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INTRODUCTION.

L'ORATEUR est un des écrits les plus parfaits de Cicéron. Les critiques les plus distingués le regardent comme le chef-d'œuvre de ses traités de rhétorique; cependant il est resté long-temps peu connu, et ne paraît pas avoir été d'abord apprécié. En 855, il n'y en avait pas dans toute la France (MURATOR. Antiq. Ital., tome 111, page 835), un seul exemplaire complet. L'Orateur fut retrouvé pour la première fois en 1419, par Gérard Landriano, évêque de Lodi, qui en confia le manuscrit à Gasparini de Bergame. Voici comment celui-ci, dans une lettre à l'évêque de Lodi, parle et du manuscrit et de la copie qu'il en fit fáire : Feci autem, ut pro illo vetustissimo, ac pæne ad nullum usum apto, novum, manu hominis doctissimi scriptum (COSME DE CRÉMONE), ad illud exemplar correctum, alium codicem haberes. Si le manuscrit, d'où paraissent cependant venir tous ceux qui ont servi à imprimer les éditions, fut jugé sévèrement, l'ouvrage ne le fut pas moins. On en peut voir la censure aussi injuste qu'amère dans l'ouvrage de Ramus, intitulé: Petri Rami Brutinæ quæstiones in Oratorem Ciceronis, ad Henricum Valesium, Franciæ regem. Paris, 1552.

Ramus, dans cet ouvrage singulier, pour ne rien dire de plus, reproche à Cicéron de donner aux disciples de l'éloquence d'autres préceptes que ceux qu'il a suivis lui-même. Numquid, lui dit-il, aliter de rhetorica arte, aliter de Milone dicendum existimas?

Nous ne chercherons pas assurément à réfuter Ramus. L'Orateur n'a besoin ni d'avocat, ni d'apologiste.

Les grands écrivains, les grands hommes ne sont peut-être pas toujours les meilleurs appréciateurs de leur génie. Il en est toutefois qui se rendent justice, et ne font que prévenir le jugement de la postérité. Cicéron nous paraît être de ce nombre, et il ne sera pas indifférent de connaître sa prédilection pour l'Ora

teur.

· Mihi quidem, écrit-il à Q. Lepta ( Ep. fam. v1, 18), sic persuadeo, me quidquid habuerim judicii de dicendo, in illum librum contulisse.

II,

L'Orateur fut composé après le Brutus. Cicéron (de Divinat. 1) range ses principaux ouvrages de rhétorique dans l'ordre suivant: Ita tres erunt de Oratore; quartus, Brutus; quintus, Orator. I cite d'ailleurs son Brutus dans l'Orateur, ch. VII. Enfin, si dans ce dernier ouvrage Brutus est représenté (ch. x) comme faisant le bonheur de la Gaule, on voit dans l'autre (ch. XLVI) qu'il n'était pas encore parti pour cette province.

Le second titre que porte l'Orateur, dans quelques manuscrits, de Optimo genere dicendi, titre que lui donne Cicéron lui-même (Ep. famil. x11, 17; ad Attic., XIV, 20), explique suffisamment le sujet de ce traité. Le but que s'y propose Cicéron n'est pas de dicter les règles de son art, mais de tracer le portrait du parfait orateur. Il déclare (ch. 11) que, pour tracer ce portrait, il ne prendra modèle sur aucun orateur connu; mais persuadé qu'il n'y a rien de si beau, en quelque genre que ce soit, qui ne le cède à une beauté primitive, dont les autres ne sont qu'une imparfaite ressemblance, il remonte avec Platon jusqu'aux principes éternels et immuables, jusqu'aux idées. Arrêtons-nous un moment sur ce mot idées. Ce mot, Cicéron nous le rappelle (ch. 111), est emprunté à Platon. Il appartient, dit encore Cicéron, à une doctrine ancienne et même obscure; et, tout en tirant son début de cette doctrine, le grand orateur craint de déplaire, ou au moins d'étonner. Quelle est donc la puissance de cette doctrine des idées ? Ce mot, ce système que Cicéron n'adopte que timidement, a été reproduit ou admiré avec un enthousiasme aussi vif et pur qu'il est honorable pour l'humanité, par les génies les plus distingués des temps modernes. Voyez DESCARTES; voyez MALEBRANCHE, surtout dans son livre de la Recherche de la vérité; FÉNELON dans sa Lettre à l'Académie française, et dans ses Lettres sur la religion; ANCILLON dans la plupart de ses écrits, et particulièrement dans son admirable Essai sur les grands caractères; COUSIN, dans tous ses écrits. Cette digression, si c'en est une, prouve du moins à quelle hauteur s'est placé Cicéron pour reconnaître les traits merveilleux, pour contempler l'image divine de la parfaite éloquence. On peut dire de lui ce qu'il dit de Phi

J.

dias, ch. 11 de l'Orateur : Ipsius in mente insidebat species pulchritudinis eximia quædam, quam intuens, in eaque defixus, ad illius similitudinem artem dirigebat.

