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le maintien de notre ancienne position dans ces contrées; pas un mot pour les populations chrétiennes non-seulement de cette partie de l'empire ottoman, mais pour celles de toutes les autres provinces de cet empire, où ces populations sont opprimées et où elles tournent leurs regards et leurs cœurs vers nous. «Et, continuait l'orateur dans l'effusion de sa pensée religieuse, si nous étions rentrés dans le concert européen avec cette belle et noble mission de protéger les peuples chrétiens de l'Orient, c'eût été vraiment là une œuvre grande et réparatrice, dont le pouvoir et le pays auraient à l'envie à se féliciter. » L'orateur ne voyait dans la convention des détroits, autre chose qu'un renouvellement du fameux traité d'Unkiar-Skelessi. En effet, on y stipulait comme si la Russie n'était pas maîtresse de la mer Noire, et par conséquent du Bosphore on s'interdisait la faculté d'aller voir ce qu'elle y faisait; on lui livrait aveuglément les côtes de Circassie et les bouches du Danube. L'Angleterre n'y gagnait rien; l'Allemagne y perdait la libre disposition du Danube, cette grande artère de sa vie commerciale et politique; la France y laissait les derniers restes de son crédit en Orient :

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Je ne puis voir dans cette convention que l'ambition, selon moi à jamais regrettable, d'apposer encore une fois le nom de la France parmi ceux de ces grandes puissances, où l'on n'a pas encore trouvé un ami sîncère j'y vois le sceau mis à cette déplorable politique qui préside depuis dix années à notre système extérieur; qui a fait du déclin de notre grandeur et de l'annulation de notre influence, un lieu commun de la politique européenne.

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» Ce système, je l'ai toujours attaqué, et je persiste à l'attaquer encore, il n'y a plus besoin d'ailleurs de longs discours pour le juger: un fait seul suffit.

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» Je défie M. le ministre des affaires étrangères de se lever dans cette enceinte ou dans une autre assemblée, et de nommer une nation quelconque de l'Europe sur laquelle la France puisse compter, grande ou petite, puissante ou faible: je le défie de nommer dans le monde un peuple qui soit notre ami, qui compte sur nous, à qui nous inspirions, soit de la crainte,

soit de la confiance : j'ai beau retourner toutes les pages des annales de la patrie, j'y cherche en vain une situation pareille.

Mais il était un reproche plus grave que l'on pouvait adresser à cette politique vis-à-vis de l'étranger : c'était le reproche d'affaiblir la force conservatrice du gouvernement contre ses ennemis. Si l'orateur était partisan d'une sorte de mouvement à l'extérieur, il était aussi partisan, et partisan très-ardent de la résistance à l'intérieur. A la vue de certains désordres intérieurs ( événements de Toulouse, Clermont, etc.), il lui paraissait impossible de re pas croire que l'état social du pays était en proie au plus grave danger. A la liberté de la presse, à peu près illimitée, garantie du reste par nos lois et par nos mœurs, était venu se joindre, selon l'orateur, la liberté de l'émeute garantie par la déplorable indulgence du jury. «C'est trop de ces deux libertés ajoutait M. de Montalembert; c'en est bien assez d'une seule. » Iljetait ensuite un coup-d'œil sur la conduite des partis, Tout en ne confondant pas avec les ennemis acharnés de l'ordre social tous les hommes de la gauche et tous ceux de la droite, il croyait pouvoir les accuser de se laisser trop souvent aveugler sur le rôle qu'on leur prêtait de ne pas avoir le courage de désayouer suffisamment ceux qui se servait de leur nom, de leurs actes, pour leur faire porter la responsabilité des malheurs que l'on espérait attirer sur le pays.

Une portion du parti légitimiste lui paraissait surtout coupable : user des bienfaits de l'ordre et de l'autorité, en les minant chaque jour, profiter de toutes nos luttes et de tous nos succès en travaillant à toutes nos défaites, se servir des conquêtes de laliberté dont on a toujours été l'ennemi, pour faire croire au pays qu'il est sous le joug du despotisme et de la spoliation, telle était aux yeux de M. de Montalembert la tactique de ce parti : « Je cherche en vain dans l'histoire, continuait-il, l'exemple d'une politique aussi indigne et d'une immoralité aussi flagrante. >>

L'orateur s'élevait avec non moins de vivacit écontre un système d'insulte continuelle, de calomnies odieuses, spécialement organisé contre ceux qui refusent d'être les complices passifs ou actifs des ennemis de l'ordre social et du gouvernement établi être ennemi du gouvernement, est une espèce de carrière pour la jeunesse, une profession libérale!

