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On ne sait rien de la naissance ni de la famille de Silius Italicus. On a essayé, à l'aide de ses noms, de lui faire des ancêtres et une patrie. On a supposé avec quelque raison qu'il était d'une race antique, humble et plébéienne d'abord, mais anoblie depuis par les honneurs et les dignités. Le nom de Silius paraît pour la première fois dans l'histoire l'an 346 de Rome, avec un certain éclat et dans une occasion remarquable. Blessé contre les patriciens qui lui avaient fermé les élections tribunitiennes, le peuple voulut prouver son dépit et se venger aux élections de questeurs : sur quatre candidats, il ne nomma qu'un seul patricien, et trois plébéiens, Q. Silius, P. Elius et P. Pupius, « qu'il préféra, dit Tite-Live, aux fils des plus illustres familles ; et ce fut là, ajoute l'historien, une importante victoire pour le peuple; non que l'honneur de cette questure fût d'un grand prix à ses yeux, mais c'était pour les hommes nouveaux un chemin ouvert au consulat et aux triomphes'. » Il paraît que la famille des Silius fit de rapides et brillans progrès dans cette route; car on retrouve un peu plus tard, entre plusieurs autres, un P. Silius, préteur en 694, et propréteur de la Bithynie et du Pont en 7022; un P. Silius Nerva, consul en 7813; un autre en 8184; un C. Silius, consul en 766 5; un autre, ami de Germanicus et lieutenant de la Germanie supérieure, en 7676; son fils, C. Silius, consul désigné, en 8007. Ce dernier alla trop loin le peuple n'avait songé qu'aux triomphes et au consulat; C. Silius voulut aspirer à l'empire; il fit plus : amant de Messaline, il osa l'épouser, Claude vivant, et à la face de ses rivaux, les porte-faix de Rome; il dépassait le but, il fut tué. Le peu

I. TITE-LIVE, liv. IV, ch. 64.

2. CICERON, Épít. Fam., vII, 21; 1x, 16; x111, 47.

3. PLINE, VIII, 40; SOLIN, ch. 15; TACITE, Ann., iv, 68.

4. TACITE, Ann., xv, 48.

5. SUÉTONE, Aug., ch. 101.

6. TACITE, Ann., 1, 31, 72; 11, 6, 7, 25; 111, 42, 45; iv, 18, 19.

7. TACITE, Ann., x1, 5, 12, 13, 26, 27, 32, 35.

:

ple simple et naïf de l'an 346 ne se doutait guère, au milieu de ses luttes républicaines, que cette voie, qu'il frayait si large et si belle à l'ambition de ses partisans, les mènerait un jour aux Gémonies, en passant par le lit des impératrices.

Le surnom d'Italicus, qui ne pouvait être qu'un vague indice du lieu de naissance du poète, a donné matière à des suppositions sans nombre. On a écrit là-dessus vingt pages de commentaires, où l'érudition s'est mise à l'aise, sans produire un résultat satisfaisant. Deux opinions, aussi peu fondées l'une que l'autre, ont divisé les biographes en deux camps. Les uns font naître Silius à Italica, ville de l'Espagne Bétique et patrie de Trajan. Plusieurs écrivains de cette époque, Lucain, Martial, les Sénèque, étaient venus d'Espagne : ce qui donnait quelque vraisemblance à cette première supposition. Mais on a fait observer que les habitans d'Italica étaient partout, et dans Étienne de Byzance', et dans Aulu-Gelle, et dans une inscription3, nommés Italicesi ou Italicenses, et non pas Italici. Martial d'ailleurs, qui était Espagnol, et qui se vantait si volontiers d'avoir Silius pour ami, se fût bien autrement glorifié de l'avoir pour compatriote, et il n'a pas dit un mot de cette origine commune. D'autres ont assigné pour patrie à Silius Corfinium, capitale des Péligniens, qui, d'après Strabon4, fut appelée Italica dans la guerre Sociale; mais Velléius Paterculus dit seulement qu'on eut le projet de donner à Corfinium ce nom qu'elle ne porta jamais5. César, Cicéron, Pline, Sénèque, Frontin, Lucain, citent souvent Corfinium

1. De Urbibus : Εστι καὶ Ἰταλικὴ πόλις Ιβηρίας· τὸ ἐθνικὸν, Ιταλικήσιος. 2. Nuits att., liv. xvi, ch. 13.

3. GRUTER, page 385, no 1.

4. Liv. v, p. 16η : Κορφίνιον, τὴν τῶν Πελιγνῶν μητρόπολιν, κοινὴν ἅπασι τοῖς Ἰταλιώταις ἀποδείξαντες πόλιν, ἀντὶ τῆς Ῥώμης, ὁρμητήριον τοῦ πολέμου, μετονομασθεῖσαν Ιταλικήν.

