la raison, et plus les prêtres auront d'autorité comme interprètes de la révélation; plus les cérémonies seront déterminées et efficaces, et plus les prêtres auront d'autorité comme ministres de l'autel et dispensateurs de la grâce; plus la croyance aux peines et aux récompenses à venir sera ferme, plus elle contiendra de promesses et de menaces, et plus les prêtres seront indépendants des événements de ce monde, plus ils seront puissants dans ce monde par le moyen de l'autre. Ces conséquences s'enchaînent si étroitement qu'on peut prévoir, en restant toujours dans les termes généraux, que, si les prêtres interprètent la révélation, ils choisiront de préférence l'interprétation la plus opposée à la raison humaine; que, s'ils enseignent à la fois des devoirs de pure morale et des devoirs de piété indifférents par eux-mêmes et dépendant uniquement des prescriptions ecclésiastiques, ils donneront plus d'importance aux seconds qu'aux premiers; et qu'enfin, si le texte sacré leur permet une latitude dans la description des peines et des récompenses, ils tendront à l'exagération dans les deux sens. La raison en est que la grandeur sacerdotale croît à mesure que le dogme s'élève au-dessus des lumières naturelles, que les cérémonies acquièrent une mystérieuse

efficacité, et que l'imagination est frappée des espérances et des terreurs de la vie future.

Dans la religion naturelle, au contraire, il n'y a pas de corps sacerdotal; car, qui l'aurait institué? ni de prêtres, car d'où tiendraient-ils leur mission, et à quoi serviraient-ils? Il n'y a pas de révélation dont il faille conserver le dépôt et interpréter les termes. La raison humaine est la seule autorité reconnue; et tout homme la trouve en lui-même. La prière n'est plus qu'une aspiration vers le bien, et vers Dieu qui est la source du bien. Elle est donc indépendante des cérémonies et des formules et peut se passer de choréges. La nécessité de l'intervention divine dans le détail de la vie, n'est plus ramenée à chaque instant par les formulaires. Non-seulement le salut devient indépendant des cérémonies, mais il y a une tendance naturelle à subordonner le culte extérieur aux prescriptions de la morale ordinaire, peut-être même à le supprimer tout à fait; car le caractère de l'esprit humain est toujours d'exagérer ses tendances. Pour tout dire, en un mot, les religions positives tendent à absorber la morale dans le culte; et la religion naturelle à absorber le culte dans la morale 1.

Pendant que nous faisons ces comparaisons, pour comprendre de plus en plus la nature, la portée et les tendances de la religion naturelle, nous avons

1. Kant, Critique de la religion, IV partie, chap. vi.

beau considérer d'une manière abstraite les religions positives, la religion catholique se présente toujours à notre esprit; et, après avoir parlé des conditions de tout culte positif en général, peut-être ne serat-il pas inutile d'appliquer notre doctrine à la religion. catholique, pour vérifier, par cette application, l'exactitude des principes que nous avons posés. Qu'on nous permette seulement de considérer la religion catholique dans sa forme et dans son contenu, sans nous préoccuper de son origine. Il n'entre pas dans notre plan de discuter les preuves sur lesquelles les chrétiens font reposer la divinité de leur religion. C'est là une question très-vaste et très-compliquée, que personne ne peut aborder légèrement et traiter en quelques pages. Nous ne sommes ici ni des apologistes de la religion chrétienne, ni des adversaires. Nous faisons autre chose. Nous étudions la religion naturelle, et nous ne parlons du christianisme que par occasion, et pour mieux nous rendre compte de l'unique objet de notre étude. Rien n'est plus sincère que l'admiration et le respect que nous professons pour la religion catholique; et tout en l'examinant comme une œuvre purement humaine, nous éviterons avec le plus grand soin tout ce qui pourrait blesser des susceptibilités dont la source est, yeux, infiniment respectable. Nous exerçons un des droits de la liberté, et nous pensons qu'on n'a le droit d'être libre, qu'à condition de respecter tout ce qui est vraiment grand. Nous ne savons pas ce qui

à nos

est plus contraire à la philosophie, de l'intolérance religieuse ou de l'intolérance philosophique; et nous croyons qu'on offense également la liberté et la raison, lorsque, par fanatisme, on leur refuse le droit de se développer, ou lorsque, par haine du fanatisme, on refuse aux disciples d'une religion le droit de défendre et de manifester leur croyance.

Ce serait, à coup sûr, énoncer une vérité si vraie, qu'elle n'a pas besoin d'être rappelée, que de dire qu'il n'y a jamais eu, depuis que le monde est monde, de religion comparable à la religion chrétienne. Mais comme le christianisme comprend l'Église catholique et les diverses communions protestantes, nous dirons que le protestantisme, sous ses diverses formes, est une tendance de la religion positive à se rapprocher de la religion naturelle, tandis que le catholicisme peut être justement appelé l'idéal d'une religion positive. C'est ce que nous ferons voir en l'examinant tour à tour dans son principe, dans ses dogmes et dans sa pratique.

Le catholicisme, comme toute religion positive, a pour origine une révélation. Cette révélation est complète, c'est-à-dire qu'elle embrasse toutes les questions qu'une religion doit résoudre. Elle est explicite, et contenue dans un livre qui fait l'objet de l'admiration et des respects du monde entier. Elle est surnaturelle, c'est-à-dire qu'elle contient l'énonciation de

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mystères, ce qui la place d'emblée dans une sphère inaccessible à la raison humaine.

De plus, comme la révélation n'est pas individuelle, elle a besoin, pour être parfaite, d'un corps qui la conserve et qui l'interprète, et d'une tradition qui la consacre. Ce corps est le clergé, dont tous les membres sont unis entre eux par l'unité d'un symbole de foi, et par une organisation savante qui, depuis le pape jusqu'au dernier clerc, unit tout ce grand corps, le plus vaste qui ait jamais existé, dans une même volonté, dans un même esprit, dans une même règle. Nulle division ne peut s'introduire dans cette unité, car aussitôt que la foi est définie, et la règle tracée par l'autorité suprême, quiconque hésite à se soumettre est retranché de l'Église. Ainsi l'autorité est complète pour l'interprétation et pour la direction. La tradition, par une suite naturelle a dans cette Église toute l'autorité que la tradition puisse avoir; puisque le dogme et la règle se transmettent immuables de génération en génération, remontant ainsi jusqu'aux apôtres, et à Jésus-Christ lui-même, et au delà de Jésus-Christ, par le peuple juif, jusqu'à la création du monde. Plusieurs de ces assertions ont été et sont chaque jour contestées au point de vue de la certitude historique; mais ce que nous exposons ici, c'est l'opinion de l'Église catholique sur elle-même; et nous disons que, dans cette église, il ne manque au principe de la révélation aucun des caractères qui doivent l'entourer et le compléter.

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