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la juger seulement un esprit fin, une ame délicate et sensible, comme on le pourrait croire d'après son influence modératrice dans le monde et d'après une lecture courante des deux charmantes productions qu'elle a publiées. Elles était plus forte, plus grande, plus passionnément douée que ce premier aspect ne la montre; il y avait de puissans ressorts, de nobles tumultes dans cette nature, que toutes les affections vraies et toutes les questions sérieuses saisissaient vivement; comme l'époque qu'elle représente pour sa part et qu'elle décore, elle cachait sous le brillant de la surface, sous l'adoucissement des nuances, plus d'une lutte et d'un orage.

La duchesse de Duras naquit à Brest dix années environ avant que la révolution éclatât. Son père, le comte de Kersaint, était un des plus habiles hommes de mer, en attendant que cette révolution fit de lui un citoyen illustre et l'un de ses martyrs. La jeune Claire fut admise dès l'âge de sept ans dans la société familière de ses parens; Mme de Duras disait volontiers qu'elle n'avait pas eu d'enfance, ayant été tout d'abord raisonnable et sérieuse. Ses sentimens affectifs trouvèrent à s'employer sans contrainte dans le foyer domestique; les évènemens de la révolution commencèrent bientôt de les distraire et d'y introduire des émotions nouvelles. On conçoit l'intérêt passionné avec lequel cette jeune ame devait suivre de loin les efforts et les dangers de son père. L'effet de douleur que lui causa la mort de Louis XVI fut le premier coup porté à cette sensibilité profonde: la mort de M. de Kersaint suivit de près. Il fallut quitter la France. Me de Kersaint s'embarqua pour l'Amérique avec sa mère dont la santé était détruite, et même la raison affaiblie, par tant de malheurs. Elle fut à Philadelphie d'abord, puis à la Martinique où elle géra les possessions de sa mère avec une prudence et une autorité bien au-dessus de son àge. Devenue tout-à-fait orpheline, et riche héritière malgré les confiscations d'Europe, elle passa en Angleterre où elle épousa le duc de Duras. Les souvenirs de cette émigration, du séjour en Angleterre, de la mort du roi, composaient en elle un fond de tableau, elle Y revenait souvent et aimait à les retracer. M. de Chateaubriand, dans ses mémoires inédits, après une vive peinture de cette même époque d'émigration en Angleterre, et des diverses personnes qu'il y rencontra, ajoute: Mais très certainement à

cette époque, Mme la duchesse de Duras, récemment mariée, était à Londres; je ne devais la connaître que dix ans plus tard. Que de fois on passe dans la vie, sans le deviner, à côté de ce qui en ferait le charme, comme le navigateur franchit les eaux d'une terre aimée du ciel qu'il n'a manquée que d'un horizon et d'un jour de voile!»

Rentrée en France à l'époque du Consulat, et apportant pour soin principal et aliment de tendresse ses deux filles, seuls enfans qu'elle ait jamais eus, elle vécut isolée sous l'Empire, sans jamais paraître à cette cour, le plus souvent retirée à un château en Touraine, toute à l'éducation de ses filles, à la bienfaisance pour ce qui l'entourait, et à la vie de ménage. Simple comme elle était, il semble qu'elle aurait pu s'ignorer toujours. Elle avait un don singulier de se proportionner à chaque chose, à chaque personne, et cela naturellement, sans effort et sans calcul; elle était très simple avec les simples, peu spirituelle avec les insignifians, non par dédain, mais parce qu'il ne lui venait alors rien de plus vif. Elle racontait qu'on disait souvent d'elle toute jeune : « Claire est très bien, c'est dommage qu'elle ait si peu d'esprit!» L'absence de prétention était son trait le plus distinctif. Elle ne songeait nullement alors à écrire. Elle lisait peu, mais les bons livres en divers genres, de science quelquefois ou autres; les poètes anglais lui étaient familiers, et quelques vers d'eux la faisaient rêver. Mariant ainsi cette culture d'esprit aux soins les plus réguliers de sa famille et de sa maison, elle prétendait que cela s'entr'aide, qu'on sort d'une de ces occupations mieux préparé à l'autre, et elle allait jusqu'à dire en plaisantant que d'apprendre le latin sert à faire les confitures. Cependant les plus nobles et les plus glorieuses amitiés se formaient autour d'elle. M. de Chateaubriand lui consacrait des heures, et elle écrivait fréquemment sous sa dictée les grandes pages futures. Dès lors, je crois, elle entretenait avec Me de Staël un commerce de lettres et des relations qui plus tard, au retour de l'exilée illustre, devaient encore se resserrer. Pour ceux qui n'ont vu que les portraits, il est impossible de ne pas trouver entre ces deux femmes, dont les œuvres sont si différentes de caractère, une grande ressemblance de physionomie, ne serait-ce que dans le noir des yeux et dans la coiffure. Mais l'ame ardente, la faculté

Tel est le problème à résoudre : telle est la situation présente d'O'Connell,

Qu'il réussisse à descendre de ce trône glissant qu'il occupe; que son abdication soit aussi habile que son usurpation a été brillante, et cet homme, le plus audacieux, le plus puissant des démagogues modernes, sera le plus complètement heureux des hommes politiques qui ont joué un rôle sur notre scène turbulente.

