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Le lendemain, le fabricant de toddy vint voir le roi et demanda l'exécution de la promesse. Le prince lui parla suivant les instructions du ministre. Et cet homme fut extrêmement satisfait. Il eut l'administration de tous les fabricants de toddy, reçut le titre de Patih Aria-di-Kara, et eut rang égal à celui de Patih Aria-Gadjah-Mada.

Cependant le Ratou de Tandjong-Poura ouït dire que le Batara de Medjapahit était son fils. Il dépêcha dans cette ville des gens qui reconnurent que le Batara était bien le fils de leur souverain. Ces messagers revinrent en hâte et dirent au roi: «Seigneur, il est certain que le Batara de Medjapahit est vraiment votre fils bien-aimé.» Transporté de joie, le Ratou de TandjongPoura envoya une ambassade à Medjapahit. La nouvelle fut bien. tôt sue partout, et tous les radjas de la terre de Java allèrent visiter le Batara et lui faire hommage.

Au bout de quelque temps, le Batara eut de son épouse OueyKasouma une fille extrêmement belle, nommée Radin GalahTchendar-Kirana. La renommée de sa beauté s'étendit dans tous les pays. Nombre de radjas vinrent la demander en mariage et ne furent pas acceptés par le Batara.

A Malaka on entendit aussi parler des charmes de cette princesse, et sultan Mansour-Chah, s'en étant épris, conçut le dessein de partir pour Medjapahit. Il ordonne au Bendahara Padouka-" Radja de faire les préparatifs. Le Bendahara convoque les hom mes, dispose tout ce qui est nécessaire au voyage, équipe cinq cents prahos de grande dimension et une infinité de petits'; car à' cette époque la flotte de Singapour comprenait cent lentcharan à trois mâts, et à Songhey-Raya on en comptait autant. Le Bendahara Padouka-Radja, le Sri Nara-di-Radja et le Sri Bidja-diRadja restèrent, ainsi que les principaux mantri et houloubalang, pour veiller à la sûreté du pays. Le roi choisit quarante beaux jeunes gens parmi les fils des Grands et quarante jeunes filles de distinction; Toun Bidja-Soura fut désigné pour être leur panghoulou. Ce Toun Bidja-Soura a été le bisaïeul du Sri BidjayaToun-Sebout, qui eut pour fils Toun-Siak, lequel est à Atcheh.

Voici les neuf principaux de ces quarante jeunes hommes: Hang Djebout, Hang Kastouri, Hang Lakir, Hang Lakiou, Hang Ali, Hang Iskender, Hang Haçan, Hang Houcéin, Hang-Touah. Ce sont là les neuf sans pareils, qui faisaient ce dont les autres étaient incapables. Pour Hang Touah, il était d'une vive intelligence, vigoureux et brave par-dessus tous. Quand il jouait avec les autres, il retroussait les manches de son badjou, en s'écriant: «Allons! qu'un Laksamana (grand amiral) vienne lutter avec moi!» Et ses compagnons l'appelaient le Laksamana, et sultan Mansour-Chah, suivant leur exemple, appelait aussi Hang Touah le Laksamana.

Il arriva une fois qu'un Javanais avait une maladie qui lui donnait des contorsions, et les jeunes gens se moquaient de lui. Sous le poids de la honte, cet homme devint fou furieux, et, courant armé d'un coutelas du Sind, il tua beaucoup de monde. Personne ne pouvait l'arrêter. La foule courait en désordre, poussant des clameurs. Hang Touah accourut. Le Javanais le vit et s'élança vers lui. Hang Touah, feignant de fuir, laissa tomber son kris. Quand le Javanais vit tomber le kris de Hang Touah, jugeant cette arme meilleure que la sienne, il la ramassa et jeta son coutelas. Mais Hang-Touah se connaissait en kris; il s'empara rapidement du coutelas et courut sur le fou. Celui-ci porta subitement un coup; le jeune homme fit un bond et l'évita. Il allongea lui-même un coup de son arme au Javanais, qu'il atteignit aux creux de la poitrine et perça de part en part. Le fou tomba mort.

La nouvelle fut portée à sultan Mansour-Chah. Ce prince fit appeler Hang Touah, lui donna un vêtement complet et lui confirma le nom de Laksamana. Ce nom resta depuis au jeune homme.

Cependant sultan Mansour-Chah manda à Indraghiri, au Maharadja de Merlang, au radja de Palembang, au radja de Djambi, au radja de Langga, au radja de Tongal, de l'accompagner à Medjapahit. Tous ces princes répondirent à l'appel. Quand tous furent présents, sultan Mansour-Chah se mit en voyage pour Med

japahit, accompagné des radjas et des jeunes houloubalang, laissant les grands chefs pour garder le royaume.

Après quelque temps de navigation ils parvinrent à Medjapahit. Averti de leur arrivée, le Batara envoya au-devant d'eux ses ministres et ses principaux officiers. Le Ratou de Daha et le Ratou de Tandjong-Poura, frères cadets du Batara, étaient présents lorsque le roi de Malaka arriva devant le souverain; celui-ci le reçut avec les plus grands honneurs, lui donna un assortiment d'habits brodés d'or enrichis de pierres précieuses, et l'assit audessus de tous les radjas. Il lui fit aussi don d'un kris dont la garde avait des ornements tressés et de quarante autres kris pour sa suite; mais tous avaient le fourreau brisé. Ces kris avaient été donnés une première fois par le Batara au Ratou de Daha pour sa suite avec les fourreaux brisés, et le Ratou avait donné des ordres pour la confection des fourreaux. Mais le Batara les avait fait voler et reprendre; puis il en avait fait don au Ratou de Tandjong-Poura, à qui il réussit encore à les faire voler. Lorsqu'ils furent remis à sultan Mansour-Chah, celui-ci donna l'ordre à Toun Bidjaya-Soura de faire confectionner les fourreaux, et Toun Bidjaya-Soura les confia aux quarante jeunes filles. de sa suite, un à chacune. Elles portèrent les kris aux boutiques et les gardèrent soigneusement; et le même jour, chaque arme eut son fourreau, sans que les filous réussissent à les enlever. Et le Batara se dit : « Il est fin, le roi de Malaka, plus fin que les autres ».