5. Liv. 11, ch. 16: « Caput imperii sui Corfinium legerant, quod appellarent Italicum. »

sans parler de son autre nom d'Italica, et Silius lui-même, qui fait mention de cette ville, liv. vín, v. 522,

Corfini populos magnumque Teate trahebat,

n'a pas songé à rappeler, au moins indirectement, qu'elle était sa patrie, et qu'il lui devait son nom. Au surplus, dans l'un et l'autre cas, il faut toujours en revenir au dérivé, à ce fatal Italicensis ou Italicesius, opposé tout-à-l'heure aux partisans de l'Italica espagnole. « Il est donc à supposer, dit Schoell', que le nom d'Italicus était porté par la famille dont Silius était issu; ce nom aura été donné à un de ses ancêtres, originaire de l'Italie, et qui se sera établi dans une des provinces de l'empire, pour y exercer une magistrature ou le

commerce. >>

CAIUS OU PUBLIUS SILIUS ITALICUS naquit, à ce qu'on croit, sous le règne de Tibère, l'an 778 de Rome (25 de J.-C.), douze ou treize ans avant Lucain, quinze ans avant Martial et Juvénal, trente-cinq ans avant Stace: Sénèque avait environ vingt ou vingt-deux ans. Rome était livrée alors aux rhéteurs et aux professeurs d'éloquence et de déclamation. Le Forum était l'entrée à tout le jeune Romain qui voulait parvenir devait suivre ces écoles où l'on enseignait à grand bruit l'art oratoire. Silius étudia l'éloquence : il écouta les leçons de ces déclamateurs maniaques et furieux dont parle Pétrone3; mais il est à croire qu'il en profita peu : il choisit pour réussir dans l'art de la parole, alors si ridiculement avili et prostitué,

1. Hist. abrégée de la littérat, romaine, tome 11, page 297.

2. Ce prénom varie avec les éditeurs. Modius et Glandorp veulent Publius; Cellarius, qui a fait sur Silius une excellente notice*, préfère avec Dausq le prénom Caïus, parce que, dit-il, ce prénom a été plus souvent que l'autre donné aux Silius. Depuis Cellarius, Caïus a prévalu.

3. Satyricon, ch. 1.

* A la tête de son édition de Silius, Lips., 1695. C'est là que j'ai puisé la plupart des renseignemens que je donne ici.

un guide meilleur et plus sûr. Il prit Cicéron pour modèle, et ne le quitta plus; et c'est, sans doute, à l'étude sévère et approfondie qu'il fit de ses préceptes, à l'heureuse application qu'il leur sut donner, qu'il dut plus tard ses longs et glorieux succès au barreau. C'était déjà, au milieu de cette corruption des lettres, une preuve singulière de bon sens et de jugement, que cet hommage rendu à Cicéron, que cette lutte d'un jeune homme contre le mauvais goût qui dominait dans Rome : mais on ne lui a tenu aucun compte de ces louables efforts, non plus que du culte reconnaissant qu'il voua par la suite au grand orateur, ainsi qu'à Virgile, qu'il choisit pour seul maître en poésie, quand Sénèque, Lucain, Stace et Va-> lérius Flaccus s'abandonnaient, comme on l'a justement remarqué1, à l'imitation plus facile d'Ovide,

Mais ce n'était point assez de méditer Cicéron pour arriver au crédit et à la fortune: le talent ne suffisait pas pour enrichir l'avocat. Juvénal l'a dit :

Dic igitur, quid caussidicis civilia præstent
Officia, et magno comites in fasce libelli?

Ipsi magna sonant, sed tunc, quum creditor audit,
Præcipue; vel si tetigit latus acrior illo

Qui venit ad dubium grandi cum codice nomen.
Tunc immensa cavi spirant mendacia folles,
Conspuiturque sinus. Veram deprendere messem
Si libet, hinc centum patrimonia caussidicorum,
Parte alia solum russati pone Lacernæ.....

Passons donc au Forum: voyons quelle fortune,
A ceux que des plaideurs la cohue importune,
Rapportent du barreau les éloquens débats

Et ces sacs de papiers qu'ils traînent sur leurs pas.
Ils font grand bruit, surtout lorsqu'avec défiance
Un client inquiet assiste à l'audience,

1. M. D. NISARD, Études sur les poètes latins de la décadence, tome 1, page 51.

Ou qu'un autre, plaidant sur un titre douteux,
Armé d'un long journal, vient s'asseoir auprès d'eux.
Alors, de leurs poumons gonflés comme une éponge,
Ils expriment le fiel, ils soufflent le mensonge,
Et l'écume à grands flots se répand sur leur sein.
Eh bien! te plairait-il d'apprécier leur gain?
Choisis cent avocats, des mieux famés de Rome,
De leurs biens réunis d'un côté mets la somme,
De l'autre les biens seuls de l'huissier Machéra:
Sur les cent orateurs l'huissier l'emportera.

Il fallait être riche ou paraître riche avant d'être avocat; il fallait, pour se mettre en vogue et attirer à soi toutes les causes, briller aux yeux, les éblouir du somptueux appareil d'un faste de louage et d'emprunt, au risque d'épuiser son patrimoine et de compromettre celui des autres à ces folles dépenses.

Hujus enim stat currus aheneus, alti
Quadrijuges in vestibulis, atque ipse feroci
Bellatore sedens, curvatum hastile minatur
Eminus, et statua meditatur prælia lusca.
Sic Pedo conturbat, Matho deficit; exitus hic est
Tongilli, magno cum rhinocerote lavari

Qui solet, et vexat lutulenta balnea turba,

Perque forum juvenes longo premit assere Mosos,
Empturus pueros, argentum, murrhina, villas:
Spondet enim Tyrio stlataria purpura filo.
Et tamen est illis hoc utile; purpura vendit
Caussidicum, vendunt amethystina; convenit illis
Et strepitu et facie majoris vivere census.
Sed finem impensæ non servat prodiga Roma.
Fidimus eloquio? Ciceroni nemo ducentos

Nunc dederit nummos, nisi fulserit annulus ingens.

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Sous son portique un quadrige pompeux

Et sa statue équestre, et ce front belliqueux,
Et ce dard qu'il dirige au loin d'un œil oblique
Attirent le respect et la faveur publique.

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