Aux yeux de ceux qui jugent superficiellement la politique intérieure des trois royaumes, ce portrait d'O'Connell paraîtra sévère et même inique ; on croira que les préjugés protestans et les affections anglaises ont influé sur l'auteur de ces pages; on s'étonnera qu'un ami de la liberté n'ait pas ménagé davantage l'homme dont toute la vie a été dévouée aux intérêts de l'indépendance nationale. Peutêtre en effet, à notre insu, les idées et les souvenirs britanniques nous ont-ils dominé. Mais en jetant les yeux sur ces fertiles plaines irlandaises et sur les fléaux qui en dévorent la fécondité; en examinant de près l'état de l'Irlande, sa barbarie féodale, sa misère profonde, on ne peut s'empêcher de regarder les agitateurs publics et ceux dont la gloire et la fortune ont pour base les orages et les malheurs de la patrie, comme les véritables causes de ces énormes calamités. Que le gouvernement anglais se soit montré tyrannique, que la conquête anglaise ait écrasé l'Irlande, rien de plus vrai; mais cette tyrannie n'existe plus; mais les chaînes dont ce pays était couvert sont tombées l'une après l'autre ; et si leur empreinte douloureuse subsiste encore, au temps seul il appartient de l'effacer.

Le paysan irlandais jouit de la liberté individuelle; ses droits sont aussi étendus, aussi complets que ceux de tous ses concitoyens; il ne paie pas plus d'impôts qu'eux; il ne peut se plaindre d'aucune injustice. Et cependant l'Irlande est toujours pauvre et barbare! Qui s'en étonnerait? La fièvre politique l'agite et la dévore: l'agriculteur qui possède des capitaux, de l'activité et du bon sens, néglige de les employer à l'exploitation de ses terres; il sait que sa vie est menacée, qu'une population haineuse l'environne, que l'amélioration de ses biens, le progrès de son industrie lui sont odieux, et qu'elle ne veut ni souffrir qu'il s'enrichisse, ni l'imiter dans ses efforts. Le protestant, en butte à l'animosité des catho

liques, réalise ses économies et part pour l'Amérique septentrionale; la police et les soldats, chargés de maintenir l'ordre, sont entourés de pièges et forcés de lutter contre tout un peuple en armes; un détachement est-il massacré, les coupables sont protégés par leurs voisins; et O'Connell, tout en condamnant le meurtre, emploie sa gigantesque influence à les protéger contre la loi. Le manufacturier cherche-t-il à employer son capital avantageusement; ses ouvriers, animés par des harangues factieuses, se coalisent contre lui: dans son désespoir, il abandonne son entreprise et va chercher ailleurs une exploitation moins lucrative peut-être, mais plus certaine. Comme on a beaucoup déclamé contre les absentees ou Irlandais qui s'exilent de leur pays, le propriétaire essaie de venir habiter l'Irlande. Si ses biens sont situés dans une des provinces du sud, on tue ses domestiques, on outrage sa famille, on brûle ses fermes, il vit au milieu de l'insurrection. Au moindre acte d'indépendance qui déplaît aux agitateurs, il est dénoncé à la populace, tourmenté et insulté dans le sein de sa famille, poursuivi jusque dans ses foyers.

Malheureux pays que celui où tous les rapports de famille et de société sont empoisonnés par le fanatisme politique et religieux ! Industrie, commerce, vertus publiques et privées, tout s'anéantit, tout disparaît sous cette influence délétère. Les politiques européens, qui désirent la chute du colosse britannique, n'ont pas d'instrument et d'allié plus sûr que le brillant O'Connell et la faction qu'il commande. Quant à ceux qui aiment l'Angleterre et qui désirent non-seulement la stabilisation de son gigantesque pouvoir, mais son application utile à la grande cause de la civilisation, ils ne peuvent que regarder avec douleur et avec crainte ces hommes effrénés, dont la violence, arrachant sans cesse au gouvernement de nouvelles mesures despotiques, le force de s'allier aux partisans de l'autorité arbitraire, et le précipite ainsi dans les bras des ennemis éternels de la justice et de la vérité.

UN MEMBRE DU PARLEMENT,

BELLA-UNION.

DESTRUCTION RÉCENTE

Des Indiens Guaranis et Charruas.

L'année dernière, à peu près à pareille époque, tout ce que Paris renferme de curieux et d'oisifs courait voir comme des animaux d'une espèce rare, les quatre Indiens Charruas importés de l'Amérique du Sud par un spéculateur. Ces malheureux que nous avons vus froidement mourir du mal du pays, entre un rhinocéros et un boa, sont aujourd'hui complètement oubliés comme les Osages de la restauration. On pourrait disserter longuement sur ce sujet, ne fût-ce que pour montrer la différence admirable qu'établit dans la condition des hommes celle qui existe dans la couleur de leur peau, quoique le siècle se pique de tenir toutes les races pour égales. Un nègre est libre en mettant le pied sur le sol de la France: fou serait celui qui tenterait de gagner sa vie en le colportant dans les foires à la suite d'une ménagerie; mais un Indien ! sauf une voix ou deux qui crient timidement dans le désert, sans arriver aux oreilles du procureur du roi, tout le monde trouve cela parfaitement juste et naturel. L'Indien ne représente exactement qu'un crâne de plus pour une collection phrénologique, un masque en plâtre pour celle du muséum d'histoire naturelle, et une dissertation académique. Nous en sommes encore à cet égard aux premiers temps de

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