Nous finirons cette notice par l'analyse rapide de l'ouvrage même.

Vivement pressé par Brutus de donner son avis sur le genre d'éloquence le plus parfait, Cicéron annonce que son but est de tracer le portrait idéal de l'orateur (1-11). Il avoue qu'il est moins redevable de son talent oratoire aux leçons des rhéteurs qu'aux secours de la philosophie académicienne; il déclare que sans l'étude de la philosophie il ne peut y avoir d'éloquence parfaite (111-v). Il distingue les trois genres de style, le simple, le tempéré, le sublime, et à cette occasion il examine en quoi consiste le caractère du style attique; il cite Démosthène pour modèle (v1-1x). Après avoir témoigné à Brutus sa vive et tendre amitié, sa profonde estime, il dit quelques mots du genre démonstratif, faît à cette occasion l'éloge d'Isocrate, et établit ensuite que l'orateur a trois fonctions à remplir, la première, de trouver les choses qu'il doit dire, la seconde, de les mettre en ordre, la troisième, de les exprimer; il passe légèrement sur les deux premières (x-xv); il parle spécialement de l'élocution (xv1), puis de l'action, qui se compose de la voix et du geste (xv11-xvIII). Il établit que l'éloquence est tout entière dans l'élocution, et que cette partie renferme toutes les autres. Il distingue l'éloquence du langage des sophistes (x1x), des historiens et des poètes (xx); ne regarde comme éloquent que celui qui, devant les juges, et en tout discours public, sait prouver, plaire, émouvoir, et parle à ce propos des bienséances oratoires (xx1-xx11). Il expose le caractère de chaque genre de style en particulier, et premièrement le caractère du style simple (xx111-xxvi); puis le caractère du style tempéré (XXVII); enfin le caractère du style sublime (xxvIII).

Il enseigne l'art de varier les trois genres d'élocution, selon l'exigence du sujet, et cite son propre exemple (xxIx-xxx1). L'orateur, dit-il, a besoin de connaissances profondes et variées (XXXII-XXXIV). Il établit ce que l'orateur doit observer en chaque genre d'éloquence, en chaque espèce de cause et en chaque partie du discours (xxxv-xxxv111). Il traite des ornemens du discours, des figures de mots, et des figures de pensées (xxxIx-XL.)

Ici commence la seconde partie, que nous analyserons plus rapidement; car elle est pour nous moins intéressante que la première, quoique peut-être Cicéron y attachât plus d'importance. Elle n'est pas du reste d'un style moins admirable. Dans cette partie, Cicéron 'considère d'abord l'arrangement des mots (XLIXLIII); cet arrangement consiste ou à lier le plus habilement possible les dernières syllabes avec les suivantes, et à former les sons les plus agréables (XLIV-XLVIII); ou à choisir les mots, et à les disposer si bien, que la mesure naisse d'elle-même (XLIX), ou à donner à la période une cadence harmonieuse (L-LI). L'ouvrage est terminé par une discussion sur l'origine (LII), la cause (LIII), la nature (LIV-LX), l'usage (LXI-LXVII), et enfin l'utilité du nombre oratoire (LXVIII-LXXI).

M. T. CICERONIS

AD M. BRUTUM

ORATOR.

1. UTRUM difficilius aut majus esset negare tibi sæpius idem roganti, an efficere id quod rogares, diu multumque, Brute, dubitavi. Nam et negare ei, quem unice diligerem, cuique me carissimum esse sentirem, præsertim et justa petenti, et præclara cupienti, durum admodum mihi videbatur; et suscipere tantam rem, quantam non modo facultate consequi difficile esset, sed etiam cogitatione complecti, vix arbitrabar esse ejus, qui vereretur reprehensionem doctorum atque pruden tium. Quid enim est majus, quam, quum tanta sit inter oratores bonos dissimilitudo, judicare, quæ sit optima species, et quasi figura dicendi? Quod, quoniam me sæpius rogas, aggrediar, non tam perficiundi spe, quam experiundi voluntate. Malo enim, quum studio tuo sim obsecutus, desiderari a te prudentiam meam, quam, si id non fecerim, benivolentiam.

Quæris igitur, idque jam sæpius, quod eloquentiæ genus probem maxime, et quale mihi videatur illud, cui

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