La place où se tenait le Batara était élevée de trois marches. Ses serviteurs étaient assis au bas. Il y avait aussi un chien attaché par une chaîne de fer, qui faisait face au roi de Malaka et aux radjas. Ce que voyant, Toun Bidjaya-Soura se mit à chanter un air guerrier, en secouant devant le roi de Medjapahit son bouclier garni de sonnettes. Le Batara lui dit de monter sur le Baley (estrade). Toun Bidjaya, y étant monté, continua son jeu et avec son bouclier atteignit le chien deux ou trois fois, si bien que l'animal tira sur sa chaîne, la rompit et s'échappa vers la forêt. Depuis lors on n'attacha plus le chien en cet endroit.

A côté de la salle d'audience était une estrade réservée, où personne ne pouvait s'asseoir, quel que fût son rang. Si quelqu'un se permettait d'y monter, les Javanais le piquaient avec leurs lances. On n'osait donc se mettre là.

Or, Hang Djébout dit à Hang Kastouri : « Viens, que nous essayions de monter sur cette estrade; et voyons si l'on nous en fera descendre. Soit! » dit Hang Kastouri. Un jour donc que le Batara donnait audience dans le Paséban, en présence des radjas, des Grands et de la foule, Hang Djébout et Hang Kastouri montèrent sur l'estrade interdite. Les Javanais, qui s'en aperçurent, avancèrent leurs lances. Voyant les pointes qui les menaçaient, les deux jeunes gens dégaînèrent leurs longs kris et tranchèrent complètement les lances, dont aucune ne les atteignit. Les Javanais ramassent les bouts de lances pour les raccommoder et poussent des cris. « D'où vient ce tumulte ? » demande le Batara. Patih Aria-Gadjah-Mada repond: « Hang Djébout et Hang Kastouri se sont assis sur l'estrade réservée et on les a piqués à coups de lances. » Il ajouta le récit de ce qui s'était passé. Sur quoi le Batara dit : « Qu'on ne les empêche point de s'asseoir sur cette estrade. » Le ministre transmit aux Javanais l'ordre du Batara; et depuis lors, aux audiences royales, les deux jeunes gens occupaient l'estrade réservée.

Quant au Laksamana Hang Touah, partout où il allait, les gens par leurs cris témoignaient de leur surprise, à la vue de son extérieur et de ses actes. Était-il dans le Paséban, le Paséban était en tumulte ; entrait-il au Penggongan(belvédère), le Penggongan était en émoi. Lorsqu'il passait au bazar ou ailleurs, les jeunes Javanaises devenaient en masse folles de lui. Sur son passage, les femmes quittaient le sein de leurs maris pour le voir. Et les Javanais firent pour lui ce pantoun:

« Prenez le bétel, pour apaiser l'amour. Chaque jour...

» Les vierges javanaises s'empressent à voir le Laksamana s'avancer avec les officiers du roi de Malaka. »

Le Laksamana n'avait pas deux pareils en ce temps-là. Seul,

VIII.

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un houloubalang du Ratou de Daha nommé Sanka-Ningrat pouvait tenter de lutter avec lui. On a fait sur cet officier la chanson:

« Les hommes sur le Penggongan poussent des cris c'est qu'ils ont aperçu Sanka-Ningrat, l'houloubalang du Ratou de Daha. »

Telles étaient les façons d'agir des hommes de Malaka qui se trouvaient à Medjapahit, chacun faisant à sa manière. Le Batara voyant la haute intelligence, la belle figure et la supériorité en toutes choses de sultan Mansour-Chah sur tous les autres princes, voyant que ses serviteurs eux-mêmes avaient toutes les qualités et étaient doués de finesse et d'avisement, pensa qu'il ferait bien de prendre le roi de Malaka pour gendre et de lui donner en mariage sa fille Galah-Tchendar-Kirana. Il ordonna donc à Patih Aria-Gadjah-Mada de faire faire les veillées de quarante jours et quarante nuits. On y joua de tous les instruments de musique, gong, tambour, flûte, trompette, timbales, gandir, berangsang, merdangka, kirang, selouket, tchalempoung, ban si-souling (flûte traversière), koupak, castagnettes. C'était un bruit inimaginable. Il y avait une foule de bateleurs jouant à un grand nombre de jeux, les uns avec la paume de la main, d'autres courbés en deux, d'autres faisant la roue, d'autres se hérissant (?), tels faisant des représentations théâtrales, tels autres jouant avec des pois, ceux-ci faisant la petite guerre, ceux-là chantant ou déclamant, chacun suivant ce qu'il savait faire. Les spectateurs étaient assis si serrés qu'il ne restait pas entre eux une place vide.

Le Batara de Medjapahit dit à Sultan Mansour-Chah :

<«< Voilà maintenant que les Javanais et ceux des autres villes ont joué tous leurs jeux, ceux de Malaka n'ont pas encore montré leurs talents. Ordonnez-lear de faire quelque exercice, pour que nous les regardions à leur tour. » Sultan Mansour-Chah dit à Toun Bidja-Soura: « Le Batara de Medjapahit veut que les hommes de Malaka fassent quelque exercice.» Et Toun Bidja-Soura se dit en son cœur: « Jouons au Sapou-sapou Ringhin pour faire

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