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traits des poëtes, les ranger selon le plan de la rhétorique qu'on enseigne dans les classes, et les rapporter à toutes les divisions des lieux et des figures qui sont comme le canevas de cette science. Les jeunes gens ont le temps d'en être suffisamment instruits pendant le cours de leurs études.

Indépendamment de cette raison, comme l'objet qu'on s'est proposé dans ce recueil a été qu'il fût pareillement utile aux jeunes personnes du sexe, on a cru qu'il n'y aurait rien de plus déplacé que de leur donner gravement des préceptes tout hérissés des termes des rhéteurs scholastiques (1), de leur parler des lieux oratoires, de la similitude, de la dubitation, de la prosopopée, des parallèles, et de tant d'autres noms qui ne sont pas faits pour se montrer au grand jour : et, de bonne foi, quel profit y aurait-il là pour ces sortes de personnes? Qu'elles seraient à plaindre d'être obligées de charger leur mémoire de tous ces termes obscurs! ce serait leur donner un air de pédanterie incompatible avec les agrémens de quelque nature qu'ils soient. Des instructions dans ce genre doivent se borner à leur former le goût, à' leur donner l'idée de ce qui est réellement beau, vertueux, magnanime, et à leur orner l'esprit de tout ce qu'il y a d'admirable dans les poëtes. Il est constant que les grands sentimens dont les héros et les illustres princesses offrent de si beaux exemples, élèvent notre ame, et lui communiquent une certaine vigueur qui doit tourner

(1) Rhétorique des demoiselles.

au profit des mœurs : ces mêmes sentimens ne peuvent que donner à de jeunes personnes une haute idée de la vertu, et les remplir d'une noble fierté, dont le principe doit être, à la vérité, de l'amour de la sagesse, et non un secret applaudissement pour les dons extérieurs de la nature. Et l'expérience ne leur apprend-elle pas tous les jours, que les charmes sont inconstans, que leur règne est court, qu'ils sont de funestes présens, dès que l'innocence y trouve un écueil; et qu'au contraire, lorsque la vertu les accompagne, elle leur donne des grâces, et double leur prix. Enfin on doit avoir pour but, en les engageant à apprendre des vers sonores et bien frappés, de leur faire contracter une manière de s'exprimer correcte, décente, pleine de dignité, qui respire, pour ainsi dire, la belle éducation, et de joindre ainsi les grâces. du langage et de l'esprit à celles dont la nature les a pourvues ; car il est certain que l'esprit s'embellit par les charmes de la poësie.

On s'est donc contenté de donner un ordre clair et succinct à tous les matériaux qui sont entrés dans ce recueil. Ce sont comme de beaux tableaux épars çà et là dans les ouvrages des poëtes, et qu'on a exposés dans un même lieu; mais comme il a fallu en distinguer les divers desseins, on a, pour ainsi dire, décomposé les pièces de poësie, surtout celles qui sont de longue haleine.

Les pensées et leurs divers genres commencent l'arrangement de l'ouvrage en lui-même; après viennent les grands sentimens : ce qui comprend, comme on peut s'imaginer, toutes les sources dont ils dérivent, comme la valeur, la générosité, la grandeur d'ame, l'amour de

la vertu et de la patrie, l'équité, la compassion, la tendresse bien placée, etc. Il est certain qu'ils forment de si beaux caractères, et présentent de si grands exemples, qu'ils ne peuvent que produire un bon effet sur tous les esprits raisonnables. De là on a passé à tous les morceaux brillans qui se peuvent facilement détacher d'un ouvrage, comme les narrations, les descriptions, peintures vives, les grandes images, les portraits, etc., ce qui forme autant de tableaux variés et amusans.

Ensuite on a fait voir par des préceptes et par des exemples les trois divers genres qui entrent dans les sujets de poësie, de même que dans ceux qui sont en prose, savoir, le genre sublime, le genre tempéré, et le genre familier; car tous les ouvrages sont dans quelqu'un de ces styles.

Et comme les jeunes gens, dans le temps de leurs études, ne peuvent pas et ne doivent pas même lire indifféremment les poëtes en général, on a extrait quelques scènes brillantes de nos tragiques les plus connus, pour leur donner une idée du genre dramatique et du caractère de ces illustres auteurs qui ont fait parler leurs héros avec tant de dignité. On est en cela du sentiment d'une dame célèbre (1) par son esprit, qui dit que souvent les meilleures pièces de théâtre, en nous donnant des leçons de vertu, nous laissent l'impression du vice. Il est bon de remarquer qu'elle parlait à sa fille, que ses leçons d'ailleurs n'ont rien de trop sévère; cependant elle pensait ainsi.

(1) La marquise de Lambert: Avis d'une mère, etc.

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A l'égard de l'utilité de ce recueil en lui-même, on a pour garant le sentiment de plusieurs personnes respectables, et dont l'autorité doit être d'un grand poids en fait d'instruction de la jeunesse.

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M. Rollin, dans son Traité des Etudes (1), après avoir dit qu'il doit y avoir un temps pour la lecture des poëtes français, s'exprime de cette sorte: « Il ne serait pas raisonnable que les jeunes gens, uniquement occupés de l'étude des auteurs grecs et latins, demeurassent toujours étrangers, dans leur propre pays. Cette lecture, pour être utile, demande un choix judicieux et de sages précautions, surtout pour ce qui regarde la pureté des mœurs. »

Cet homme si connu par ses observations périodiques, si redoutable aux médiocres auteurs dont il relevait cruellement les fautes, mais qui avait le goût si exquis, de l'aveu même de ses plus grands adversaires, enchérit encore sur le sentiment de M. Rollin. Après avoir dit que les jeunes gens doivent apprendre par cœur les plus beaux endroits de nos poëtes, il en donne de solides raisons (2): « Les morceaux de poësie, dit-il, » qu'on a appris dans la jeunesse, restent gravés dans la » mémoire tout autrement que la plus belle prose. Ce » sont des pièces de comparaison dont l'esprit est muni, » pour juger dans la suite de tous les ouvrages d'esprit. » C'est comme un trésor d'éloquence et d'agrémens qui

(1) Tom. 1, pag. 365.

(2) Observations, tom. 32, p. 33. (Des Fontaines.)

» se répand nécessairement sur le style, sur l'ouvrage » et sur les mœurs de celui qui le possède. Ajoutez à » cela que les poëtes renferment quantité de sentences

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qui peuvent servir d'instruction et de maximes de con» duite.»

Il est certain que ce c'est qu'à l'école de ces grands maîtres, que ce n'est qu'en les étudiant, qu'on peut apprendre à connaître un bon ouvrage, et qu'ils sont, pour toutes les productions nouvelles, la vraie pierre de touche. C'est en les goûtant qu'on s'accoutume à n'estimer que le vrai orné des couleurs qui lui sont propres, à distinguer le ton de la nature d'avec celui de l'affectation, et les beautes réelles d'avec celles qui n'en ont que l'ombre et l'apparence.

Enfin, la seule récitation des beaux vers contribue beaucoup à la bonne prononciation; elle sert de moyen pour apprendre aux jeunes gens à bien parler français, elle dénoue la langue à ceux qui ont un certain embarras dans la parole, et c'est un avantage plus important pour l'éducation qu'on ne pense.

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