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« D'où vient un état social tellement contraire à la nature, et je dirai même tellement contraire à tous les antécédents du genre humain? Ce me paraît, en vérité, une grande pitié de voir de grands politiques se figurer qu'en adjoignant à la liste électorale quelques notaires et quelques avocats de plus, en excluant quelques procureurs généraux de la Chambre élective, et en remplaçant quelques-uns des ministres qui sont là devant moi par d'autres notabilités parlementaires, le mal sera déraciné ou considérablement diminué : je crois, moi, que la cause de ce mal est beaucoup plus haut et beaucoup plus bas que dans cette petite sphère de prétendues réformes et de bouleversements ministériels. Plus haut! parce que l'absence d'une moralité supérieure, l'absence de grands caractères basés sur d'autres fondements que sur les passions politiques, sur les discussions quotidiennes, sur les petites guerres périodiques entre les hommes du pouvoir, est une cause incontestable d'infirmité pour le pays. Quand je parle d'une moralité supérieure, vous entendez bien que je n'ai pas la prétention de descendre dans la vie privée; mais je regrette dans nos hommes publics l'absence visible de ces principes supérieurs, sacrés, immortels, sans lesquels il n'est point de grandeur réelle pour les individus et pour les peuples.-Beaucoup plus bas! parce qu'il se forme de plus en plus dans notre pays une masse nombreuse, douée d'énergie, de courage, de mépris de la vie, et qui ne croit à rien, qui n'aime rien, et qui surtout ne respecte rien. •

M. de Montalembert voyait la cause du mal dans l'absence de toute croyance religieuse et dans le monopole de l'instruction exercé par l'université.

M. Villemain répondit que lors de la fondation de l'université en 1808, ce fut précisément l'esprit monarchique et religieux, dans ce qu'il a de plus élevé, i accueillit cette création comme une espérance et un et qu'elle marqua, en effet, un retc les plus saines.

la société,

grés vers

Cela est vrai, répliqua M. de Montalembert; mais alors elle a bien mal rempli sa mission; car il n'y a pas de pays où les éléments religieux et monarchiques soient plus rares qu'en France.

M. Villemain reprit que, le préopinant ne devait pas généraliser les torts dont il se plaignait, et qu'il devait, au contraire, reconnaître que dans cette société où la puissance du mal s'est trop développée, la puissance du bien s'est développée cent fois plus encore, et que c'est par là que l'ordre existe et se fortifie.

Deux orateurs furent encore entendus dans la même séance. M. d'Alton-Shée en faveur du projet, M. de Brézé dans le sens opposé. Le premier de ces deux orateurs approuvait sans restriction la convention du 13 juillet, qui nous a permis de rentrer dans le concert européen, de renoncer à l'isolement, de travailler à mettre de l'ordre dans nos finances, de désarmer. Le second, après, un rapide coup-d'œil sur l'Espagne, qu'il envisageait du point de vue où il s'était placé les années précédentes, critiquait vivement le traité de juillet. Il pensait, du reste, que l'issue de la question espagnole serait encore plus fatale à la France que le réglement opéré sans elle des affaires d'Orien'; notre exclusion du traité du 15 juillet nous avait fait perdre les avantages futurs réservés à ceux qui y avaient pris part; l'isolement dans lequel ce traité nous avait placé en nons enlevant le pouvoir de rétablir dans la Péninsule un gouvernement qui nous offrait des garanties. d'ordre et une alliance durable, enlevait à la France la position qui l'avait faite la plus puissante monarchie du monde.

12 Janvier. Le ministre des affaires étrangères ne s'expliqua point sur les négociations pendantes entre le gouvernement français et le gouvernement espagnol; mais il répondit aux observations présentées par M. de Brézé : Le gouvernement français avait vu avec plaisir le traité de

Bergara, parce qu'il annonçait le terme d'une guerre civile en Espagne. Une autre guerre civile avait paru sur le point de recommencer des bruits avaient été répandus sur la part que le gouvernement du roi y aurait prise: çes bruits étaient dénués de tout fondement. Dans cette occasion, comme dans toutes les autres, le gouvernement avait agi envers l'Espagne dans la seule pensée d'aider' au rétablissement de l'ordre et à la pacification générale de ce pay.s Une seule des demandes du cabinet espagnol, celle qui avait rapport à la reine Christine avait été à l'instant et positivement réfusée. Une autre considération avait encore contribué à diriger la condvite du gouvernement: c'est que, ne prétendant point à exercer en Espagne une influence exclusive, ila aussi la prétention qu'aucune influence exclusive n'y soit exercée aux dépens de la France et contre la France. La politique de Louis XIV et de Napoléon, quant à l'Espagne, n'est plus la politique à suivre.

Quant aux affaires d'Orient, elles étaient dans une situation bien différente de celles où elles se trouvaient en 1840. En effet, en quel état était à cette époque la question d'Égypte? Le pacha chassé de Syrie, sa déchéance prononcée, son existence en Égypte menacée. Au contraire, 'au moment où parlait le ministre, le pacha était en Égypte ; son existence n'était plus contestée par personne; elle était consacrée par la Porte; non pas garantie, mais reconnue, approuvée par les grandes puissances.

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De même à Constantinople, au 29 octobre, tout était dans l'incertitude. Depuis on a fait passer la clôture du détroit dans le droit public européen; principe qui est un gage de sécurité pour l'empire ottoman et pour la paix de l'Europe. Si à ce principe on substituait par la pensée celui de l'ouverture, à l'instant l'on voyait la Russie sans cesse inquiète dans la mer Noire, inquiète de voir entre les mains de tout le monde, comme le disait l'empereur Alexandre, la clef de sa maison. On voyait la Porte sans cesse menacée, compromise

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